Traduction d’Hélène Ginabat
ROME, mercredi 11 juillet 2012 (ZENIT.org) – Le cardinal Oscar Andres Rodriguez Maradiaga suggère de décourager l’émigration qui « n’est pas une solution » pour les jeunes, et par ailleurs, il se réjouit de l’essor spectaculaire des vocations sacerdotales ces dernières décennies au Honduras. L’archevêque de Tegucigalpa veut poursuivre la « nouvelle évangélisation » pour faire « progresser le Royaume de Dieu ».
Les propos du cardinal Maradiaga ont été recueillis par Marie-Pauline Meyer pour l’émission « Là où Dieu pleure », en collaboration avec L’Aide à l’Eglise en détresse.
Marie-Pauline Meyer – Eminence, beaucoup de Honduriens ont des parents au Nicaragua, en Espagne, au Mexique, au Salvador et au Canada, mais la majorité de ceux qui sont à l’étranger vivent aux Etats-Unis. Etes-vous en contact avec eux ?
Card. Maradiaga – Oui, c’est un aspect douloureux de notre histoire. Les jeunes – 42 % de notre population a moins de 15 ans – n’ont pas de possibilités de travail ici. Ils regardent les programmes de télévision américains et s’imaginent que c’est la terre promise. Ils essaient de partir là-bas et se font exploiter, ou bien ils ont un accident pendant leur voyage. Il existe un vol quotidien en provenance des Etats-Unis pour beaucoup de ces jeunes qui se font prendre et expulser pour être rentrés illégalement dans le pays. C’est une tragédie.
Ce ne sont pas des criminels. Ils vont là-bas pour aider leur famille. Souvent, ils se font exploiter par les gangs au Mexique. C’est une nouvelle industrie : ce sont des pauvres qui ne possèdent rien et beaucoup d’entre eux meurent. Je crois qu’il faudrait de nouvelles lois pour contrôler l’immigration et pour permettre aux gens de trouver du travail.
Voulez-vous dire que les Etats-Unis devraient changer leurs lois ?
C’est ce que les évêques américains ont demandé au Congrès, mais la politique est compliquée et je crois que nous devons poursuivre dans cette direction pour convaincre l’administration américaine qu’il est possible d’avoir une immigration contrôlée afin d’aider ces personnes.
Quelle réponse apporte l’Eglise catholique du Honduras ? Que pouvez-vous faire pour ces jeunes et pour leurs familles ?
Nous essayons d’abord de décourager cette forme d’émigration parce que ce n’est pas une solution. L’Eglise catholique n’est pas une simple hiérarchie. Il faut que nous expliquions aux laïcs qu’il faut investir dans leur pays au lieu de placer leur argent aux Etats-Unis ou en Europe. Nous les encourageons à investir dans leur pays pour créer des emplois.
Quels types d’investissement proposez-vous ?
Avec à peine 300 dollars, vous pouvez aider une famille à lancer un petit commerce. Cela donne de l’espoir. Après les ouragans, les habitants ont perdu leurs terres parce que les inondations, en emportant la terre, n’ont laissé que du sable. Les gens ont fini par céder leur terre aux banques pour payer les emprunts qu’ils avaient faits. J’ai recueilli des dons et payé ces dettes. Cela a donné de l’espoir aux familles.
Pourtant, vous comprenez bien la situation de ces jeunes gens et leur désir de quitter le pays ?
Oui, j’ai visité de très nombreuses prisons à la frontière américaine avec le Mexique. J’ai rencontré beaucoup de Honduriens. J’ai prié avec eux et rapporté des messages pour leurs familles au Honduras.
Y a-t-il un aspect positif de ce mouvement latino vers les Etats-Unis ?
Bien sûr. Vous savez que l’Eglise catholique se développe aux Etats-Unis et c’est dû à la présence des Latinos qui viennent avec leur foi. Je connais deux prêtres qui participent à la pastorale des hispaniques dans certains diocèses des Etats-Unis. Je peux vous dire que, pour beaucoup d’entre eux, leur seul moment de réelle joie est lorsqu’ils se rassemblent pour la messe en espagnol, avec un prêtre qui parle une langue qu’ils comprennent et qui entretient leur espérance ; cela fortifie leur foi.
Espèrent-ils rentrer un jour au Honduras ?
Oui, beaucoup d’entre eux reviennent parce qu’ils travaillent dur et qu’ils économisent de l’argent pour pouvoir se construire une maison au Honduras. Je connais un petit village dont les maisons étaient affreuses et dix ans plus tard, elles ont toutes été remises en très bon état. Ce sont des familles de migrants aux Etats-Unis ; ceux-ci leur ont envoyé de l’argent et leur ont permis d’avoir maintenant un vrai foyer et de vivre dignement.
Il y a une forte présence de chrétiens au Honduras. Avez-vous quand même besoin d’évangéliser ?
Bien sûr. Le pape Paul VI a dit clairement dans son exhortation apostolique Evangelii Nuntiandi que l’Eglise existait pour évangéliser. Nous sommes particulièrement engagés depuis que le pape Jean-Paul II a exhorté à faire une nouvelle évangélisation en Amérique latine. Il l’a redit au XXIème siècle lorsqu’il nous a donné Duc in Altum (« Avance en eau profonde ») ; nous sommes engagés dans une mission sur tout le continent.
Quel genre d’évangélisation avez-vous entrepris au Honduras ?
Toutes les formes d’évangélisation, en particulier à travers tous les médias. Bien que nous soyons pauvres, nous avons une chaîne de télévision, nous avons lancé une université catholique, nous avons commencé à rénover nos paroisses et mis l’accent sur le développement d’un programme pastoral pour les jeunes.
En voyez-vous les fruits ?
Oui. Le Honduras était un des pays d’Amérique latine qui avait le moins de prêtres. Avant la Conférence de Puebla en 1979, il n’y avait que 192 prêtres dans notre pays. Nous en avons maintenant plus de 400. Lorsque j’ai été nommé évêque auxiliaire en 1978, nous avions 13 séminaristes ; maintenant, nous en avons presque 200. Nous voyons les fruits, mais nous ne pouvons pas nous endormir sur nos lauriers. Il est nécessaire de continuer pour faire progresser le Royaume de Dieu.