Les gestes de Benoît XVI en visite à la synagogue de Rome

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Un pèlerinage des douleurs et des joies ouvert à l’espérance

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ROME, Dimanche 17 janvier 2010 (ZENIT.org) – La visite de Benoît XVI à la communauté juive de Rome a comporté sept gestes significatifs marquant notamment la commémoration de la déportation de 1943 et de l’attentat de 1982, la visite de Jean-Paul II en 1986, avec une rencontre émouvante avec le rabbin Toaff, l’histoire des juifs et des papes : un pèlerinage des douleurs et des joies ouvert à l’espérance.

Le pape vient à pied

Le premier des gestes qui ont marqué la visite de Benoît XVI, on note son arrivée au Portique d’Ottavia, dans l’ancien quartier du Ghetto, et sa marche à pied jusqu’à la synagogue.

Benoît XVI était guidé par Riccardo Pacifici, président de la commuauté juive de Rome, et accompagné de Renzo Gattegna, président de l’Union des communautés juives italiennes (UCEI).

En chemin, le pape a posé trois autres gestes principaux. Il a tout d’abord rendu hommage aux juifs de Rome déportés après la rafle du 16 octobre 1943, devant la plaque qui rappelle cette tragédie. Il a déposé une gerbe de roses rouges et s’est recueilli.

La rafle de 1943 et la Shoah

La rafle a été ordonnée par le commandant des SS dans la Rome occupée, Herbert Kappler, à la demande de Berlin : 1021 juifs romains furent déportés, 17 d’entre eux revinrent des camps d’extermination, dont une seule femme.

Dans son discours, le pape a évoqué la Shoah comme un « drame singulier et bouleversant » qui « représente d’une certaine façon le sommet d’un chemin de haine qui naît lorsque l’homme oublie son Créateur et se met lui-même au centre de l’univers ».

Il a cité ses paroles lors de la visite à Auschwitz, du 28 mai 2006 « profondément imprimée dans ma mémoire », a-t-il souligné.

L’accolade avec le rabbin Toaff

Une rencontre non prévue a été particulièrement émouvante : celle, au pied de son immeuble, du grand rabbin émérite Elio Toaff, qui avait accueilli Jean-Paul II à la grande synagogue, en 1986. Puis le rabbin Toaff, chaleureux, a souligné qu’il aurait 95 ans en avril et le pape lui a présenté ses vœux.

Le pape a ensuite rendu hommage – une gerbe blanche – à la mémoire d’un petit enfant juif de deux ans mort pendant l’attaque terroriste de 1982 contre la synagogue de Rome, une attaque alors sévèrement condamnée par Jean-Paul II le lendemain, 10 octobre, après l’angélus.

Dans son discours, le pape a parlé d’un « chemin irrévocable de dialogue, de fraternité et d’amitié », inauguré par Vatican II.

Sous le signe des enfants

Le pape a rencontré la maman, le frère aîné alors âgé de quatre ans, blessé, et le papa du jeune Stefano Gay Taché, lui aussi blessé. Il a salué personnellement d’autres survivants, restés parfois longtemps entre la vie et la mort. L’attentat a eu lieu à la sortie de l’office de Shemini Atzeret (le 8ème jour, conclusif, de la fête des Tentes, Soukkot) : un groupe de palestiniens a tiré sur la foule, faisant quelque quarante blessés.

Le pape Benoît XVI a ensuite été accueilli sur le seuil de la synagogue par le grand rabbin de Rome Riccardo Di Segni.

Avant les quatre discours, de Pacifici, Gattegna, Di Segni et de Benoît XVI, Riccardo Pacifici a invité l’assemblée à observer une minute de silence en faveur des victimes de Haïti et appelé à la générosité pour les sinistrés.

Les archives, la hâte

Le président Pacifici a salué les personnalités et groupes représentés, notamment un groupe de musulmans italiens. Il rappelé avec émotion que son grand père, rabbin à Milan, a été déporté, avec son épouse, Wanda, tandis que son père, Emmanuel, était mis à l’abri chez les sœurs de Santa-Marta de Florence, saluant sr Vittoria, une sœur de cette communauté présente dans la synagogue. Il est revenu sur les silences présumés de Pie XII et sur l’ouverture des archives : le Vatican a pour sa part indiqué à plusieurs reprises qu’il mettait les bouchées doubles pour ordonner les documents et les cataloguer de façon à ce qu’il soient consultables au plus vite, souhaitant que les autres archives internationales de l’époque soient également ouvertes pour recouper les informations. M. Pacifici a fait allusion au patrimoine « culturel » juif conservé dans les archives du Vatican. Il également nommé des disparus ainsi que le soldat franco-israélien Guilad Shalit, prisonnier dans la Bande de Gaza et dont le pape avait rencontré les parents en Israël. Par ailleurs, il a exprimé sa « préoccupation » face au « fanatisme religieux » soutenu par des « Etats souverains ».

Sur Pie XII et les archives le pape n’a rien ajouté sinon que « le Siège apostolique » aussi a pris part au sauvetage de juifs « souvent de façon cachée et discrète ».

Défendre les droits humains

Dans son discours, Renzo Gattegna a salué le pape au nom des 21 communautés juives d’Italie, dont il préside l’union (UCEI). Il a évoqué les papes Jean XXIII et Jean-Paul II, notamment la demande de pardon de l’An 2000. Il a indiqué une voie pour la collaboration entre juifs et catholiques : la défense des droits humains fondamentaux dans le monde. Il a dit sa gratitude à Dieu pour la « sagesse » de la génération des Elio Toaff et Jean-Paul II. Plus encore, il souhaite que la collaboration se fasse entre juifs, chrétiens et musulmans, qui reconnaissent le « Dieu unique » et ceci pour qu’advienne dans le monde « une ère de paix ».

Responsabilité de paix universelle

Pour sa part, le grand rabbin Di Segni a dit son inquiétude si Vatican II était remis en question. Il a cité les rabbins présents et le morceau d’histoire et de géographie qu’ils représentent : rav Brudman, grand rabbin de Savion en Israël, qui a passé trois années de son enfance dans un camp nazi ; le rav Schneier, de New York, enfant dans l’enfer de Budapest en 1944; le rav Shearyashuv haKohen, grand rabbin de Haïfa « qui a combattu dans la guerre d’indépendance d’Israël en 1948 et a été prisonnier des Jordaniens » ; le rav Arussi grand rabbin de Kiriat Ono, descendant d’une famille du Yémen. Il a aussi mentionné la présence d’un groupe de survivants de la Shoah auquel le pape a adressé des signes d’amitié. Mais le rabbin a voulu souligner que ce n’étais pas seulement une historie de survie mais de « résistance » et de « fidélité » pour ceux qui ont refusé d’abjurer pour se sauver. Lui aussi a insisté sur le fait que juifs, chrétiens et musulmans doivent maintenant travailler ensemble car ils portent une « responsabilité de paix » spéciale, et de « paix universelle », celle annoncée par le prophète Isaïe, qu’il a cité. Auparavant, le rabbin avait mentionné le contexte historique de l’exposition que le pape a ensuite visitée. Le grand rabbin a souligné que ce sont aussi des témoignages du temps où les juifs ne jouissaient pas de leur liberté, acquise en 1870. Il a proposé une méditation à partir du terme de « frères » employé par Jean-Paul II en 1986, en se demandant, en parcourant la bible : quel type de frères ?

Comme en écho, le pape a achevé son discours sur un vœu de « d’un amour fraternel croissant ».

Ces discours sont disponibles en italien sur le site de l’Union des communautés juives d’Italie. Le site Internet du Saint-Siège propose aussi le texte du pape en italien, avec une traduction en anglais.

L’échange de cadeaux a été suivi du poignant chant « Ani maamin », « Je crois », profession de foi tragiquement chantée dans les camps d’extermination.

Le pape et le rabbin ont ensuite eu un bref entretien privé en tête à tête vers 18 h dans une salle contiguë à l
a grande synagogue de Rome.

 Vers la fraternité authentique

Dans le sous-sol de la synagogue, Benoît XVI a inauguré une exposition qui restera ouverte au public jusqu’au 31 mars, intitulée « Et Ecce gaudium ».

Ce sont 14 dessins du 18e siècle faits par la communauté juive de Rome pour le couronnement de différents papes : Clément XII (1730), Clément XIII (1758), Clément XIV (1769) et Pie VI (1775). Ils ont été retrouvés dans les archives historiques de la Communauté juive de Rome.

Le pape a admiré la beauté des dessins et des peintures, de la calligraphie de versets bibliques, guidé par la commissaire de l’exposition, Mme Daniela Di Castro.

En accompagnant le pape jusqu’à sa voiture, à peu près deux heures après son arrivée, et dans la nuit de Rome, Ricardo Pacifici a ajouté en serrant les mains du pape : « Vraiment merci, continuons » [« Andiamo avanti!« ].

Le pape, légèrement essoufflé par ces émotions, est remonté dans sa voiture couverte immatriculée « SCV 1 », sous les applaudissements, alors que l’hélicoptère continuait ses rotations au-dessus de la synagogue. Puis le cortège s’est mis en route vers 18 h 21.

Anita S. Bourdin

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ZENIT Staff

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