Benoît XVI à St Jacques : une visite qui portera de « grands fruits »

Interview de Mgr Julián Barrio, archevêque de Saint-Jacques de Compostelle

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ROME, Vendredi 5 novembre 2010 (ZENIT.org) – Le pape Benoît XVI avait exprimé à plusieurs reprises le désir de se rendre en pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle. Il a pu le faire quasiment « in extremis » car, après l’Année sainte qui s’achève, il n’y en aura pas d’autre avant 2021.

Pour Mgr Julián Barrio, archevêque de Compostelle, la venue du pape dans son diocèse, ce samedi, représente aussi un moment spécial, qu’il attend « avec joie  », et pour lequel il a invité ses fidèles à se préparer par le jeûne et la prière, convaincu que cette visite produira de « grands fruits spirituels ».

C’est ce qu’il explique dans cet entretien accordé à ZENIT.

Zenit : Que représente pour vous cette visite du pape à Compostelle, la première d’un pape depuis que vous êtes archevêque ?

Mgr Julián Barrio : Une sincère gratitude et de bonnes raisons d’espérer, parce que je suis sûr que les fruits spirituels et pastoraux de ce pèlerinage seront abondants. C’est une joie pour moi, en tant qu’archevêque, d’accueillir et d’offrir l’hospitalité au Pèlerin par excellence de cette Année sainte compostellane, le pape Benoît XVI.

Depuis l’annonce de la visite papale dans cette église de Saint-Jacques de Compostelle, nous l’accompagnons par notre prière, rendant grâces à Dieu et adressant également nos remerciements au pape pour la disponibilité et la charité pastorale dont il a fait preuve en trouvant une journée, au milieu de tous ses soucis, pour se rendre parmi nous.

Pour moi, comme pasteur de cette église particulière, il est très émouvant que le successeur de Pierre, pèlerin de tous les chemins du monde, se rende à la rencontre de l’apôtre saint Jacques en pèlerin. Sans aucun doute, de sa présence dans notre communauté, nous pouvons surtout escompter le renforcement de notre foi. Nous y sommes autorisés par la parole même de Jésus à Simon Pierre : « Toi, affermis tes frères ».

Pourquoi Saint-Jacques est aussi important pour l’Eglise et pour l’Europe ?

Saint-Jacques de Compostelle, but et haut lieu de pèlerinage où l’on vénère le tombeau de l’apôtre saint Jacques et on fait mémoire de la tradition apostolique sur laquelle se fonde notre foi, n’est plus le Finisterre (là où la terre finit), parce qu’il est devenu le but final de chemins infinis qui, des confins de l’univers, mènent à cette ville de l’Apôtre.

Dans la perspective de ce voyage, il est bon de faire une référence spéciale à l’Eglise catholique en Espagne. La protection de l’Apôtre sur l’Espagne remonte à des temps très lointains. Aussi pouvons-nous parler, d’une certaine façon, de Saint-Jacques de Compostelle comme de « la capitale ecclésiale de l’Espagne », tout particulièrement dans les Années saintes ou jubilaires compostellanes.

Parler de Saint Jacques le Majeur, c’est parler de la foi des Espagnols. La figure historique et pieuse de l’Apôtre, pilier de l’articulation chrétienne de l’Espagne, constitue toujours notre référence, comme « promoteur », « colonne », « défenseur » ou «  champion » (adalid) de notre foi, termes qui apparaissent dans les textes liturgiques, littéraires ou populaires et qui ont généré, pendant tant de siècles, la tradition de l’année sainte jacquaire (Xacobeo).

L’apostolicité qui émane de Compostelle est due au zèle évangélisateur de l’apôtre saint Jacques, protomartyr parmi les apôtres. C’est ainsi que Saint-Jacques de Compostelle brille, aujourd’hui encore, à la tête de l’Espagne chrétienne et même du monde hispanique, étendant sa sphère d’influence au-dessus et au-delà de la géographie espagnole ou hispanique, comme l’atteste le flux ininterrompu de pèlerins. Songez que Dante Alighieri a écrit que le pèlerinage à Saint-Jacques « est le plus merveilleux pèlerinage qu’un chrétien puisse faire avant sa mort  ».

Mais, outre cette dimension d’hispanité, il faut noter aussi la dimension européenne. Goethe lui-même affirmait que l’ ‘Europe est née en pélerinant autour de la mémoire de Saint-Jacques’ ».

Voici maintenant vingt-cinq ans, en novembre 1982, le pape Jean-Paul II, dans cette même cathédrale de Compostelle, dénonçait avec noblesse et douleur la crise qui affectait la conscience chrétienne en Europe. Dans ses paroles, il exhortait et pressait l’Europe à se réveiller, à renouveler la vigueur de ses racines, à retrouver sa véritable identité chrétienne.

Benoît XVI lui aussi connait parfaitement la situation historique et actuelle de l’Europe et sait ce qu’ont signifié le Chemin de Saint-Jacques, le Pèlerinage et l’Année jubilaire et le Tombeau de l’Apôtre saint Jacques dans la construction de la civilisation européenne. Face à la disparition de l’héritage et des critères chrétiens, une réalité qui comporte la perte des références théologiques et anthropologiques chrétiennes, à Compostelle nous retrouvons la Tradition apostolique grâce au zèle évangélisateur de l’apôtre saint Jacques, « ami du Seigneur ».

En ce sens, l’histoire et le charisme de Compostelle constituent une plate-forme unique et reconnue pour nous renforcer dans cette nouvelle évangélisation que l’Eglise attend et réclame.

– Ce jubilé de Saint-Jacques de Compostelle est le dernier d’une série de jubilés consécutifs. Vous ne serez sans doute plus là au prochain jubilé. Que voudriez-vous qu’il reste de ces années ?

Je remercie Dieu qui, dans sa providence, m’a accordé de vivre et participer à quatre Années Saintes compostellanes, une comme évêque auxiliaire et les trois autres comme archevêque de cette église. Cela a été une expérience pastorale et spirituelle très enrichissante pour moi.

J’aimerais que restent chez tant et tant de pèlerins la soif d’évangélisation, l’esprit de conversion et l’engagement à revenir chez eux, en témoignant de ce qu’ils ont vu, entendu et vécu, après avoir rencontré le Seigneur, les autres et eux-mêmes, comme l’ont fait les disciples d’Emmaüs.

– Depuis la fameuse visite de Jean-Paul en 1989, qu’est-ce qui a changé pour Saint-Jacques ? Les pèlerins sont-ils plus nombreux ?

Comme je le disais, Saint-Jacques de Compostelle est devenu un point de référence important du pèlerinage au sein de la triade sacrée et historique composée également de Jérusalem et de Rome. L’importante augmentation des pèlerins est évidente, et à ce moment-là celle-ci n’était pas prévisible. Aujourd’hui, nous pouvons affirmer que des pèlerins viennent du monde entier.

Le pape Benoît a souligné l’importance du fait jacquaire en déclarant que l’Eglise de Compostelle « par son lien immémorial avec l’apôtre saint Jacques plonge ses racines dans l’Evangile du Christ, et offre ce trésor spirituel à ses enfants et aux pèlerins de Galice, d’autres régions de l’Espagne, d’Europe et d’autres parties plus éloignées du monde  ».

– Benoît XVI avait beaucoup tenu à se rendre à Saint-Jacques. Vous en a-t-il parlé en ce sens personnellement ?

J’ai eu l’occasion de parler avec lui lorsqu’il était préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi et, par la suite, après son élection comme successeur de Pierre. A différentes occasions, il a accueilli mon invitation à se rendre à Compostelle avec beaucoup de bienveillance.

Je sais que, pour l’Année sainte compostellane 2004, il avait prévu de se rendre à Compostelle, mais différentes circonstances l’ont empêché de faire ce pèlerinage. Aujourd’hui, le Seigneur lui permet de réaliser ce désir.

– Comment cette visite est-elle vécue dans les paroisses ?

La ville de l’apôtre, le diocèse de Compostelle et de Galice attendent avec joie le pèlerinage du pape. Ils seront nombreux à le manifester par leur présence.

Dans notre diocèse, aussitôt
que nous avons su que le pape se rendrait à Saint-Jacques de Compostelle, nous l’avons accompagné de manière spéciale par notre prière. Nous avons beaucoup de témoignages dans ce sens.

Nous avons également fait en sorte que ce joyeux évènement ait un impact sur la pastorale diocésaine. Des matériaux ont été préparés, qui aident à la réflexion et à la formation catéchétique, et sont destinés aux enfants, aux jeunes et aux adultes. A cette intention, dans la cathédrale comme dans toutes les paroisses, les séminaires diocésains et les maisons religieuses, l’eucharistie est célébrée un jour par semaine.

Dans une lettre pastorale aux diocésains, j’ai demandé que, pendant le mois d’octobre, on récite le chapelet en invoquant particulièrement les fruits spirituels et pastoraux de ce pèlerinage, en gardant présentes les intentions du pape.

Par ailleurs, et avec l’intention d’une préparation spirituelle immédiate, j’ai exprimé le souhait que, le 5 novembre, les diocésains fassent une journée de jeûne, en offrant une contribution financière à la Caritas diocésaine pour venir en aide aux plus nécessiteux.

En tout cas, l’Eglise en Galice attend le pape avec gratitude et affection filiale.

Propos recueillis par Inma Álvarez

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ZENIT Staff

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