ROME, Dimanche 17 octobre 2010 (ZENIT.org) – « La paix est aujourd’hui le vrai défi, le grand jihad et le grand bien », déclare S. B. Gregorios III, patriarche grec-melkite d’Antioche et de tout l’Orient, d’Alexandrie et de Jérusalem.
Pour le patriarche Gregorios III, en effet, la grande « lutte » – djihad au sens spirituel – c’est de travailler pour arriver à la paix au Moyen Orient.
Le deuxième jour des travaux du synode sur le Moyen-Orient, le patriarche a en effet prononcé son intervention sur le thème de « La Paix, la convivialité et la présence chrétienne dans le Proche-Orient ».
Il a repris le thème central de sa lettre de Noël 2006 en insistant sur l’enjeu et les conséquences dramatiques de l’émigration des chrétiens : « La société arabe deviendra une société d’une seule couleur, une société uniquement musulmane, et ainsi le Proche-Orient deviendrait la région d’une société arabe et musulmane face à une société européenne dite chrétienne. Si cela arrivait… cela voudrait dire que toute occasion serait propice pour un nouveau choc des cultures, des civilisations et même des religions. Un choc destructeur entre l’Orient arabe musulman et l’Occident chrétien. Un conflit de l’islam et du christianisme. »
Voici le texte intégral de cette intervention, en français :
« La paix, la convivialité et la présence chrétienne dans le Proche-Orient »
La paix, la convivialité et la présence chrétienne dans le monde arabe sont liés d’une manière existentielle et ferme. La paix au Proche-Orient est la clef de tous les biens dont cette région.
Nous avons toujours insisté sur l’importance de la présence chrétienne dans le monde arabe. Cette présence est, malheureusement menacée par les cycles de guerres, de crises et de calamités qui s’abattent sur cette région, berceau du christianisme…
Nous considérons que les crises, les guerres et les calamités du Proche-Orient sont des produits et des résultats du conflit israélo-palestinien. De même, les mouvements fondamentalistes, les discordes à l’intérieur des pays arabes, ainsi que la lenteur dans le développement et l’instauration de la prospérité, la naissance de la haine et de l’inimitié, la perte de l’espoir et la déception chez les jeunes (lesquels forment 60 pour cent de la population des pays arabes).
Parmi les suites les plus dangereuses de ce conflit, c’est l’émigration des cerveaux, des penseurs, des jeunes, des musulmans modérés et surtout des chrétiens. Tout cela affaiblit le progrès et l’avenir de la liberté, de la démocratie et de l’ouverture du monde arabe.
L’émigration des chrétiens veut dire que la société arabe deviendra une société d’une seule couleur, une société uniquement musulmane, et ainsi le Proche-Orient deviendrait la région d’une société arabe et musulmane face à une société européenne dite chrétienne. Si cela arrivait, et que l’Orient soit vidé de ses chrétiens, cela voudrait dire que toute occasion serait propice pour un nouveau choc des cultures, des civilisations et même des religions, un choc destructeur entre l’Orient arabe musulman et l’Occident chrétien, un conflit de l’islam et du christianisme.
Devant ce que nous voyons tous les jours dans les media : la croissance du fondamentalisme, la tension dans les relations humaines, tensions ethniques, religieuses et sociales, nous sentons qu’il y a la un grand manque de confiance entre l’Orient et l’Occident, entre les pays arabes à majorité musulmane et l’Occident européen et américain.
Le rôle des chrétiens est de s’atteler à créer l’atmosphère de confiance entre l’Occident d’un coté et le monde arabe et musulman de l’autre.
Pour cela, nous, chrétiens orientaux et arabes, nous nous adressons au monde européen et américain en général en ces termes : Ne travaillez pas à la division du monde arabe au moyen de pactes, mais plutôt aidez-le à réaliser son unité et sa solidarité. Nous vous disons franchement : si vous réussissez à diviser le monde arabe, à diviser les chrétiens et les musulmans entre eux, vous vivrez dans la peur et la crainte du monde arabe et musulman.
Appel à nos frères et concitoyens musulmans
Dans notre effort de convaincre les fidèles chrétiens de rester dans leurs patries, nous pensons qu’il est absolument nécessaire de nous adresser à nos frères musulmans pour leur dire avec franchise quelles sont les peurs qui nous hantent et quelles sont les réactions de crainte, chez nous, qui nous poussent à émigrer. Ce ne sont pas des raisons religieuses, mais plutôt sociales, ethniques, culturelles et sociologiques.
Ce sont les problèmes suivants : la convivialité, la citoyenneté. Cela s’applique notamment quand nous parlons de la séparation de la religion et de l’état, de l’arabité, de la démocratie, de la nation arabe ou la nation musulmane, des droits de l’homme et des lois qui proposent l’islam comme seule ou principale source des législations, dont l’application est source de division et de discrimination raciale entre les citoyens sur la base de la religion, et sont un obstacle à l’égalité de ces mêmes citoyens devant la loi. De même les extorsions, les exploitations de concitoyens au nom de la religion et en s’appuyant sur le fait d’être une majorité pour humilier des voisins et des compagnons de travail.
De tels faits, et bien d’autres semblables, et devraient être l’objet, de cercles d’études, de congrès, de conférences, de réunions dans le monde arabe musulman. Il faut que les musulmans et les chrétiens, ensemble, identifient la vraie raison de l’hémorragie de l’émigration des chrétiens.
Nous proposons que les pères du Synode lancent un appel urgent prophétique pour la Paix. Faire la paix, c’est le grand défi !
La paix est aujourd’hui le vrai défi, le grand jihad et le grand bien. C’est la vraie victoire et la vraie garantie pour l’avenir de la liberté, du progrès, de la prospérité et de la sécurité pour nos jeunes générations, pour nos jeunes, chrétiens et musulmans, qui sont l’avenir de nos Patries, qui peuvent vraiment faire l’histoire de ces Patries et y porter la bannière de la foi et des valeurs.
Gregorios III
Patriarche gréco-melkite catholique grec-melkite d’Antioche et de tout l’Orient
d’Alexandrie et de Jérusalem