ROME, Mardi 14 décembre 2010 (ZENIT.org) – « Il existe une autre forme de persécution » à la fois « subtile et silencieuse, mais qui n’en est pas pour autant moins grave », « dans les nations de longue tradition chrétienne qui semblent aujourd’hui vouloir oublier leurs racines », a fait observer le cardinal Agostino Vallini, vicaire du pape pour Rome, lors de la célébration de la messe annuelle pour la France.
Il a souligné que « le monde d’aujourd’hui a besoin de chrétiens qui professent leur foi avec courage et qui, même dans les difficultés, restent fidèles au Christ ».
Cette messe est célébrée à Saint-Jean du Latran, la cathédrale du pape, à l’occasion de la fête de sainte Lucie, pour « le bonheur et la prospérité de la France », depuis le roi Henri IV : c’était son anniversaire le 13 décembre.
Le cardinal Vallini a présidé la messe en présence de l’ambassadeur de France près le Saint-Siège, M. Stanislas de Laboulaye, et de nombreux Français de la communauté de Rome.
Henri IV avait hérité d’un royaume fortement divisé entre catholiques et protestants. Devenu catholique, il adopta une législation qui concédait aux protestants une importante liberté religieuse (Édit de Nantes, 1598), ce qui lui permit de pacifier le royaume.
Le roi fit une généreuse donation au Chapitre du Latran en 1604, avec certaines clauses, dont l’obligation de célébrer chaque année une messe le jour de son anniversaire, pour la prospérité de la France.
Voici les paroles du cardinal Vallini dans son homélie du 13 décembre 2010 :
Monsieur l’Ambassadeur,
Chers frères et sœurs,
Cette année encore, le Seigneur nous a convoqués en cette basilique de Saint-Jean-de-Latran, cathédrale de Rome, pour la messe « pro natione gallica ». Nous célébrons cette eucharistie le jour où l’Église fait mémoire de sainte Lucie, une jeune fille qui a subi le martyre à Syracuse, probablement au début du IVe siècle.
L’histoire de la communauté chrétienne, depuis le début, a été marquée par la persécution. Encore aujourd’hui, en diverses parties du monde, les disciples de Jésus sont l’objet de vexations et de cruelles violences. Comment ne pas penser en ce moment à nos frères qui, ces derniers mois, ont souffert au Moyen Orient et dans certains pays d’Asie ?
Il existe cependant une autre forme de persécution, plus subtile et silencieuse, mais qui n’en est pas pour autant moins grave ; elle se produit dans les nations de longue tradition chrétienne qui semblent aujourd’hui vouloir oublier leurs racines. La foi, dans ces pays, est toujours davantage marginalisée et réduite à un fait privé, elle ne doit avoir aucune influence publique, et par conséquent elle ne doit pas offrir sa propre contribution à la construction d’une société authentiquement humaine, dans laquelle l’homme, chaque homme, est reconnu pour ce qu’il est, et non pour ce qu’il a, au motif de son inviolable dignité. L’individualisme croissant et la recherche du bien-être personnel ou national en sont le symptôme le plus évident.
La Parole de Dieu qui a été proclamée et la figure de sainte Lucie sont une lumière placée sur notre chemin pour nous aider à mieux comprendre ce que le Seigneur, aujourd’hui, en ce moment, attend de nous.
Les martyrs sont pour les chrétiens un don précieux et leur vie est un exemple placé sous nos yeux pour que nous trouvions la force et le courage de vivre en disciples du Christ.
L’évangile nous a montré la difficulté des chefs des prêtres et des anciens du peuple à accepter Jésus et son autorité. Les martyrs, au contraire, l’ont reconnu comme l’unique Seigneur de leur vie, comme le seul qui puisse dire une parole normative pour leur existence. Ils ont cru fermement qu’il était le Fils de Dieu, le Messie, celui que l’oracle de Balaam – comme nous l’avons entendu dans la première lecture – annonce avec l’étoile, image que la culture de l’ancien Orient utilisait pour signifier la divinité.
Les martyrs se sont sentis pauvres, assoiffés de la parole de vérité, ils ont reconnu leur besoin de lumière pour comprendre le sens de la vie et le Seigneur – comme nous avons prié dans le psaume – leur a enseigné le chemin. Bien plus, lui-même a été le chemin qu’ils ont parcouru par une vie qui s’est toujours davantage conformée à lui. Ils n’ont jamais douté de la miséricorde et de l’amour éternel de Dieu, certains qu’au moment de l’épreuve ils ne seraient pas abandonnés.
Chers frères et sœurs, le monde d’aujourd’hui a besoin de chrétiens qui professent leur foi avec courage et qui, même dans les difficultés, restent fidèles au Christ, qui le reconnaissent et le montrent aux hommes de notre temps comme l’unique Sauveur. Par l’incarnation il s’est uni à nous, il est devenu notre frère, il nous a apporté Dieu et avec lui, la vérité ultime sur nous-mêmes.
Encore aujourd’hui, il se tourne vers nous et nous donne sa parole, pour que nous puissions connaître le chemin à parcourir. La méditation de la Sainte Écriture, à travers la pratique de la lectio divina, est donc à la base de toute existence qui veut être authentiquement chrétienne.
La France a eu des exemples lumineux d’hommes et de femmes qui se sont dédiés à la lecture priante de la Parole de Dieu : comment ne pas rappeler le saint abbé Bernard de Clairvaux ? ou saint François de Sales ? comment oublier sainte Thérèse de Lisieux, qui désirait lire les textes originaux de l’Écriture pour mieux en comprendre la richesse ? Imitons donc ces frères pour ouvrir nos cœurs et nos esprits à la lumière dont nous avons besoin pour être, comme l’écrit l’apôtre Paul, « irréprochables et purs, fils de Dieu innocents », qui resplendissent dans le monde comme des astres, tenant fermement la parole de la vie.
L’Eucharistie a été la nourriture qui a soutenu les martyrs durant leur pèlerinage terrestre et surtout au moment suprême de la fidélité au Christ, quand ils ont préféré mourir à renier leur foi.
Ce soir, en célébrant le sacrifice eucharistique, nous aussi nous demandons la force pour adhérer toujours davantage à Jésus-Christ et pour ne pas nous laisser intimider par les idéologies contemporaines qui prétendent avoir autorité sur la vie de l’homme. La science avance toujours davantage la prétention d’être le sentier que l’homme doit parcourir pour obtenir le bonheur. De la même manière, une idée erronée de la liberté, selon laquelle chacun est véritablement libre lorsqu’il peut accomplir ce qu’il désire, prétend être le chemin qui conduit les hommes à une vie pleine de sens. En recevant ce soir l’Eucharistie, nous témoignerons que la vraie liberté, c’est d’être uni au Christ et que le bonheur, pour l’homme, consiste dans le don de soi, à l’imitation du divin Maître.
Nous confions au Seigneur votre patrie, en lui demandant que la France, « fille aînée de l’Église », puisse conserver la foi chrétienne qu’elle a reçue au cours des siècles du témoignage héroïque de tant d’hommes et de femmes, et qu’elle puisse la transmettre aux nouvelles générations, afin que l’Europe reste fidèle à ses origines et continue à être un phare de civilisation pour le développement intégral de toute personne humaine.