CCEE : 40 ans de service à la civilisation européenne

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Le cardinal Péter Erdö remonte le cours de l’histoire du Conseil

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ROME, Mardi 29 mars 2011 (ZENIT.org) – Le 25 mars dernier, le Conseil des Conférences épiscopales d’Europe (CCEE) a fêté ses 40 ans. Il s’agit d’un anniversaire important pour une institution qui a joué un rôle majeur dans la croissance et la réalisation de la civilisation européenne moderne.

Le CCEE réunit les présidents des 33 conférences épiscopales européennes. Lors de sa fondation, le 18 novembre 1965, ils n’étaient que 13. Son objectif est de promouvoir la collaboration entre les évêques en Europe pour servir le bien et mener à bien la mission chrétienne.

Mais le Conseil n’est pas qu’une institution de liaison. Il cherche aussi à exercer un rôle de responsabilité paternelle vis à vis des peuples, des croyants ou non croyants, de l’Europe.

Pour mieux comprendre son histoire, ses finalités et ses propositions pour faire grandir la civilisation européenne, ZENIT a interrogé le cardinal Péter Erdö, archevêque d’Esztergom Budapest, primat de Hongrie et président du CCEE.

ZENIT : Pouvez-vous nous présenter le CCEE? Pourquoi et comment est-il né?

Card. Erdö : Le Conseil des Conférences épiscopales d’Europe (CCEE) est au service de la collégialité entre les conférences épiscopales d’Europe. Sa première tache est de promouvoir la collaboration entre les évêques en Europe. Le CCEE doit veiller au bien de l’Église et la soutenir dans l’accomplissement de sa mission. Il a une fonction de conseiller : cultiver le sentiment collégial et mettre en œuvre une plus étroite communion et coopération entre les conférences épiscopales. Cette collaboration passe par diverses consultations, surtout au cours de l’assemblée plénière à laquelle participent les présidents des conférences épiscopales.

Vers la fin du Concile Vatican II, le 18 novembre 1965, s’est tenue une rencontre des présidents de 13 conférences épiscopales européennes. Ceux-ci chargèrent un comité, constitué de 6 délégués des conférences épiscopales et un secrétariat de liaison, de penser à une collaboration future entre les conférences épiscopales en Europe. La responsabilité fut confiée à Mgr Etchegaray. Le comité avait une double tâchec: étudier les éléments nécessaires pour une collaboration réelle et stable et définir les secteurs pastoraux pour lesquels cette collaboration s’avérait particulièrement nécessaire et urgente. Le 23 et 24 mars 1971, eut lieu toujours à Rome, l’assemblée constituante du CCEE.

Au début, l’assemblée plénière rèunissait les délégués des conférences épiscopales. En 1986, 25 membres y participaient déjà et presque tous les épiscopats avaient un représentant. En 1995, les membres s’élevaient au nombre de 34. Actuellement ils sont 37 (33 conférences épiscopales et 4 évêques non membres de conférences épiscopales : Luxembourg, Principauté de Monaco, République moldave, Chypre). Les territoires du CCEE comprennent aussi cette partie de l’Europe qui n’appartient pas à l’Union européenne, comme la Russie et la Turquie. Les nouveaux statuts ont été approuvés par la congrégation pour les évêques, le 2 décembre 1995.

ZENIT : Si vous deviez choisir des moments significatifs des activités du CCEE au cours de ces 40 dernières années, quels seraient-ils?

Card. Erdö : Ce que je sais des grands épisodes qui ont eu lieu avant ma participation personnelle, vient des histoires que racontait le premier président, le cardinal Etchegaray. Il parlait de cette initiative avec vraiment beaucoup d’enthousiasme. Je l’ai toujours entendu parler du dynamisme de l’Esprit Saint qui s’est manifesté aussi durant le Concile Vatican II, et qui contribua au développement de cette réalité théologique, connue depuis toujours, que nous appelons collégialité épiscopale.

En ce qu concerne mes expériences personnelles, je me souviens d’une rencontre à Munich, en Bavière, avec Mgr Ivo Fürer, alors secrétaire général du CCEE, et avec l’excellent canoniste allemand Heribert Schmitz. Nous devions travailler sur les statuts du CCEE. Ainsi notre fonctionnement est devenu pleinement conforme au CIC de 1983 et au Code des Canons des Eglises orientales de 1990. L’unité avec l’Église universelle et spécialement avec le successeur de saint Pierre est en effet une force des conférences continentales.

Une autre expérience est celle de la rencontre annuelle des évêques catholiques d’Orient en Europe. Depuis quelques années, cette initiative a désormais lieu sous le patronage du CCEE, mettant sur un même pied d’égalité la dignité de toutes les Églises catholiques « sui iuris » qui sont en pleine communion avec l’Église de Rome.

L’unité dans la diversité au sein même de l’Église catholique est une force qui peut aider à rapprocher les divers peuples de notre continent, à l’histoire si tourmentée.

Autre souvenir inoubliable, la prière des évêques à Fatima en 2001, quand nous avons placé notre continent sous la protection maternelle de la Vierge Marie ; mais encore la rencontre des évêques du sud-est européen, organisée en Turquie en 2009, où nous avons visité Tarse et d’autres lieux significatifs de la vie de saint Paul, et avons demandé son intercession pour un réveil de l’évangélisation sur notre continent. Le maitre de maison, à cette occasion-là, était Mgr Luigi Padovese.

ZENIT : Parmi les objectifs du CCEE, il y a aussi le soutien au développement des relations œcuméniques. Dans quelle mesure le CCEE peut accomplir cette mission et quels sont ses interlocuteurs?

Card. Erdö : Les sessions du comité conjoint CCEE-KEK qui permettent un travail commun de notre présidence et avec la présidence de la KEK (organisation européenne des autres chrétiens orthodoxes, protestants et anglicans), confirment la responsabilité commune pour la vie future de notre continent.

La rencontre œcuménique de Sibiu (Roumanie) en 2007, a été particulièrement importante. L’autre expérience encourageante est celle du Forum catholique-orthodoxe (FCO) européen qui permet à notre organisation, toujours en contact avec le Saint-Siège, de travailler avec les représentants de toutes les Églises orthodoxes d’Europe. Ces forums, qui semblent prendre un rythme annuel, ne constituent pas une nouvelle organisation, mais se concentrent toujours sur quelque thème de la vie morale et sociale de notre continent.

Nous avons découvert avec joie que nos positions théologiques sont si proches qu’elles permettent des attitudes communes dans des situations concrètes très importantes. Le dialogue théologique et dogmatique entre les Églises a lieu à travers d’autres structures catholiques sous la direction du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens.

Les actes du second forum catholique-orthodoxe sur les relations Église-État : perspectives théologiques et historiques, seront présentés à Rome en novembre prochain.

ZENIT : Plusieurs ombres menaçantes pèsent sur l’Europe, dont la chute démographique, la séparation et la division des familles, une certaine ambigüité concernant la reconnaissance de l’identité chrétienne, la croissance d’une culture qui veut autoriser différentes formes d’euthanasie, la disparition de Dieu dans la vie de tous les jours… Face à un tel horizon qui semble bien confus, comment le CCEE pense-t-il faire briller la lumière d’une nouvelle renaissance chrétienne?

Card. Erdö : Déjà dans les statuts du CCEE il est écrit que la nouvelle évangélisation est parmi ses priorités. Le pape a récemment institué un dicastère pour la promotion de la nouvelle évangélisation, et en 2012 aura lieu un synode des évêques sur cette question. A Zagreb, en 2010, nous avons eu une assemblée plénière sur le thème « Démographie et vie en Europe ».

Chacune de
nos rencontres annuelles, comme la dernière aussi d’ailleurs, est précédée d’une enquête détaillée en rapport avec le thème traité. Cette étude touche tous les pays européens. Les résultats sont rassemblés, analysés, discutés puis présentés à l’assemblée.

Pour notre assemblée plénière 2011 en Albanie, à Tirana, le thème principal sera la nouvelle évangélisation.

ZENIT : Dans ce contexte, quel rôle l’évêque peut-il jouer?

Card. Erdö : Le rôle de l’évêque est unique et fondamental. Sa fonction est toujours triple. L’évêque doit poursuivre la mission du Christ de sanctifier, enseigner et gouverner de manière substantiellement différente de celle qui caractérise l’exercice de telles fonctions par tous les chrétiens (LG 10). Même si ces missions s’adressent spécifiquement à la communauté de l’Église, les évêques ont une mission importante également dans le domaine de l’évangélisation du monde des non-croyants: Ils sont les principaux missionnaires et les protagonistes du dialogue qui dépasse la sphère privée.

ZENIT : L’évêque est bien sûr le pasteur des âmes, mais il est aussi une figure importante dans le domaine civil et social. Comment faire pour ramener les enseignements de l’Église catholique dans un domaine d’importance publique?

Card. Erdö : L’évêque doit aider et animer les laïcs de manière à ce que la société séculière se développe dans l’esprit de l’Évangile selon des valeurs plus profondément humaines, éclairées par la foi chrétienne.

Concernant la participation des évêques dans la direction politique et civile des pays européens, nous faisons face à un clair changement. Quand à la fin de l’Antiquité tant de villes sont restées sans administration publique civile, qui pouvait défendre les intérêts de la communauté? C’était souvent l’évêque qui devait assumer ce rôle.

En Allemagne et dans d’autres pays convertis au christianisme sur décision des princes, durant la période du Haut Moyen Age, les évêques étaient comme des fonctionnaires, fidèles à l’Église mais aussi à l’État. Les évêques hongrois, par exemple, au Moyen Age, devaient combattre avec leurs troupes, dans toutes les guerres importantes du roi. Dans la bataille de Mohács, en 1526, lorsque l’armée hongroise a été vaincue par l’armée impériale ottomane, la quasi totalité de l’épiscopat du pays est tombée en un seul jour.

A l’époque moderne, des évêques ou des cardinaux, comme par exemple Mendoza, Jiménez de Cisneros, Richelieu, ont même revêtu des rôles de régent dans leur pays. De nos jours, le droit canonique interdit au clergé d’exercer des fonctions impliquant l’exercice de pouvoirs civils. Ce sont les laïcs qui, selon le Concile Vatican II aussi, ont vocation spéciale à transformer le monde dans le sens de l’Évangile (cf. CIC can. 227, Apostolicam actuositatem 7b).

ZENIT : Quelles initiatives le CCEE organise-t-il dans le cadre de ce 40ème anniversaire?

Card. Erdö: Diverses célébrations ponctueront ce 40ème anniversaire qui durera toute l’année. Tout d’abord à travers notre revue quadrimestre : Litterae communionis. Dans les trois numéros de 2011, les trois derniers secrétaires du CCEE raconteront l’histoire de cet organisme au service de la communion épiscopale en Europe. Ils raconteront l’histoire du CCEE qui est en définitive l’histoire de l’Église et de l’Europe de ces 40 dernières années.

Le 25 mars, a été adressée une lettre à tous les évêques d’Europe, dans laquelle il leur est demandé d‘intercéder par la prière auprès des saints patrons d’Europe afin que le CCEE puisse continuer son service à l’Église et à l’Europe, avec enthousiasme et simplicité, en communion avec le successeur de Pierre.

Enfin, lors de la prochaine assemblée plénière qui aura lieu en Albanie au début du mois d’octobre prochain, nous célèbrerons officiellement cet anniversaire avec tous les présidents des conférences épiscopales qui, aujourd’hui, forment le CCEE. D’autres initiatives sont par ailleurs en phase de préparation. Elles seront annoncées en temps voulu.

Propos recueillis par Antonio Gaspari 

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ZENIT Staff

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