Des milliers de Juifs sauvés grâce à une stratégie du « silence »

Des milliers de Juifs sauvés grâce à une stratégie du « silence »

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ROME, Dimanche 30 mai 2010 (ZENIT.org) – La fondation Pave the Way (PTWF) a démarré un projet de recherche documentaire visant à révéler le maximum d’informations et de témoignages sur le pontificat de Pie XII, le pape de la seconde guerre mondiale, dans le but de briser l’ « obstruction » théorique due à l’absence d’informations accessibles au public.

De nouvelles découvertes ont révélé des documents et témoignages, qui prouvent clairement que, le 16 octobre 1943, le pape Pie XII, en décidant intentionnellement de ne pas dénoncer publiquement l’arrestation de juifs à Rome, leur a en fait sauvé la vie, et a permis de leur venir en aide.

La Fondation a en sa possession une déposition, signée et datée de 1972, du général Karl Wolff, commandant des SS en Italie et second de Heinrich Himmler. Elle atteste que, en septembre 1943, Adolf Hitler lui ordonna de planifier l’invasion du Vatican, l’enlèvement du pape, la saisie des biens du Vatican, et l’élimination des membres de la Curie romaine. Ce plan devait être appliqué immédiatement.

Le Général Wolff savait que, si cette invasion était mise à exécution, des émeutes massives dans toute l’Europe seraient à craindre, entraînant un désastre militaire pour l’effort de guerre allemand. Le général Wolff a déclaré qu’il avait réussi à convaincre Hitler de retarder l’invasion. Ce point de vue d’un désastre militaire potentiel était partagé par le gouverneur militaire de Rome, le major général Rainer Stahel, et l’ambassadeur d’Allemagne près le Saint-Siège, Ernst von Weizsäcker.

Pie XII, informé du plan d’invasion, estima de même qu’il provoquerait des émeutes massives susceptibles de causer la mort de milliers d’innocents ; de surcroît, une brèche serait ouverte dans la neutralité du Vatican, permettant de ce fait aux forces allemandes d’entrer dans toutes les propriétés du Vatican. Des procès-verbaux manuscrits existent, établissant que, le 6 septembre 1943, Pie XII convoqua secrètement les cardinaux et les informa que le Vatican serait envahi et qu’il s’attendait à être enlevé dans le nord, et probablement exécuté. Les cardinaux devaient faire leurs valises et se tenir prêts à quitter immédiatement le Vatican pour se réfugier dans un pays neutre, au moment de l’invasion du territoire du Vatican.

Il signa également une lettre de démission, qu’il déposa sur son bureau. Il donna des instructions aux cardinaux pour former un gouvernement en exil et élire le nouveau pape, une fois qu’ils seraient en sécurité. La Fondation a en sa possession une lettre manuscrite du secrétaire d’Etat ordonnant à la Garde Suisse de ne pas résister à l’invasion des forces allemandes en faisant usage de leurs armes, ainsi que de nombreux documents indiquant dans le détail comment ils devaient mettre en lieu sûr le contenu de la librairie et du musée du Vatican.

Pendant toute cette période, von Weizsäcker envoya à Berlin des messages positifs trompeurs pour calmer Hitler, et non pour justifier l’ordre d’invasion. Certains détracteurs de Pie XII ont fondé à tort leurs thèses d’une complicité et collaboration du pape sur ces câbles intentionnellement trompeurs – que le lieutenant de von Weizsäcker, Albrecht von Kessel, devait qualifier plus tard de « mensonges tactiques ».

La Fondation a en sa possession un autre témoignage du Lieutenant Nikolaus Kunkel, un officier allemand du quartier général du gouverneur militaire de Rome, qui confirme les preuves et témoignages documentés attestant exactement comment Pie XII a directement sauvé la communauté juive romaine, et qu’on s’attendait, d’un moment à l’autre, à un ordre d’invasion venant de Berlin.

Lorsque les arrestations commencèrent tôt le matin, le 16 octobre 1943, Pie XII en fut prévenu par la princesse Enza Pignatelli Aragona Cortes. Il multiplia immédiatement les démarches pour contraindre les Allemands à stopper ces arrestations. Il convoqua le secrétaire d’Etat du Vatican, le cardinal Maglione, et lui donna ordre de lancer une vigoureuse protestation contre les arrestations. Ce matin-là, le cardinal Maglione avertit von Weizsacker, que le pape ne pourrait garder le silence tant qu’ils arrêteraient les juifs sous ses fenêtres, dans son propre diocèse. Pie XII envoya alors son neveu, Carlo Pacelli, rencontrer un sympathisant allemand, Mgr Alois Hudal, et lui demander d’écrire une lettre à ses contacts allemands leur demandant de stopper immédiatement les arrestations.

Cette démarche se révéla également inefficace. La dernière tentative de Pie XII, la plus couronnée de succès, fut d’envoyer son confident le plus proche, le père Pankratius Pfeiffer, supérieur général des Salvatoriens, pour rencontrer en privé le gouverneur militaire de Rome, le général Stahel. Le père Pfeiffer avertit Stahel que le pape s’apprêtait à lancer une protestation publique vigoureuse contre ces arrestations, si elles n’étaient pas stoppées. La crainte que cette protestation publique pût entraîner l’ordre d’Hitler d’envahir le Vatican incita Stahel à agir sans tarder.

Le général Stahel téléphona aussitôt à Heinrich Himmler et invoqua des motifs militaires pour que soient stoppées les arrestations. Confiant dans le jugement de Stahel, Himmler conseilla à Hitler de les arrêter. L’ordre fut donné à midi le 16 octobre et exécuté à 2 heures de l’après-midi, le jour même où elles débutèrent.  

Cette succession d’évènements a été confirmée, de source indépendante, par le général Dietrich Beelitz, officier de liaison avec le bureau du maréchal Albert Kesselring et le commandement d’Hitler. Beelitz entendit personnellement la conversation de Stahel-Himmler. Quand la tromperie du général fut connue, Himmler punit le général Stahel en l’envoyant sur le front de l’Est.

On savait que le Vatican était infiltré d’espions. Le pape ne pouvait envoyer que des prêtres et proches de confiance à Rome et en Italie, porteurs d’ordres du pape, verbaux et écrits, de lever la clôture pour permettre à des hommes et femmes d’entrer dans les couvents et monastères catholiques. Et il invita toutes les institutions ecclésiastiques à cacher les juifs là où elles pouvaient.

Selon le célèbre historien britannique, Sir Martin Gilbert, le Vatican cacha des milliers de juifs en l’espace d’une journée. Une fois cachés, le Vatican continua à nourrir et aider leurs « hôtes » juifs jusqu’à la libération de Rome, le 4 juin 1944.

Des documents provenant de Berlin, ainsi que le procès Eichmann en Israël ont également montré que les 8 000 juifs romains qui étaient sur le point d’être arrêtés n’étaient pas censés être déportés à Auschwitz, mais dans le camp de travail de Mauthausen et retenus en otages. Cet ordre a été annulé par des personnes inconnues, et 1 007 juifs furent envoyés au camp de la mort d’Auschwitz. Hélas, 17 seulement survécurent. Cependant, ceux qui ne cessent de critiquer Pie XII pour n’avoir pas sauvé les 1007 juifs, restent complètement silencieux sur ses interventions directes, qui ont sauvé cette ancienne communauté juive de Rome, qui remonte à 3000 ans.

On a découvert depuis peu, dans les archives américaines, que les alliés avaient déchiffré les codes allemands et qu’ils étaient informés quasiment une semaine à l’avance des projets d’arrestation des juifs romains. Les alliés décidèrent de ne pas avertir les Romains, pour ne pas alerter les Allemands sur leurs services de renseignement. Cette « décision militaire » laissa Pie XII entièrement seul, ne disposant d’aucune information à l’avance, pour tenter de mettre fin aux arrestations.

Parlant du pape Pie XII, Jeno Levai, grand spécialiste hongrois de l’Holocauste, a déclaré qu’il s’agissait d’une ironie « particulièrement r
egrettable, que la seule et unique personne de toute l’Europe occupée qui a fait plus que quiconque pour arrêter les atrocités contre les juifs et atténuer leurs conséquences est aujourd’hui le bouc émissaire des défaillances d’autres ».

Gary Krupp est le fondateur de la Fondation Pave the Way (PTWF), organisation dont la mission est d’identifier et de tenter d’éliminer les obstacles entre les religions et de lancer des initiatives positives pour améliorer les relations interreligieuses.

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ZENIT Staff

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