ROME, Dimanche 6 mars 2011 (ZENIT.org) – Les Philippins sont peut-être une population pauvre sur le plan matériel, mais ils possèdent une richesse à partager avec les autres pays : leur foi catholique. Contraints par la pauvreté à émigrer, ces migrants deviennent des missionnaires.
Au cours de l’émission de télévision « Là où Dieu pleure », Mgr Roberto Calara Mallari, évêque auxiliaire de San Fernando, met en lumière le lien existant entre la migration et le soi-disant problème de la croissance démographique du pays et suggère une solution dans une perspective mondiale.
Q : Vous avez été consacré évêque le jour de votre 48ème anniversaire. Pour vous, qu’est-ce que cette nomination a signifié ?
Mgr Mallari : Pour moi, cette nomination a été comme une renaissance, car j’ai senti que devenir évêque était en quelque sorte aussi une expérience de mort. En effet, pendant la période de discernement, je disais au Seigneur que si ce n’était pas sa volonté, alors qu’il prenne ma vie.
Mort, dans le sens de mort à la vie que vous aviez connue jusque-là ?
Nous avons tous des désirs dans notre cœur. Je voulais être un simple prêtre de paroisse dans une zone rurale, où je pourrais cultiver des légumes. Mais devenir évêque a signifié une multitude de choses totalement différentes de ce que je voulais.
Benoît XVI vous a adressé un message pontifical dans lequel il dit : « Enseignez, cher fils, aux fidèles de l’archidiocèse de San Fernando à reconnaître la présence du Christ en chaque homme, à la découvrir dans chaque personne, en particulier dans les pauvres ». Quelle impression a fait ce message sur le jeune évêque que vous étiez ?
Pour moi, ce message a représenté un vrai défi. En effet, durant ma vie de séminariste et de prêtre, c’était mon combat. Je me demandais sans cesse pourquoi il est si facile pour moi de reconnaître Jésus dans l’eucharistie. Il m’est si facile de m’agenouiller et de lui montrer combien je l’aime, et pourtant si difficile de le voir dans les pauvres et ceux qui souffrent alors que la personne humaine, en fait, est censée être le chef d’œuvre de la création et créée à l’image et à la ressemblance de Dieu. Je dirais que c’est un combat, mais je m’efforce de voir Jésus dans chaque personne parce que c’est ce que je crois.
Donc ce message vous a directement interpellé ?
Oui. Jésus nous demande de le voir dans le visage des pauvres, et souvent c’est difficile. La première chose que j’ai faite alors a été d’instaurer un « bureau d’accueil » pour les pauvres dans mon propre bureau parce que je sens, en tant qu’évêque, que ma porte doit leur être ouverte. Il est facile de les renvoyer au service d’action sociale de notre archidiocèse, mais j’ai pensé que mon bureau aurait les moyens de réagir immédiatement, à l’instant de la demande, aux besoins des pauvres qui se présentent.
Comment décririez-vous la foi du peuple philippin ?
Nous grandissons dans la foi, mais nous avons encore besoin de mûrir. Nous sommes le seul pays chrétien d’Asie, mais il y a trop de corruption. Il est difficile pour l’Eglise de réussir à atteindre les responsables politiques, et du moins pour nos dirigeants laïcs, qui sont des chrétiens engagés, de prétendre à des fonctions gouvernementales. Il nous faut inculquer aux gens que se présenter aux élections est un grand signe d’amour, qui implique aussi un sacrifice, mais nécessaire pour entraîner un changement social et une transformation de notre société.
Beaucoup de ces dirigeants politiques ont fréquenté les écoles et universités catholiques. Comment l’Eglise affronte-t-elle, sur le plan de l’éducation, le problème de la corruption, et des progrès sont-ils enregistrés dans ce domaine ?
Nous essayons d’y répondre. On a tendance à croire que, parce que nous sommes déjà catholiques, tout est et sera bien et que nous ne pouvons rien faire de plus. Nous avons maintenant le sentiment que nous devrions accentuer le caractère catholique dans les écoles catholiques. Nous devons constamment rappeler à nos élèves le message de l’Evangile : pas seulement comme connaissance, mais défi d’une foi vécue. Une chose est d’être baptisé ; une autre de vivre sa foi au quotidien.
La question de la pauvreté et de l’inégalité des richesses représente encore un problème aux Philippines. En fait, ce problème s’aggrave. Comment l’Eglise l’aborde-t-elle ?
Dans mon diocèse, nous avons poursuivi un programme lancé par le premier évêque, dans lequel les riches sont invités à faire une collecte de fonds pour les pauvres. Les images de la Vierge et de la croix vont d’une paroisse à l’autre, et la quête de la paroisse précédente est alors remise à la prochaine paroisse et distribuée aux pauvres. C’est quand même un peu une occasion pour les riches de partager avec les pauvres.
Cette pauvreté a conduit les Philippins à émigrer pour travailler. Selon certains, les Philippins ont dépassé les Irlandais dans la propagation de la culture catholique dans le monde, en particulier dans les pays islamiques. Est-ce toujours le cas ?
Oui. En effet, aujourd’hui on compte environ 9 millions de Philippins vivant à l’étranger. L’année dernière, ils étaient 7 millions. Et ce chiffre est en augmentation. La Conférence des évêques catholiques des Philippines a convenu qu’il fallait encourager nos migrants à être missionnaires et conscients de cette foi, de ce trésor qu’ils possèdent. Nous sommes pauvres matériellement, mais nous avons en nous cette richesse que nous pouvons partager avec des personnes d’autres pays.
Les Philippines ont le plus fort taux de croissance démographique en Asie. Un projet de loi présenté par le gouvernement, le projet de loi sur la santé de la reproduction, connu aussi comme le projet HR (Reproductive Health Bill), a fait l’objet d’un vif débat national sur le contrôle des naissances. Que propose-t-il, et quel est le danger pour la famille de ces propositions ?
Tout d’abord, l’Eglise est contre l’introduction de la contraception artificielle telle que contenue dans le projet de loi, et contre sa légalisation. Le gouvernement accuse l’Eglise d’imposer ses idées, mais en réalité ce que l’Eglise promeut, c’est la liberté. L’Etat n’a pas à imposer sa volonté aux familles dans ce domaine. C’est une affaire de famille. C’est une question personnelle et chaque famille doit décider pour elle-même. L’Etat n’a pas le droit d’en faire une loi si bien, semble-t-il, que si un individu refuse de se soumettre au programme, il risque la prison. Ceci fait partie du projet de loi sur la santé de la reproduction.
En second lieu, nous savons que beaucoup de ces contraceptifs artificiels sont abortifs, autrement dit qu’ils provoquent des avortements.
Tout d’abord, cette croissance démographique est-elle un problème réel, ou créé de toutes pièces ? Ensuite, s’il s’agit d’un problème réel, quelle alternative l’Eglise peut-elle offrir à ces propositions contraceptives ?
La question démographique doit être considérée dans une perspective globale. Aujourd’hui de nombreux pays ont des populations « vieillissantes » : en Europe, Amérique, même au Japon, à Singapour et dans d’autres parties de l’Asie. Je crois que nous devons considérer l’ensemble de la population mondiale et le fait que nous sommes ouverts à la migration. De nombreuses parties d’Europe, par exemple, manquent de personnel soignant et je crois que les Philippins sont à même d’offrir ce service à ces pays qui en ont besoin.
Concernant les alternatives à la contraception, l’Eglise fait beaucoup pour proposer une alternative, celle de la méthode du « planning familial naturel ». Cette méthode naturelle respe
cte la dignité de la personne humaine et donne l’occasion au couple de se connaître – la dynamique de la relation. Le mari doit s’impliquer dans le processus et ils doivent discuter des phases par lesquelles passe la femme.
Etes-vous optimiste sur l’avenir de l’Eglise catholique aux Philippines ?
Oui, très. En effet, je me réjouis de savoir que la migration aide nos catholiques philippins à mûrir. Je me trouvais en Nouvelle-Zélande et j’ai entendu avec plaisir de l’évêque de Hamilton dire que les Philippins immigrés donnaient vie aux paroisses dans les différents diocèses en Nouvelle-Zélande. Il me l’a dit parce qu’ils souhaiteraient que nous leur envoyions un prêtre en Nouvelle-Zélande. Mais il nous conseille, si un prêtre va là-bas pour aider, de ne pas instituer une paroisse pour la communauté philippine parce que, a-t-il ajouté, nous priverions les autres paroisses de la présence des Philippins. Entendre cela m’a procuré une grande joie. J’ai eu l’occasion de célébrer la messe à Auckland, et j’ai été très heureux de voir la communauté philippine qui guidait le chœur et servait la messe.
Propos recueillis par Mark Riedermann pour l’émission télévisée « La où Dieu pleure », conduite par la Catholic Radio and Television Network (CRTN), en collaboration avec l’association Aide à l’Eglise en Détresse (AED).
Sur le Net :
– Aide à l’Eglise en détresse France
www.aed-france.org
– Aide à l’Eglise en détresse Belgique
– Aide à l’Eglise en détresse Canada
www.acn-aed-ca.org
– Aide à l’Eglise en détresse Suisse
www.aide-eglise-en-detresse.ch
Traduit de l’anglais par E. de Lavigne