ROME, Mardi 9 février 2010 (ZENIT.org) – Le 4 février dernier, le cardinal Joseph Zen Ze-kiun, évêque émérite du diocèse catholique de Hongkong, a vigoureusement réagi aux critiques portées contre lui dans les colonnes de 30 Giorni (30 Jours), magazine catholique italien, les qualifiant d’« injustes » et de « sans fondement », rapporte aujourd’hui « Eglises d’Asie » (EDA), l’agence des Missions étrangères de Paris (MEP).
Dans un long article à propos de Mgr An Shuxin, évêque coadjuteur du diocèse de Baoding (1), le journaliste Gianni Valente, de 30 Giorni, met en cause le cardinal, critiquant « le rôle d’interprète et de médiateur » que celui-ci « a voulu jouer » en publiant un guide visant à faciliter la compréhension de la Lettre du pape Benoît XVI aux catholiques chinois du 30 juin 2007. « L’initiative du cardinal salésien qui s’offre comme garant de l’interprétation exacte d’un texte pontifical semble inusuelle et paraît être le fruit d’une décision purement personnelle », écrit Gianni Valente qui, dans son article, défend la décision de Mgr An Shuxin. Celui-ci, évêque coadjuteur de Baoding, un bastion catholique du Hebei, appartenait à la partie « clandestine » de l’Eglise en Chine et avait fait dix années de prison pour cela ; en août 2006, il était libéré par les autorités après avoir décidé d’accepter d’exercer son ministère au grand jour et finalement d’adhérer à l’Association patriotique des catholiques chinois (2).
En réponse aux attaques formulées contre lui, le cardinal Zen a déclaré à l’agence Ucanews (3) que le journaliste italien avait présenté les choses de manière à ce que le lecteur pense que l’évêque émérite de Hongkong avait dit que la Lettre pontificale manquait de clarté. « Je n’ai jamais dit cela, a rétorqué le cardinal. Ce que j’ai dit, c’est que la Lettre du pape est très claire et que je ne pouvais pas comprendre pourquoi certaines personnes l’interprétaient de travers, en affirmant que les communautés clandestines en Chine n’avaient désormais plus de raison d’être. » Cette mauvaise interprétation de la Lettre était d’ailleurs explicitée et corrigée dans le Compendium de la Lettre pontificale, publié par Rome en mai 2009 (notes 2 et 5 du document en question), a ajouté Mgr Zen, précisant que son Guide à la Lettre pontificale, publié en novembre dernier, n’avait pas pour objet de clarifier ce qui avait déjà été expliqué par le Compendium. Son « guide » est venu « en complément » et a été écrit « en réponse à des questions posées par [ses] frères dans l’épiscopat en Chine continentale », a encore explicité le cardinal.
Quant à ce que le journaliste italien présente comme une conséquence des prises de position du cardinal Zen, à savoir que des prêtres « clandestins » en Chine continentale « disent vouloir s’en tenir à la ligne indiquée par le cardinal Zen plutôt qu’à celle indiquée par le pape et par Rome » pour justifier leur refus de participer à des « rencontres de prière et de catéchèse » avec des prêtres « officiels », le cardinal Zen répond que de tels propos sont « injustes ». « Je soutiens entièrement la réconciliation (entre les deux communautés de l’Eglise catholique en Chine). Toutefois, parce que la politique gouvernementale ne change pas, je redoute une unification des structures menée dans l’urgence et sans tenir compte des principes posés par le pape », explique-t-il.
A propos de Mgr An Shuxin, Mgr Zen dit avoir « un très grand respect » pour sa personne. « Il a enduré de grandes souffrances pour sa foi. » Mais « le respecter ne signifie pas que nous devons accepter tous ses jugements », précise-t-il, en référence à la décision de Mgr An d’adhérer à l’Association patriotique. L’évêque coadjuteur de Baoding, ajoute Mgr Zen, a estimé que la vie de l’Eglise dans les structures approuvées par le gouvernement « était normale » – ce en quoi son jugement a été « trompé ». Dans sa Lettre, le pape écrit qu’une Eglise indépendante du Saint-Siège est incompatible avec la doctrine catholique, argumente Mgr Zen.
Au-delà de l’article de 30 Giorni et de la réaction du cardinal Zen, les circonstances dans lesquelles Mgr An Shuxin a été libéré de prison en 2006 puis est sorti de la clandestinité pour se faire reconnaître officiellement par les autorités civiles, ainsi que la décision qu’il a prise d’accepter, l’été dernier, un poste au sein de l’Association patriotique de Baoding, provoquent d’intenses remous au sein même de l’Eglise de Chine. Remous qui transparaissent sur Internet, notamment sur le site catholique chinois Catholic On Line (www.ccccn.org). La polémique tourne non seulement autour des choix faits par Mgr An mais aussi autour de l’implication du Saint-Siège dans cette affaire. Catholic On Line a mis en ligne plusieurs documents éclairant la position de Mgr An et du Saint-Siège pour permettre aux internautes de se faire une idée la plus objective possible sur ce dossier très controversé et très sensible (4).
La position du diocèse de Baoding est en effet emblématique au sein des communautés clandestines de l’Eglise en Chine, et le choix de Mgr An a déclenché un très fort malaise au sein du diocèse de Baoding et, au-delà, d’un grand nombre de prêtres condamnant ce choix et refusant de collaborer avec Mgr An. Il est intéressant de noter qu’à la date d’aujourd’hui, l’ensemble du dossier sur Internet a été consulté par plus de 20 000 personnes et l’interview de Mgr An elle-même par plus de 14 000 personnes. Ces chiffres, élevés, témoignent du degré d’intérêt soulevé par le sujet au sein des différentes communautés et des opinions divergences que le cas de Mgr An suscite. Les très nombreux commentaires laissés par les internautes permettent de sentir les différentes tendances (dans certains cas poussés à l’extrême), ainsi que les critiques parfois très dures de l’attitude du Saint-Siège dans cette affaire qui touche toutes les communautés clandestines, et plus largement l’ensemble de l’Eglise en Chine.
Qu’à l’étranger, certains observateurs, tels ceux de la rédaction de 30 Giorni, considèrent que le cas de Mgr An est un exemple encourageant pour la normalisation des relations entre les communautés clandestines et le gouvernement, ne doit pas faire oublier la complexité de la réalité et de la politique du gouvernement chinois vis-à-vis de l’ensemble de l’Eglise en Chine, et des communautés clandestines du Hebei en particulier. La réaction du cardinal Zen montre que la situation n’est pas aussi simple que certains voudraient le croire et que le choix de Mgr An pose de réelles questions de principe, en particulier quant à l’interprétation de la Lettre du pape aux catholiques chinois et à la participation d’un évêque clandestin à l’Association patriotique.
(1) 30 Giorni, décembre 2009.
(2) Voir EDA 446, 447, 517, 518
(3) Ucanews, 4 février 2010.
(4) http://www.ccccn.org/news/china/2009-11-03/3866.html
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