Anne Kurian
ROME, mardi 24 avril 2012 (ZENIT.org) – Pour relancer l’économie en Europe, il faut remettre la personne au centre, c’est en substance ce qu’a déclaré le cardinal Bertone, samedi 21 avril 2012.
Le cardinal Tarcisio Bertone, secrétaire d’Etat, était en visite au diocèse de Catanzaro-Squillace, en Italie, où il a reçu un doctorat « honoris causa » en droit, de l’université Magna Grecia. Il est intervenu également durant un congrès du diocèse et de l’université sur le thème: «Quel avenir pour l’Europe? Un parcours en face de la res novae, entre éthique, économie et politique».
Dans cette intervention, le cardinal se demande si la Méditerranée, « vrai lieu de rencontres entre les peuples », est à même d’être le « moteur » au service de la paix et du dialogue entre les peuples. Pour qu’elle soit « opérationnelle », il invite à s’appuyer sur deux piliers : la « redécouverte des fondements ultimes du droit » et la « réévaluation de la dimension politique ». Il brosse également le portrait du laïc catholique qui s’engage en politique.
Pour relancer l’économie : mettre la personne humaine au centre
L’Europe unie était à l’origine une communauté économique, rappelle le cardinal, mais cette Europe des pères fondateurs, était fondée « sur la valeur et la culture du christianisme », et « l’éthique n’était pas disjointe de la politique et de l’économique ». C’est cette Europe, dit-il, qui est en mesure encore aujourd’hui, de « séduire, d’enthousiasmer et de rassembler des peuples, visions et cultures diverses ».
Citant Benoît XVI, il souligne que la sphère économique « appartient à l’activité de l’homme » et elle a donc « besoin de l’éthique pour son fonctionnement correct ». Ce qui signifie que seule l’économie qui repose sur la « centralité de la personne », contribue à répondre à « ses besoins les plus authentiques ».
C’est pourquoi, affirme-t-il, « une politique qui met au centre l’homme dans ses dimensions intégrales, plutôt que les intérêts particuliers des individus », pourrait non seulement « favoriser une reprise économique plus stable et au bénéfice de tous » mais contribuerait aussi à « surmonter cette crise de confiance » qui implique les opérateurs financiers et les institutions.
Dans cet engagement renouvelé, le cardinal encourage la « valorisation du travailleur, de ce qu’on appelle le “capital humain” », qui est « la plus grande richesse dont l’humanité dispose ».
L’Europe moderne, ajoute-t-il, ne peut se construire que sur « un ethos commun », en mesure de générer un « consensus de base sur des critères et des attitudes en accord avec la nature de la personne humaine ».
Pour le cardinal Bertone, si l’Europe ne redécouvre pas le « lien entre être et agir » et le « lien entre éthique et politique », ainsi que la « contribution positive de la religion pour sa croissance », il lui manque les instruments pour affronter les questions actuelles.
Pour une juste laïcité : en dialogue avec les religions
Au cours des siècles, fait observer le secrétaire d’Etat, de nombreux pays européens ont su développer un concept de « saine laïcité » des Etats, c’est-à-dire la « distinction entre la dimension temporelle et la dimension spirituelle ». Ce concept, estime-t-il, représente un « patrimoine important », mais il peut « facilement se réduire à une idéologie », s’il ne sait pas tirer bénéfice du rôle « inspirateur » de la religion chrétienne.
On ne devrait pas, insiste-t-il, ignorer la « contribution particulière » que le christianisme peut offrir « dans les grandes questions de la paix et de la cohabitation entre divers peuples et communautés ». Les institutions religieuses et spirituelles chrétiennes peuvent en ce sens « collaborer avec les institutions politiques », notamment en « rappelant les valeurs éthiques et spirituelles partagées ».
Ainsi, un « dialogue entre foi et raison », entre « instances laïques et religieuses », peut aider à affronter « fructueusement et avec équilibre » les défis actuels, tels « la crise économique, les problèmes climatiques, les migrations ».
Dans le phénomène de la mondialisation et des migrations, souligne le cardinal, une attention « maximale » doit être consacrée à la « possibilité d’intégrer et enrichir mutuellement » les diversités culturelles et religieuses présentes en Europe. Ce qui implique l’engagement à réaliser une vraie « convivialité des cultures », en évitant la « tentation d’opposition entre civilisations ».
Pour un juste engagement : portrait du laïc chrétien en politique
Citant Paul VI, il rappelle que «la politique est une façon exigeante de vivre l’engagement chrétien au service des autres». Or, pour tout croyant, la pratique de la charité se fait parfois « dans le déchirement des choix difficiles, dans la peine des décisions non comprises par tous, dans le trouble provoqué par les contradictions et par les conflits systématiques ».
Ainsi les laïcs qui exercent la charité dans l’agir politique ne peuvent éviter de se confronter à ces problèmes. Mais, encourage le cardinal, ils ne doivent « jamais se résigner » : au contraire, ils doivent « concourir généreusement au bien commun », et « rendre publiquement raison » de la fécondité sociale et politique de leur foi vécue.
Tout ceci a donc des conséquences décisives sur « les contenus et les méthodes de l’engagement politique » : si la politique est « l’art de la médiation », ajoute le cardinal, il existe des principes premiers, qu’une « médiation à tout prix » finirait par détruire.
Aujourd’hui, dénonce-t-il à ce sujet, la politique est plus souvent guidée par des « calculs de convenance » et des « logiques utilitaristes de simple recherche de consensus ». Cependant, rappelle-t-il, si l’on veut que le bien commun soit « crédible », c’est la « splendeur de la vérité » qui devra éclairer les avantages, les profits et l’utilitaire, en les mettant « au service de la dignité humaine, de la personne et de cette cellule fondamentale de la société qui est la famille ».
En se souvenant que l’art de bien gouverner est « amour pour la vie sociale », le laïc doit promouvoir « l’ouverture des individus vers les autres, la capacité charitable de chacun à donner et à recevoir, la disposition à se respecter et s’aider mutuellement et avec désintérêt ». Voilà pourquoi, conclut le cardinal « le politique ne peut être autre que celui qui, par amour, se consacre à la justice ».