Propos recueillis par Anne Kurian
ROME, lundi 9 juillet 2012 (ZENIT.org) – Le sanctuaire français de Notre-Dame du Laus, dans les Hautes-Alpes, va être réaménagé: une église de 2.500 places à l’architecture « mariale » devrait voir le jour en 2014.
Depuis la reconnaissance officielle du caractère surnaturel des apparitions de la Vierge Marie à Benoîte Rencurel (1647-1718) par Mgr Jean-Michel di Falco Léandri, évêque de Gap et d’Embrun, le 4 mai 2008, la basilique actuelle de 350 sièges, se fait trop étroite pour les 170.000 visiteurs annuels.
C’est pourquoi un aménagement des lieux a été décidé : un jury a procédé à des auditions d’architectes, sous la direction de Mgr di Falco. C’est le projet de Philippe Madec, conçu avec Françoise-Hélène Jourda et Marc Barani, qui a été retenu.
Le projet en question s’intitule “Juste un pas de côté” et prévoit une église modulable. Le site sera également aménagé dans son ensemble, sur 30 ans, dans le respect de l’environnement. L’architecte Philippe Madec en dit davantage aux lecteurs de Zenit.
Zenit – Quelles sont vos impressions en travaillant au projet de Notre-Dame du Laus?
Philippe Madec – Quelles que soient les expériences antérieures, l’aménagement de Notre-Dame du Laus est une première. Dans ce sanctuaire naissant au XVIIe siècle, s’épanouissant à nouveau quatre siècles plus tard, le temps ralenti et fervent a fait vivre au Laus une évolution patiente, préservé son authenticité humble, rurale et pieuse, maintenu peu ou prou la force de sa géographie sacrée. Le projet ne pouvait que respecter voire restaurer les lieux, rendre hommage aux pratiques, échelles et mesures inscrites de si longue date, à « ce trésor caché ».
De quelle façon exprimez-vous le message du lieu ?
La réconciliation, message principal du Laus, œuvre au creux de ce projet. Pour que la réconciliation soit intégrale, il nous est apparu indispensable que, d’une part, les lieux eux-mêmes se rapprochent d’un état nourri de leur force et beauté originelles, et que d’autre part, le projet n’impose rien, afin de concilier ce qui est déjà là, la longue histoire de Benoîte jusqu’à nous, avec ce qui advient, l’avenir du sanctuaire. Ménager pour aménager, mettre ensemble. Si possible et nécessaire, rapprocher le sanctuaire de lui-même : à juste distance du monde agité, au cœur d’un monde rural et d’un territoire préalpin que le parcours de la bergère du Laus a marqué de repères, accueillir une ferveur populaire et puissante.
Dans notre projet, il n’y a pas de concurrence, pas de dramatisation ni de mise en scène, plutôt la recherche de la simplicité des lieux et des architectures, de l’ »à peine vu », de l’ »à découvrir », et le chemin qu’il faut parcourir pour y parvenir. La nouvelle église n’occupe pas le centre du sanctuaire, elle participe de la géographie sacrée, se met à part, au détour d’un chemin.
De quelle manière l’architecture va-t-elle aider l’assemblée à prier ?
L’architecture accueille, protège, console, installe un temps qui prend son temps, le temps de rester pour se (re)trouver face au sacré, à soi, aux autres, à la nature. Notre architecture est mariale. Dans un plan aux formes souples, elle offre son hospitalité dans des chapelles collatérales souterraines, et sous une haute charpente de petits bois qui réinterprète le manteau protecteur de Marie. Elle apaise dans ce lieu tout de nature, de terre, d’arbres, de soleil, où résonne le son des cloches de la basilique, brille le sifflement des oiseaux et remonte le chant du torrent. Elle s’installe « un pas de côté » pour prendre le temps de s’y rendre, d’entrer en paix dans la prière en assemblée.
A ce niveau de nos études tout juste issues du concours, le projet attend les échanges indispensables avec Mgr Jean-Michel di Falco Léandri et le P. Ludovic Frère notamment, pour parfaire sa conception. Notre proposition est ouverte, rend possible plusieurs approches y compris innovantes. Prochaine étape.
Comment le cadre naturel du Laus est-il pris en compte dans votre projet ?
L’homme est consubstantiel de la nature. Notre projet cherche à considérer avec la même bienveillance tout ce qui porte la vie. Il en provient, en découle. Il reconnaît une géographie sacrée, montagne, conque et torrent, constellée par le souvenir toujours vif des apparitions. Il s’inscrit dans un écosystème hyper local né de l’interdépendance de la foi, de la vie quotidienne rurale, du paysage, des torrents, des forêts et de pierres sombres, de lumière et d’ombre.
L’éco-responsabilité caractérise notre équipe qui en regroupe des figures reconnues. Toutes nos décisions sont frappées de son sceau. Imaginer le chantier d’une grande église dans un site fragile et difficile d’accès conforte les choix d’une démarche économe, montagnarde : construire une grande nef en petit bois et la couvrir de tavaillons – planchette de bois – répond aux conditions et aux savoir-faire locaux, comme reprendre le schiste – une roche – du site comme agrégats pour les bétons ; tirer profit de la température constante du sol pour tempérer économiquement l’église, etc.
Comment l’architecture peut-elle être au service du sacré ?
L’architecture sert tous les aspects de la vie humaine, ses valeurs et son quotidien, le sacré avec le même enthousiasme que le domestique. Il suffit de citer Le Corbusier, l’inépuisable, l’auteur agnostique de si belles architectures sacrées : « Dresser face à la nature du Bon Dieu, sous le ciel et face au soleil, une œuvre architecturale magistrale, faite de rigueur, de grandeur, de noblesse, de sourire et d’élégance » et chercher à le faire. Partout le même acte d’amour, le même acte de bienveillance pour l’autre dans tous les moments de son existence.