ROME, Vendredi 6 Novembre 2009 (ZENIT.org) – Le 4 novembre dernier, des prêtres catholiques se sont joints à des organisations civiques et des ONG pour dénoncer la violence dont fait preuve la police et l’impunité dont jouissent ses agents, a rapporté le 6 novembre « Eglises d’Asie », l’agence des Missions étrangères de Paris (MEP).
Devant la principale gare ferroviaire de Colombo, plusieurs centaines de manifestants ont pacifiquement dénoncé le climat de peur qui règne dans le pays. Leur manifestation intervenait quelques jours après la mort par noyade d’un jeune homme, poursuivi par plusieurs agents de police et violemment frappé par au moins l’un d’entre eux.
Le 29 octobre, un certain Balavarnan Sivakumar, âgé de 26 ans, se trouvait à Bambalapitiya, localité située à quelques kilomètres au sud de Colombo. Présenté par la presse sri-lankaise comme un jeune homme déstabilisé psychologiquement par un dépit amoureux et sous traitement médical, Balavarnan Sivakumar lançait des pierres en direction des trains et des véhicules. A cet endroit, le bord de mer, rectiligne, est longé par une voie de chemin de fer et une route. Aux policiers venus le contrôler, le jeune homme a continué de jeter des pierres. La suite de l’histoire a été entièrement filmée en vidéo amateur. Le film a été diffusé sur Internet et sur TNL Network, une chaîne locale. Les images montrent que les policiers ont pourchassé le jeune homme jusque dans la mer, agitée par de fortes vagues. Au moins deux d’entre eux étaient munis de lourds bâtons et ont cherché à l’atteindre à plusieurs reprises. Implorant leur pitié, le jeune homme a été frappé à au moins une reprise avant de couler et de se noyer à quelques mètres du rivage. Sur le remblai de pierres, le long de la côte, une foule de plusieurs centaines de personnes observait la scène.
Le P. Terrence Fernando, de l’archidiocèse de Colombo, a pris part à la manifestation du 4 novembre. Selon lui, « les gens en ont assez de l’impunité dont jouissent les forces de police ». Il explique que le Sri Lanka a vécu durant des années sous l’état d’urgence du fait de la guerre menée au nord, contre la rébellion tamoule. La violence est devenue omniprésente dans la vie quotidienne et elle est notamment le fait des forces de police. La suspension des droits constitutionnels normaux a créé les conditions d’une quasi-impunité pour ses agents. Selon le P. Fernando, les cas de violation des droits de l’homme par les forces de sécurité du pays, y compris la police, se comptent par milliers et aucune affaire n’a jamais aboutie devant un juge. « Le pouvoir de police est totalement dévoyé dans ce pays, déclare-t-il. Il est temps que les leaders religieux élèvent la voix pour défendre les gens. »
Sœur Noel Christine, religieuse catholique, anime une ONG, Shramabimani Center, à Negombo. Le 4 novembre, elle a appelé les dirigeants du pays à rétablir la normalité dans le pays : « Maintenant que l’obsession de la guerre est derrière nous, (les policiers) devraient être formés pour savoir comment se comporter avec les gens. »
Aux côtés du P. Marimuthupillai Sathivel, prêtre anglican, le P. Sarath Iddamalgoda, prêtre catholique, n’a pas hésité à dénoncer le gouvernement, le tenant pour responsable des « meurtres » commis par sa police. Il a notamment dénoncé « l’absence totale » d’actions judiciaires entamées pour lutter contre « la criminalité policière ».
La mort de Balavarnan Sivakumar vient s’ajouter à plusieurs affaires qui ont connu récemment un certain écho. En août dernier, Danushka Aponso et Dinesh Tharanga Dernando, deux jeunes d’une localité de la périphérie de Colombo, sont morts après avoir été interpellés pour un délit mineur. Leurs corps, criblés de balles, ont été retrouvés à une faible distance d’un poste de police. Toujours en août dernier, Nipuna Ramanayake, un étudiant du Sri Lanka Institute of Information Technology, a été détenu et torturé dans un poste de police durant plusieurs heures ; il affirme que les policiers l’ont battu à coups de piquets de cricket, jusqu’à briser ces piquets sur sa tête et son visage (1).
En réaction à la mort de Balavarnan Sivakumar, l’évêque anglican de Colombo, Mgr Duleep de Chickera, a publiquement pris position. Il a condamné ce meurtre et déclaré : « La confiance des citoyens dans les autorités chargées de faire respecter la loi doit être maintenue, quelles que soient les circonstances. Autrement, notre pays peut rapidement glisser vers l’anarchie. » L’inspecteur général de la police s’est contenté de promettre que « la police étudierait le problème ».
(1) Des affaires citées dans cette dépêche, il est difficile de tirer des conclusions quant à un éventuel ciblage par la police de la minorité tamoule. En effet, si Balavarnan Sivakumar est tamoul, Danushka Aponso, Dinesh Tharanga Dernando et Nipuna Ramanayake appartiennent à la majorité cinghalaise. Il est toutefois indéniable que, ces temps-ci, appartenir à la minorité tamoule à Colombo ou ailleurs dans le pays vous expose à un risque certain de brimades lors des nombreux contrôles d’identité menés par la police dans les transports ou en ville.
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