« Les chrétiens orientaux ne sont pas liés à l’Occident »

Interview du père jésuite Samir Khalil Samir

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ROME, Mardi 16 novembre 2010 (ZENIT.org) – Après l’attaque meurtrière de l’Eglise Notre-Dame du Perpétuel Secours, à Bagdad (Irak), le 31 octobre dernier, le père jésuite Samir Khalil Samir, spécialiste de l’islam, a rappelé que les chrétiens orientaux n’avaient aucun lien particulier avec le monde occidental, auquel ils sont souvent rattachés « par erreur ».

« Attaquer l’Occident à travers les chrétiens, qui ont la réputation d’être liés à eux à cause de leur foi, est une attitude lâche parce que les chrétiens irakiens n’ont aucun lien particulier avec l’Occident, encore moins avec la politique occidentale », a affirmé le père jésuite dans une interview accordée le 15 novembre au Sir, Service d’informations religieuses de la Conférence épiscopale italienne.

« Ils sont plus orientaux (et même plus arabes) que les musulmans puisqu’ils habitaient cette terre avant les musulmans », a-t-il précisé. « Les chrétiens orientaux ne sont pas liés à l’Occident, ni politiquement, ni militairement », a insisté le père Samir Khalil Samir.

A ses yeux, « les musulmans font une double erreur de principe : ils considèrent le monde arabe musulman et le monde occidental chrétien ». « L’Occident, c’est vrai », a-t-il ajouté, « est né d’une tradition chrétienne, mais aujourd’hui, on n’imagine pas l’Occident, depuis longtemps sécularisé, se référer à l’Evangile pour promulguer une loi ».

L’exode des chrétiens : une perte pour le Moyen-Orient

Le père jésuite a aussi déploré l’exode de chrétiens qui a suivi le récent massacre de l’église syro-chaldéenne de Bagdad. « Les évêques et le récent synode pour le Moyen-Orient insistent pour dire qu’il faut essayer de rester, pour la mission que les chrétiens ont dans le monde arabe et islamique », a-t-il affirmé.

« La fuite des chrétiens du Moyen-Orient et leur disparition de cette région serait une double perte », a-t-il ajouté. « D’abord pour le christianisme – sans le christianisme oriental, l’Eglise universelle perdrait une tradition essentielle de sa vie, comme le rappelait Jean-Paul II quand il parlait des deux poumons de l’Eglise, celui occidental et celui oriental, les empêchant de respirer pleinement ; mais aussi et surtout pour le monde musulman ».

Pour ce spécialiste de l’islam, « les chrétiens représentent un élément de diversité et le monde islamique en a besoin, surtout en ce moment où il tend à se replier sur soi et à s’opposer à tout ce qui est différent, l’Occident en tête, et à quiconque représente l’altérité, fut-il un musulman de l’autre groupe ». « Nous le voyons dans des pays comme l’Irak et le Pakistan où les sunnites et les chiites se battent entre eux », a-t-il expliqué.

Par ailleurs, « la fuite des chrétiens priverait le Moyen-Orient d’une contribution importante à deux niveaux : en premier lieu sur le plan de la compétence et de la capacité. Les chrétiens, en effet, sont des personnes qui ont un niveau culturel plutôt élevé, supérieur à la moyenne », a affirmé le père Samir Khalil Samir. « Leur départ risque d’affaiblir la qualité de la société ».

« Mais il y a plus : ils représentent des principes différents, ils insistent sur les droits de l’homme, sur l’égalité entre tous et pour tous, croyants et non croyants ».

L’Europe doit redécouvrir son identité

Dans cette longue interview, le père jésuite a aussi évoqué la « nouvelle tradition islamique », qui remonte à une quarantaine d’années et « prévoit un projet assez agressif d’islamisation de la société, en commençant par les pays orientaux (je pense, par exemple, à l’Indonésie et à l’Egypte) ».

« Le monde islamique tout entier a empiré ces 40 dernières années, (…) en proposant un modèle salafiste datant du 7e siècle, un modèle difficilement adaptable à la modernité à la lumière des demandes et prétentions, toujours plus nombreuses, comme vouloir des mosquées, faire des pauses au travail pour prier ou prétendre, pendant le Ramadan, sortir plus tôt du travail pour accomplir les rites prévus et préparer le dîner », a-t-il expliqué.

« Aucun autre croyant ne fait ce genre de demandes », a ajouté le père jésuite. A ses yeux, « un chrétien d’Orient, qui est arabe exactement comme un musulman, qui arrive en Europe, n’affirme pas ses exigences concernant les vêtements, la nourriture, les coutumes traditionnelles, mais il cherche au contraire à s’intégrer en apprenant la langue, la culture et les lois du pays qui l’accueille ».

« Ce n’est pas le cas du musulman qui, au contraire, a un projet politique par la nature même de l’islam, c’est-à-dire une vision déterminée de la société qu’il veut mettre en œuvre et cela crée des difficultés ».

Pour faire face à cela, a-t-il insisté, l’Europe doit « redécouvrir sa propre identité, aidant aussi les pays d’où proviennent les migrants musulmans ». « Il pourrait être utile d’instituer des centres culturels dans les pays de provenance qui préparent ceux qui veulent émigrer en leur enseignant la langue, la culture et les lois du pays d’accueil. Pour moi, cela représente une urgence pour l’Europe ».

Marine Soreau

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ZENIT Staff

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