ROME, Mardi 12 Janvier 2010 (ZENIT.org) – Après la publication d’un article évoquant le « scandale de la béatification de Pie XII », l’hebdomadaire français Marianne se remet en question.
« Notre une du samedi 2 janvier ‘le pape qui garda le silence face à Hitler’, qui traitait de la possible béatification de Pie XII, a fait réagir », note la rédaction de Marianne. « Y compris parmi nos chroniqueurs réguliers. Parmi eux, Roland Hureaux estime que, face à la Shoah, Pie XII a agi en homme responsable plutôt qu’en donneur de leçons ».
Dans cet article, diffusé le 11 janvier, Roland Hureaux rappelle que les « chefs de l’Eglise catholique se situent du côté de l’éthique de la responsabilité ». « Parce que, contrairement à ce que pourraient laisser penser certains, les bons chrétiens ne sont pas des adolescents attardés, et parce que l’Eglise catholique a des responsabilités effectives : entre 1939 et 1945, celle de millions de catholiques mais aussi de centaines de milliers de juifs réfugiés dans les institutions (1) ! »
« Il y a une immaturité inouïe à imaginer que le pape aurait pu prendre la parole à tort et à travers sans se préoccuper d’abord de cette responsabilité », affirme-t-il.
Selon le chroniqueur de Marianne, « rien ne permet de dire que, par rapport à telle situation, le pape aurait pu, en étant moins ‘prudent’, améliorer la balance bien/mal ». « Il faut une présomption singulière à ceux qui n’ont pas vécu les mêmes événements, ni jamais exercé des responsabilités analogues, pour porter des jugements péremptoires à ce sujet ».
« Comme le dit Serge Klarsfeld (2), une prise de parole solennelle lors de la rafle des juifs de Rome aurait sûrement amélioré la propre réputation de Pie XII aujourd’hui ». « Mais quel criminel aurait-il été s’il avait, pour forger son image devant l’histoire ou même préserver l’honneur de l’institution, sacrifié la vie ne serait-ce que d’un des milliers d’enfants juifs réfugiés dans les jardins de Castel Gandolfo et de multiples couvents ! ».
Roland Hureaux estime ainsi qu’il aurait fallu « une singulière méconnaissance de ce qu’avait été le régime nazi pour imaginer que ce genre de proclamations aurait pu l’émouvoir ».
« Comment peut-on dire aussi que le pape n’a rien dit contre le nazisme alors qu’il avait été le sherpa qui rédigea de bout en bout l’encyclique Mit brennender Sorge (1937) », affirme-t-il encore.
Pie XII fut « obsédé par l’anticommunisme ». « Parole légère s’il en est ! Oublie-t-on qu’entre août 1939 et juin 1941, Hitler et Staline sont alliés, un plan d’extermination des prêtres et des élites polonaises est à l’œuvre et des centaines de milliers de catholiques polonais assassinés. Pas de protestation mémorable non plus ». « Pourquoi ? Je ne sais ».
« Il savait que, face à la ‘Bête immonde’, rien ne sert de chercher à l’attendrir, il faut en priorité limiter les dégâts en n’attisant pas sa fureur ».
« De fait, poursuit Roland Hureaux, le vrai mystère de Pie XII n’est pas tant son comportement pendant la guerre que la lecture qui en est faite soixante ans après. Comment ce pape qui fit de son vivant l’objet d’éloges unanimes du monde juif (Ben Gourion, Golda Meir, Albert Einstein, Léo Kubowitski, secrétaire du Congrès juif mondial, le grand rabbin de Rome etc.) et non juif, peut être aujourd’hui ainsi vilipendé ? ».
1) Est-il nécessaire de dire que ces centaines de milliers de Juifs cachés dans les institutions catholiques ne l’étaient pas à l’insu du pape ou malgré lui ?
2) Le Point, 24/12/2009
3) C’est à cette époque qu’il fut photographié à la sortie d’une réception, des militaires allemands lui rendant les honneurs. Comme ils portent déjà l’uniforme des soldats nazis, l’usage pas toujours innocent de cette photo prête à confusion.