ROME, Lundi 6 décembre 2010 (ZENIT.org) – « La réalité est que l’Eglise se renouvelle et qu’elle est en train de grandir. La décision de lancer une nouvelle évangélisation n’est pas une action de défense, mais appartient à la conscience de l’Eglise d’être missionnaire », répond Mgr Rino Fisichella, président du Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation à la question relative à la création d’un nouveau dicastère au sein de la Curie romaine.
« La nouvelle évangélisation, explique l’archevêque titulaire de Voghenza, n’est pas une réponse au temps de crise que nous vivons. Parler de nouvelle évangélisation signifie renouveler en nous cet esprit missionnaire qui doit habiter tout chrétien. C’est un processus qui s’inscrit dans la pleine continuité du processus de première évangélisation par lequel Notre Seigneur Jésus a voulu l’Eglise et qu’il lui a confié cette mission : aller et rencontrer chaque personne et lui apporter l’Evangile ».
ZENIT : Comment faire pour relancer la mission et quelle est votre impression face à cette tâche ?
Mgr Fisichella : La nouvelle évangélisation requiert de nouveaux missionnaires. Penser entreprendre une nouvelle évangélisation sur papier ne sert à rien et ne fonctionne pas. Notre tâche n’a de sens que s’il l’on a et promeut de nouveaux missionnaires.
En ce qui me concerne, durant ma vie j’ai toujours soutenu et enseigné le christianisme, donc je me sens chez moi, et je suis très reconnaissant au Saint-Père de m’avoir confié cette charge. Je sais qu’il s’agit d’une tâche ardue, mais je suis enthousiaste. C’est ce que j’ai toujours souhaité faire, diffuser et faire connaître l’Evangile.
ZENIT : Pouvez-vous nous présenter le Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation ?
Mgr Fisichella : Le Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation est une grande intuition prophétique du pape Benoît XVI et il est un grand défi pour la vie de l’Eglise des prochaines décennies.
Intuition prophétique en ce sens qu’il nous oblige à réfléchir sérieusement au temps présent. Qu’il nous oblige à comprendre les pathologies qui font qu’on en est arrivé où nous en sommes et qui se traduisent par l’ indifférence, l’agnosticisme, un athéisme proclamé, un individualisme que l’on avait jamais connu aussi fort ces derniers siècles. En un mot, cette sécularisation dont le pape parle de plus en plus souvent. Cette condition oblige l’Eglise à diagnostiquer la pathologie et à voir comment la soigner.
Nous devons réfléchir sur les raisons de cette désaffection du monde contemporain vis-à-vis de la vérité et puis tourner notre regard vers l’avenir pour remettre la foi et la raison dans une situation de dialogue et de collaboration. Il faut souligner que le choix libre et conscient de l’acte de foi ne se fonde pas sur un mythe, mais sur une relation personnelle par rapport à un événement historique qui a changé le visage de l’humanité et de l’histoire, c’est-à-dire la rencontre avec Jésus de Nazareth.
Nous devons être capables de retrouver cette situation et montrer que la rencontre, l’expérience de Dieu, est une condition nécessaire pour que l’homme d’aujourd’hui puisse vraiment retrouver le sens de la vie.
En réponse à l’éclipse de Dieu dont parlait déjà Paul VI, et à laquelle Jean-Paul II et Benoît XVI ont réfléchi, est né le Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation. Il est inévitable que devant l’éclipse de Dieu nous devons mobiliser nos forces et notre conviction pour proposer à nouveau le primat de Dieu dans la vie des personnes et montrer que l’hypothèse de Dieu n’est absolument pas superflue, mais au contraire déterminante pour une vie pleinement humaine.
En d’autres mots, nous avons le devoir de porter à nouveau l’Evangile aux hommes et aux femmes d’aujourd’hui afin qu’ils puissent se ressaisir en terme d’humanité, qu’ils soient capables d’humanisation, de rendre leur existence plus humaine.
ZENIT : Présenté de cette façon, cela paraît facile, mais les problèmes à résoudre sont nombreux. Souvent on dirait que l’Eglise n’est pas comprise. Il est évident qu’il existe une fracture entre vieilles et jeunes générations dans la transmission de la foi. Dans certaines parties de l’Eglise on a l’impression que les seules activités sont des activités autoréférentielles…
Mgr Fisichella : L’histoire de l’Eglise aujourd’hui n’est pas différente de celle d’hier. Jadis aussi nous avons connu des ombres et des lumières. Nous avons connu des moments de grandes difficultés. Déjà aux premiers siècles, mais durant la seconde guerre mondiale aussi, sans compter les grands gestes de perfidie mis en œuvre par les idéologies totalitaristes : nazisme, fascisme et communisme, des mouvements qui ont tous combattu l’Eglise.
Dans le camp de concentration de Dachau, il y avait une section où les nazis avaient interné 2.500 prêtres provenant de différentes parties de l’Europe. Beaucoup d’entre eux ont été tués. Un de ces prêtresqui a survécu au camp, était un des directeurs du séminaire fréquenté par Joseph Ratzinger. Il s’appelait Alfred Läpple, et dirigeait la formation et la préparation au sacerdoce du jeune Ratzinger.
L’histoire nous fait comprendre que l’Eglise n’a jamais eu un parcours facile sur la voie de l’évangélisation, mais elle a toujours eu de grands témoins, des personnes crédibles qui ont annoncé l’Evangile sans relâche. Ce qui semble avoir changé, c’est que s’il y a toujours eu un sens religieux, un substrat, une épaisseur chrétienne, aujourd’hui par contre, nous devons constater que ce sens religieux, dans beaucoup de régions du monde, est en train de se perdre. Donc nous nous retrouvons dans une situation où nous avons beaucoup de mal à parler de Jésus Christ, de la foi et de l’Eglise dans un contexte culturel qui, soit s’y oppose soit le banalise, donnant pour acquis une connaissance qui a perdu de son éclat.
Nous devons certainement modifier notre langage, nous devons devenir plus communicatifs, nous devons être capables d’accepter le défi de la communication moderne, en sachant bien que le contenu reste toujours le même. Le christianisme, disait l’apôtre Paul dans sa lettre aux hébreux, reste toujours le même « hier, aujourd’hui et toujours », donc celui auquel tous ont cru, en tout lieu et depuis toujours, est conservé, mais il doit être revêtu d’un langage qui doit être compréhensible. Nous devons faire en sorte que l’homme contemporain puisse voir le Seigneur, fasse l’expérience de s’adresser à lui à la première personne. Il faut susciter en lui le désir de faire son expérience en Dieu, en Jésus Christ et dans l’Eglise à laquelle il appartient.