ROME, lundi 6 février 2012 (ZENIT.org) – «  Václav Havel incarnait un courant de pensée qui entendait remettre l’être humain au cœur de la société », explique Madame Marie Chatardova, ambassadeur de République tchèque à Paris, qui évoque pour Zenit ce grand homme d'Etat et de culture à l'occasion d'un hommage de l'Eglise de Paris. En effet, le cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris, et président de la Conférence des évêques de France, célébrera une messe à l’intention de Václav Havel, ancien président de la République tchèque, dimanche prochain, 12 février (18h30) en la cathédrale Notre-Dame de Paris. Zenit - Madame l'Ambassadeur, pourquoi une messe à Notre-Dame? Madame Chatardova - Suite au décès de l´ancien président Václav Havel, l’Ambassade tchèque à Paris a offert la possibilité à tous ceux qui voudraient s’associer au deuil des Tchèques de venir se recueillir dans ses locaux et de signer des livres de condoléances. Plusieurs centaines de personnes ont ainsi témoigné de leur attachement à l’ancien président. Le Cardinal André Vingt-Trois a présenté ses condoléances à la République tchèque en m'adressant une lettre. Les funérailles le 23 décembre ont été retransmises à l’Ambassade et les personnes qui voulaient être en quelque sorte « en République tchèque » pour les regarder sont venues se joindre par les ondes à la cérémonie. A Prague, un millier d'invités ont assisté à cette cérémonie en la cathédrale Saint-Guy au Château. De nombreux dirigeants du monde se sont joints aux Tchèques parmi lesquels le président français Nicolas Sarkozy, le secrétaire d'Etat américain Hillary Clinton et son époux Bill Clinton, ancien président des Etats-Unis, le Premier ministre britannique David Cameron et l'ancien secrétaire d'Etat américain d'origine tchèque Madeleine Albright. La messe qui sera célébrée à l’intention de Václav Havel en la cathédrale Notre-Dame de Paris sera l’aboutissement en France de cette suite d’événements et l’Archevêque de Paris qui a décidé en coopération avec l´Ambassade de la célébrer est parfaitement en union avec ce que les Tchèques ont fait depuis le décès de l’ancien président. Après la prière, des conférences et des analyses rendront plus tard hommage à l’homme politique et au dramaturge. Comment les Tchèques ont-ils réagi à la mort du président Havel? En 1918, le pays a été refondé par des intellectuels dont le Président Masaryk était à la fois le symbole et le chef. C’est une constante, la population a besoin de réfléchir à ce qu’elle vit ou ce qu’elle subit. Les Tchèques sont volontiers, ce qu’on appelle en France des « intellectuels ». Ils ont souvent une vie spirituelle, quelle que soit leur approche de la foi. La mort de Václav Havel s’est déroulée à l’image de sa vie. Entouré des siens et d’une religieuse de l’ordre des Sœurs de charité de Saint Charles Borromée, il s’est éteint dans ce cadre serein et le deuil des Tchèques a été dès le début marqué par beaucoup de dignité. Des messes ont été célébrées au cours desquelles la population a exprimé sa gratitude pour l’action de l’ancien président et a prié pour le repos de son âme. La nation entière a été impliquée et le gouvernement tchèque a décrété un deuil national. Quel événement de sa vie a plus frappé l'opinion? Chacun se souvient de ce qu’il faisait le soir où le futur président en compagnie de quelques autres dont Václav Maly, le futur évêque auxiliaire de Prague, étaient au balcon de la place Venceslas, en décembre 1989. C’est un peu comme à Paris : les personnes les plus âgées savent où elles étaient le 25 août 1944 et le fameux « Paris ! Paris outragé ! Paris brisé ! Paris martyrisé ! Mais Paris libéré ! ». Le discours de Václav Havel constitue l'équivalent pour les Tchèques. A l’époque, à cause de ses séjours répétés en prison pour ses écrits politiques, Václav Havel était le dissident le plus connu de l'opinion publique. Durant la période communiste, il avait été la grande figure de l'opposition au régime politique de la « République socialiste tchécoslovaque », l'un des co-fondateurs et l'un des trois porte-paroles de la « Charte 77 », une organisation de défense des droits de l'homme du pays. Qu'est-ce que le président Havel a encore à dire à l'Europe aujourd'hui? Václav Havel incarnait un courant de pensée qui entendait remettre l’être humain au cœur de la société, qui défendait la liberté des âmes contre l’embrigadement et la contrainte au sein d’un système, qu’il soit communiste ou fasciste d’ailleurs. Il le faisait avec une sensibilité plus grande que d’autres à la construction de liens entre les gens, par exemple dans la société civile. C’est ce que notre philosophe, Patocka, appelait le « soin de l’âme », qui était pour lui la caractéristique de l’esprit européen. Le souci de la liberté a inspiré beaucoup d’actions en République tchèque, comme l’engagement de la plus grande organisation non gouvernementale tchèque « People In Need ». Les Tchèques sont souvent actifs dans des mouvements non violents de soutien à tous les dissidents de la planète. Propos recueillis par Anita Bourdin