Malaisie : L’Eglise catholique ne doit pas craindre d’affirmer ses droits

Analyse de l’évêque de Melaka-Johor

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ROME, Mardi 8 Décembre 2009 (ZENIT.org) – L’Eglise catholique en Malaisie doit avoir le courage de continuer à défendre les droits des non-musulmans, tout en promouvant la recherche de l’égalité et de la justice par le dialogue avec tous, affirme Mgr Paul Tan Chee Ing, évêque de Melaka-Johor, diocèse situé au sud de la Malaisie péninsulaire, a rapporté « Eglises d’Asie », l’agence des Missions étrangères de Paris (MEP), le 8 décembre.

Interrogé par l’agence Ucanews (1), le prélat, âgé de 69 ans, est engagé de longue date dans le dialogue interreligieux ainsi que dans la défense des droits des minorités religieuses en Malaisie. Avant même d’être nommé à la tête du diocèse de Melaka-Johor, Mgr Paul Tan a cofondé dans les années 1980 le Malaysian Consultative Council for Buddhism, Christianity, Hinduism, Sikhism and Taoism (MCCBCHST), instance qui est devenue l’interlocuteur privilégié des autorités gouvernementales pour les questions relatives à la cohabitation entre les communautés religieuses en Malaisie. Avec 28 millions d’habitants, la Fédération de Malaisie compte un peu moins de 60 % de musulmans, la particularité du pays étant que les Malaisiens ethniquement malais sont automatiquement comptés au nombre des musulmans tandis que les minorités ethniques, d’origine chinoise et indienne principalement, appartiennent le plus souvent à l’une ou l’autre des religions représentées par le MCCBCHST.

A propos des polémiques, récurrentes ces dernières années, concernant l’usage du mot « Allah » pour  dire Dieu dans les bibles traduites en malais ou dans la section en langue malaise de l’hebdomadaire catholique Herald, Mgr Tan rappelle la rencontre des dirigeants chrétiens de Malaisie qui a eu lieu en 1989 à Kuching. Une déclaration avait alors été publiée pour dire que les chrétiens avaient le droit d’utiliser ce terme pour dire Dieu. « Personne ne peut interdire cet usage et ce mot fait partie de la ‘langue nationale’. De plus, c’est un terme pré-islamique et tous les chrétiens du monde arabe ou en Indonésie l’utilisent. Pourquoi la Malaisie serait-elle le seul pays à interdire aux chrétiens de l’utiliser ? », interroge l’évêque, soulignant que « l’islamisation » de la société et du débat public en Malaisie ne se limite pas à cette question sémantique.

Pour comprendre ce que recouvre le concept de « l’islamisation », Mgr Tan précise que l’islam n’opère pas de séparation entre la religion et l’Etat et se comprend comme devant pénétrer tous les aspects de la vie humaine. Par conséquent, ce qui concerne l’islam en Malaisie n’est pas limité aux seuls musulmans mais doit s’appliquer également aux non-musulmans. Même si on peut ne pas être dupe de la démarche politicienne sous-jacente à la question de l’usage du mot Allah, on ne peut que constater que le processus d’islamisation de la société est enclenché, estime encore Mgr Tan. Il cite à cet égard le fait que même la Constitution fédérale, pourtant enracinée dans le droit britannique, va dans ce sens, les lois fédérales devant « se conformer à la Loi islamique ».

Mgr Tan ajoute que l’actualité est pleine d’affaires où les questions d’appartenance religieuse jouent pratiquement toujours à sens unique, c’est-à-dire en faveur de l’islam. Ainsi en est-il de personnes qui sont nées dans une famille musulmane mais qui ont vécu toute leur vie dans la foi chrétienne, hindoue ou bouddhique et à qui le Bureau des Affaires islamiques interdit une sépulture autre que musulmane ; ou encore de ces personnes qui ne peuvent se marier à un non-musulman car elles sont inscrites dans les registres officiels comme étant de religion musulmane. Face à de telles situations, l’Eglise catholique ne doit pas craindre d’affirmer envers et contre tout les droits des non-musulmans à vivre en toute liberté selon leur conscience, même si cette affirmation va de pair avec le maintien du dialogue avec tous, explique l’évêque.

Les catholiques représentent une petite fraction de la population du pays, environ 3,5 %. Au total, les chrétiens forment 9 % de la population. « Il est donc vital d’agir ensemble avec tous les autres non-musulmans, dans le cadre du MCCBCHST. C’est la seule manière de ne pas être stigmatisés comme opposants aux musulmans. C’est aussi la seule manière de faire entendre notre voix, celle qui représente 40 % de la population », déclare Mgr Tan. Etant donné la situation politique de la Malaisie contemporaine, on peut considérer que le travail accompli par le MCCBCHST est plutôt remarquable, cette instance étant reconnue comme autorisée à parler au nom de tous les non-musulmans. Il reste que, si les autorités nous écoutent, nos remarques ne se traduisent pas par des changements concrets, note encore Mgr Tan.

Quant au dialogue, l’Eglise doit être attentive à le maintenir à tous les niveaux, du dialogue de vie au dialogue intellectuel et spirituel. Quelles que soient les circonstances, l’Eglise doit se montrer ouverte au dialogue avec autrui, tout particulièrement avec les musulmans, sans jamais permettre que ce qui constitue sa foi soit bafoué, conclut l’évêque de Melaka-Johor.

(1)           Ucanews, 8 décembre 2009.

 © Les dépêches d’Eglises d’Asie peuvent être reproduites, intégralement comme partiellement, à la seule condition de citer la source.

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ZENIT Staff

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