ROME, Mardi 27 mai 2010 (ZENIT.org) - Les déclarations de Vatican II sur le judaïsme sont irrévocables, a rappelé le cardinal Walter Kasper, lors d'une conférence à l'université « Hope » de Liverpool, le 24 mai. Il a également annoncé que l'ouverture des archives du Vatican sur le pontificat de Pie XII, annoncée par le Saint-Siège aura lieu d'ici 6 ans.
Le président du Conseil pontifical pour l'unité des chrétiens, qui est aussi le président de la Commission pour les relations religieuses avec le judaïsme, a redit que l'Eglise n'a rien à cacher », et « rien à craindre ».
Il a aussi ajouté qu'une Eglise qui se couperait de son héritage juif courrait le risque du « gnosticisme », reconnaissant en même temps que par le passé les chrétiens ont pu participer à la création d'un climat d'anti-judaïsme.
« Comme tout le monde le sait, l'histoire des relations entre juifs et chrétiens est complexe et difficile, elle remonte aux débuts de l'Eglise et au Ier siècle. La communauté chrétienne primitive de Jérusalem participait encore aux prières dans le Temple et était très estimée ; de fait, l'apôtre Paul, dans ses voyages missionnaires, se rendait toujours en premier dans les synagogues et seulement ensuite auprès des païens. Mais le fossé entre juifs et chrétiens, et le schisme entre les juifs et l'Eglise unie des juifs et des gentils avait commencé déjà au Ier siècle, spécialement après la destruction du second Temple par les Romains, en 70. Cette historie a eu aussi ses époques positives, comme lorsque les évêques ont pris les juifs sous leur protection contre les pogroms par les foules, mais ont aussi eu leurs époques obscures qui se sont imprimées de façon spéciale dans la conscience juive collective ».
Le cardinal Kasper invite à distinguer un certain « anti-judaïsme théologiquement fondé » et ces pogroms de « l'antisémitisme racial primitif qui s'est développé au XIXe siècle et qui a conduit à l'idéologie nazie, culminant avec le crime violent - et historiquement sans comparaison - de la Shoah, l'assassinat sponsorisé et organisé par l'Etat de quelque 6 millions de juifs d'Europe, ce qui est le point le plus bas absolu de l'histoire ».
« L'Holocauste ne peut pas être attribué au Christianisme en tant que tel, puisqu'il avait aussi des traits clairement anti-chrétiens. Cependant, des siècles d'anti-judaïsme chrétien théologique y ont contribué, en encourageant de développement d'une antipathie vis-à-vis des juifs, si bien que l'antisémitisme motivé idéologiquement et racialement a pu dominer de cette terrible façon et que la résistance à cette brutalité outrageusement inhumaine n'a pas atteint l'ampleur et la clarté que l'ont aurait attendu ».
Le cardinal Kasper a fait observer que le « crime sans précédent de la Shoah » a requis une révision fondamentale de la façon de penser. C'est ce qui s'est passé, dit-il, après 1945, dans toutes les principales Eglises. Du côté catholique, le « tournant décisif », c'est Vatican II et la déclaration conciliaire « Nostra Aetate » sur les relations de l'Eglise avec les religions non-chrétiennes.
Il rappelle que le pape Jean XXIII doit être considéré comme « le père spirituel de cette déclaration » et qu'en tant que nonce apostolique à Istanbul, il était intervenu pendant la guerre pour « sauver de nombreux juifs » et qu'au début de son pontificat, « après une visite historique du distingué expert juif Jules Isaac, il avait demandé au cardinal allemand Augustin Bea - qui était aussi un bibliste renommé - de préparer une déclaration conciliaire sur ce thème ». Le document fut promulgué « après des controverses » lors de la dernière session du concile, en 1965, par le pape Paul VI.
« C'est irrévocable, comme l'a réaffirmé absolument clairement le pape Benoît XVI au cours de sa visite à la synagogue de Rome le 17 janvier 2010. C'est irréversible pour le simple fait que les sujets théologiques décisifs de la déclaration Nostra Aetate sont fermement établis dans les constitutions conciliaires de plus d'autorité : la constitution dogmatique sur l'Eglise (Lumen Gentium, 6, 9, 16) et la constitution dogmatique sur la Révélation divine (Dei Verbum, 3, 14) ».
Pour le cardinal Kasper, il y a deux principaux enseignements du concile sur le judaïsme. Tout d'abord, il souligne que le concile reconnaît « les racines juives du christianisme » et son « héritage juif », en citant le ch. 9 de l'Epître de saint Paul aux Romains. Le concile est aussi conscient que Marie était une « femme juive » et que les apôtres aussi étaient juifs.
« C'est sur la base de ces racines communes et de ce commun héritage que le pape Jean-Paul II a dit, lors de sa visite à la synagogue de Rome le 13 avril 1986, que le judaïsme n'est pas extérieur mais intérieur au christianisme : le christianisme a avec lui une relation unique. Cela renverse le vieil anti-judaïsme. Le pape Pie XI avait déjà fait observer que spirituellement tous les chrétiens sont des sémites ».
« La seconde affirmation importante du concile concerne la condamnation de l'antisémitisme, souligne le cardinal Kasper. Dans la déclaration, l'Eglise « déplore les haines, les persécutions et les manifestations d'antisémitisme, qui, quels que soient leur époque et leurs auteurs, ont été dirigées contre les Juifs ». »
« Ces deux affirmations ont été, ajoute le cardinal Kasper, explicitement confirmées par les papes Jean-Paul II et Benoît XVI à de nombreuses reprises, en particulier lors de leurs visites à la synagogue de Rome et à Auschwitz, entre autres. La célébration impressionnante et émouvante du mea culpa du 1er dimanche de carême du Jubilé de l'An 2000, qui impliquait parmi d'autres la relation avec le peuple juif, est bien connue ».
C'est le cardinal Idris Cassidy qui avait lu la prière de repentance vis-à-vis du peuple juif, le 12 mars 2000 en la basilique Saint-Pierre. Jean-Paul II est allé placer cette prière dans une fissure du Mur Occidental, à Jérusalem, lors de son voyage, également en mars 2000.
Le cardinal Kasper a également évoqué l'action du pape Pie XII pendant la guerre.
Anita S. Bourdin