ROME, mardi 24 janvier 2012 (ZENIT.org) – Ce serait un erreur de vouloir bannir la vie spirituelle « de la compagnie des soldats, de la boutique des artisans, de la cour des princes, du ménage des gens mariés », explique saint François de Sales (1567–1622). Chaque condition humaine a besoin d’une spiritualité spécifique.
En s’adressant à sa fille spirituelle – nommé Philothée et qui représente tout baptisé qui veut s’engager dans une vie profonde de relation à Dieu -, saint François de Sales rappelle que ses conseils ne sont pas réservés ni aux prêtres ni aux personnes consacrées, mais qu’ils profiteront aussi aux personnes mariées et de toute condition sociale. Avant la lettre, François de Sales, dont c’est, ce 24 janvier la fête liturgique, promeut la sainteté des laïcs, dans ce que l’on pourrait aussi appeler avec le Concile Vatican II « l’appel universel à la sainteté » (Lumen gentium, chapitre V).
Le « Martyrologe romain » précise aujourd’hui que saint François de Sales a été évêque de Genève et qu’il a reçu le titre de « docteur de l’Église ». Il a été un « pasteur d’âmes » qui a « enseigné aux chrétiens par ses écrits la dévotion et l’amour de Dieu et, avec sainte Jeanne de Chantal », il a fondé l’Ordre de la Visitation. Il est mort à Lyon le 28 décembre 1622 et il a été inhumé à Annecy en 1623. Il est le saint patron des journalistes.
Le site de l’abbaye saint Benoît publie en ligne à la fois son « Traité de l’Amour de Dieu » et son « best-seller » : « Introduction à la vie dévote », dont voici un extrait bien connu (cf. http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/francoisdesales/viedevote/partie1.htm#_Toc523293582).
Anita Bourdin
Saint François de Sales, « Introduction à la vie dévote », ch. 3
« QUE LA DÉVOTION EST CONVENABLE A TOUTES SORTES DE VOCATIONS ET PROFESSIONS »
Dieu commanda en la création aux plantes de porter leurs fruits, chacune « selon son genre », ainsi commande-t-il aux chrétiens, qui sont les plantes vivantes de son Eglise, qu’ils produisent des fruits de dévotion, un chacun selon sa qualité et vacation. La dévotion doit être exercée différemment par le gentilhomme, par l’artisan, par le valet, par le prince, par la veuve, par la fille, par la mariée; et non seulement cela, mais il faut accommoder la pratique de la dévotion aux forces, aux affaires et aux devoirs de chaque particulier.
Je vous prie, Philothée, serait-il à propos que l’évêque voulût être solitaire comme les chartreux ? Et si les mariés ne voulaient rien amasser non plus que les capucins, si l’artisan était tout le jour à l’église comme le religieux, et le religieux toujours exposé à toutes sortes de rencontres pour le service du prochain, comme l’évêque, cette dévotion ne serait-elle pas ridicule, déréglée et insupportable ?
Cette faute néanmoins arrive bien souvent, et le monde qui ne discerne pas, ou ne veut pas discerner, entre la dévotion et l’indiscrétion de ceux qui pensent être dévots, murmure et blâme la dévotion, laquelle ne peut mais de ces désordres.
Non, Philothée, la dévotion ne gâte rien quand elle est vraie, mais elle perfectionne tout, et lorsqu’elle se rend contraire à la légitime vacation de quelqu’un, elle est sans doute fausse. L’abeille, dit Aristote, tire son miel des fleurs sans les intéresser, les laissant entières et fraîches comme elle les a trouvées; mais la vraie dévotion fait encore mieux, car non seulement elle ne gâte nulle sorte de vacation ni d’affaires, mais au contraire elle les orne et embellit. Toutes sortes de pierreries jetées dedans le miel en deviennent plus éclatantes, chacune selon sa couleur, et chacun devient plus agréable en sa vacation la conjoignant à la dévotion: le soin de la famille en est rendu paisible, l’amour du mari et de la femme plus sincère, le service du prince plus fidèle, et toutes sortes d’occupations plus suaves et amiables.
C’est une erreur, et même une hérésie, de vouloir bannir la vie dévote de la compagnie des soldats, de la boutique des artisans, de la cour des princes, du ménage des gens mariés. Il est vrai, Philothée, que la dévotion purement contemplative, monastique et religieuse ne peut être exercée en ces vacations-là; mais aussi, outre ces trois sortes de dévotion, il y en a plusieurs autres, propres â perfectionner ceux qui vivent ès états séculiers.
Abraham, Isaac et Jacob, David, Job, Tobie, Sara, Rébecca et Judith en font foi pour l’ancien testament; et quant au nouveau, saint Joseph, Lydia et saint Crépin furent parfaitement dévots en leurs boutiques; sainte Anne, sainte Marthe, sainte Monique, Aquila, Priscilla, en leurs ménages; Cornélius, saint Sébastien, saint Maurice, parmi les armes; Constantin, Hélène, saint Louis, le bienheureux Amé, saint Edouard, en leurs trônes. Il est même arrivé que plusieurs ont perdu la perfection en la solitude, qui est néanmoins si désirable pour la perfection, et l’ont conservée parmi la multitude, qui semble si peu favorable à la perfection : Loth, dit saint Grégoire, qui fut si chaste en la ville, se souilla en la solitude. Où que nous soyons, nous pouvons et devons aspirer à la vie parfaite.