"Les sept dernières paroles du Christ", de Joseph Haydn

Une musique pour la Passion

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Francesco d’Alfonso

Traduction d’Hélène Ginabat

ROME, jeudi 5 avril 2012 – (ZENIT.org) – Des « paroles douloureuses », des « paroles intimes et bouleversantes, que Haydn transfigure en musique » : Francesco d’Alfonso, responsable de la section Art et Culture du Bureau des communications sociales du diocèse de Rome, offre aux lecteurs de Zenit ce commentaire de l’oratorio composé par Joseph Haydn (1732-1809): « Les sept dernières paroles du Christ », et il en raconte la genèse.

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Anno Domini 1786. Vendredi saint. Sous la coupole resplendissante de pierres dorées, la cathédrale de Cadix se tait. Même le chaud soleil de l’Andalousie semble pâlir devant le bois de la Croix. Tout est ténèbres : le Christ meurt. Souffrance. Peu de paroles. Sept, seulement.

Un chanoine zélé de la très catholique province espagnole ressent le besoin d’exalter ce moment de piété funèbre par une élévation supplémentaire. Le décor a besoin encore de quelque dorure. Il manque un artiste. La personne appropriée est le pieux maître Franz Joseph Haydn – qui avait l’habitude de signer ses manuscrits de la mention Laus Deo – et c’est à lui que le chanoine commande une « musique instrumentale » qui ait le pouvoir de remplir de sons le décor planté dans la cathédrale.
C’est Haydn lui-même qui, en envoyant la partition à la Maison Breitkopf & Härtel pour la publication, a raconté ce qui s’y passait : « Les murs, les fenêtres, les piliers de l’église étaient recouverts de draps noirs et, seule, une grande lampe qui pendait du centre de la voûte rompait cette solennelle obscurité. A minuit, on fermait les portes et la cérémonie commençait. Après une brève oraison, l’évêque montait en chaire et prononçait la première des sept paroles (ou phrases) en la commentant. Après cela, il descendait de la chaire et se prosternait devant l’autel. Cet intervalle de temps était rempli par la musique ». C’est de cette rencontre entre la volonté baroque d’un prêtre de province et le génie musical de Haydn que naît la « Musique instrumentale sur les sept dernières paroles de notre Rédempteur en croix – ou bien Sept sonates avec une Introduction et à la fin un Tremblement de terre », dans la version originale pour orchestre. Suivront, en 1787, une transcription pour quatuor à cordes et une adaptation pour piano et, en 1796, une version en forme d’oratorio pour chœur et orchestre, sur le texte d’un chanoine de Passau.

Une introduction, Adagio maestoso, et une conclusion, Presto con tutta forza – le tremblement de terre qui bouleversa le Calvaire, d’après le récit de l’évangile de Matthieu – encadrent les sept paroles : Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ; Aujourd’hui, tu seras avec moi dans le Paradis ; Femme, voici ton fils ; Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? J’ai soif ; C’est achevé ; En tes mains, Seigneur, je remets mon esprit.

Paroles douloureuses, prononcées par le Fils de Dieu qui sacrifie, de manière sanglante, sa vie pour le salut de l’homme. Paroles intimes et bouleversantes, que Haydn transfigure en musique, au point de vouloir qu’elles soient écrites sous la partie du premier violon, pour que les exécutants puissent vivre plus intensément les notes qu’ils jouaient. Des notes qui ne se concluent pas avec la mort, mais qui se poursuivent comme dans un tourbillon vers un final lumineux, préfiguration de la victoire du Christ sur la mort, la Résurrection.

Ce n’est pas par hasard que Haydn commence le Tremblement de terre en Do mineur et le conclut en tonalité majeure, marquant ainsi le lien étroit avec le texte évangélique. Vainqueur de la mort, le Christ l’a définitivement emporté sur les ténèbres : la musique réussit à saisir pleinement la transcendance de ce mystère, se déployant lentement, douloureusement, vers la lumière.
S’il est vrai que cette composition est un « équivalent sonore des peintures et des sculptures des églises rococo de l’Europe catholique, dont le but était de conduire également à la repentance et à la paix de l’esprit » (David Wyn Jones), il est tout aussi vrai qu’elle réussit à orienter le regard au-delà de la sphère sensible, au-delà de la perspective du visible. Bien qu’il réussisse à montrer avec émotion toutes les plaies du Crucifié, jusqu’à sa gorge desséchée, Haydn ne peint pas une fresque de la Passion.

A travers la force des paroles, non dites et pourtant entendues, il contemple l’ineffable mystère de l’amour et le traduit en notes : la passion et la mort du Christ ne sont pas autre chose qu’un acte d’amour.

Par amour, le plus beau des enfants des hommes devient Celui qui n’a ni apparence ni beauté. Amour, symphonie de lumière. Amour, musique qui réveille de la torpeur de la nuit. Amour, harmonie entre le ciel et la terre. Amour, chant de toute la création. Laus Deo.

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ZENIT Staff

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