Message final du Synode pour l'Afrique (4-25 octobre)

Texte intégral

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ROME, Lundi 2 novembre 2009 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le Message final de la deuxième Assemblée pour l’Afrique du Synode des évêques, qui s’est déroulé au Vatican du 4 au 25 octobre.

INTRODUCTION

Lorsque le Serviteur de Dieu le Pape Jean-Paul II, au soir de sa vie, le 13 novembre 2004, annonçait son intention de convoquer une Deuxième Assemblée Spéciale pour l’Afrique du Synode des Évêques, ce fut pour nous une grâce spéciale, comme l’accueil de ses dernières volontés et de son testament pour l’Afrique. Cette même intention fut confirmée par son successeur, notre Saint-Père, le Pape Benoît XVI, le 22 juin 2005 dans l’une des premières grandes décisions de son pontificat. Rassemblés ici pour le Synode, venant de tous les pays de l’Afrique, de Madagascar et des Îles adjacentes, avec des confrères évêques venant des autres Continents, et avec des délégués provenant d’autres traditions chrétiennes, sous l’autorité du Chef du Collège Épiscopal et avec lui, nous rendons grâce à Dieu pour cette occasion providentielle qui nous est donnée de célébrer les bienfaits du Seigneur sur notre Continent, d’évaluer notre responsabilité de Pasteurs et de chercher une inspiration nouvelle et un souffle nouveau, face aux défis futurs qui nous attendent. Voici déjà quinze ans qu’a eu lieu la Première Assemblée de 1994. Les enseignements et les orientations de l’Exhortation Apostolique Post Synodale Ecclesia in Africa n’ont pas cessé d’être un guide valable pour nos efforts pastoraux. Mais dans cette Deuxième Assemblée, le Synode s’est concentré sur un thème d’une grande urgence pour l’Afrique : le service à rendre à la réconciliation, à la justice et à la paix dans un continent qui se trouve dans un crucial besoin de ces grâces et de ces vertus.

Notre travail a débuté par la célébration de la messe présidée par le Saint-Père le Pape Benoît XVI qui a invoqué le Saint-Esprit pour qu’il nous « guide dans la vérité tout entière » (Jn 16, 13). À cette occasion, le Pape nous a rappelé que le Synode n’est pas avant tout une séance d’étude. C’est plutôt une initiative de Dieu nous invitant à écouter : l’écouter lui-même, nous écouter les uns les autres et écouter le monde autour de nous, dans une atmosphère de prière et de réflexion.

Au moment où nous nous préparons à rejoindre les différents lieux de notre ministère avec un courage et un engagement renouvelés, nous voudrions adresser un message à toute l’Église-Famille de Dieu, spécialement à l’Église qui est en Afrique : à nos frères les évêques au nom desquels nous sommes ici ; aux prêtres, aux religieux et religieuses et à tous les fidèles laïcs, ainsi qu’à tous ceux dont Dieu ouvrira le cœur pour écouter nos paroles.

PARTIE I

UN REGARD SUR L’AFRIQUE D’AUJOURD’HUI

Nous vivons dans un monde plein de contradictions et de crises profondes. La science et la technique accomplissent d’énormes progrès dans tous les domaines de la vie, dotant la planète de tout ce qu’il faut pour en faire un lieu agréable pour tous. Pourtant la situation tragique des refugiés, la pauvreté scandaleuse, la maladie et la faim tuent encore chaque jour des milliers de personnes.

En tout cela, l’Afrique est la plus frappée. Riche en ressources humaines et naturelles, nombreux sont nos peuples qui croupissent dans la pauvreté et la misère, sont déchirés par les guerres et les conflits, passent par des crises et sombrent dans le chaos. Ces situations sont rarement causées par des catastrophes d’ordre naturel. Elles sont plutôt le fruit de décisions et d’actions de personnes qui n’ont aucun souci du bien commun et que l’on retrouve souvent dans une complicité tragique et dans un complot criminel ourdi par des dirigeants locaux et des intérêts extérieurs.

Mais l’Afrique ne doit pas se laisser aller au désespoir. Les bénédictions divines sont encore abondantes. Elles attendent seulement d’être prudemment et correctement employées pour le bien de tous. Là où les conditions étaient bonnes, ses enfants se sont montrés capables d’atteindre, et ont vraiment atteint, le sommet des activités et des compétences humaines. Il y a de très bonnes nouvelles en plusieurs endroits d’Afrique. Mais, les médias modernes tendent souvent à accentuer les mauvaises nouvelles et ainsi semblent se concentrer davantage sur nos infortunes et nos déboires plutôt que de relever l’effort positif qui s’accomplit. Des Nations sont sorties de longues années de guerres progressent lentement sur les chemins de la paix et de la prospérité. La bonne gouvernance a un impact appréciable dans certains pays africains, interpellant ainsi les autres pays pour qu’ils revoient leurs mauvaises habitudes passées comme présentes. De bons signaux sont donnés à partir d’initiatives qui cherchent à apporter des solutions effectives à nos problèmes. Ce Synode, précisément à travers son thème, entend faire partie de ces initiatives positives. Nous interpellons tout un chacun de collaborer main dans la main pour faire face aux défis de la réconciliation, de la justice et de la paix en Afrique. Beaucoup souffrent et meurent : il n’y a plus de temps à perdre.

PARTIE II

À LA LUMIÈRE DE LA FOI

Notre responsabilité d’évêques nous oblige à considérer toute chose à la lumière de la foi. Très tôt, après la publication d’Ecclesia in Africa, les Évêques de l’Afrique, à travers le Symposium des Conférences Épiscopales d’Afrique et Madagascar (SCEAM), avaient publié une Lettre pastorale intitulée : « Christ notre Paix » (cf. la Déclaration finale lors de l’Assemblée Plénière du SCEAM à Rocca di Papa, 1-8 octobre, 2000, publiée à Accra, 2001). Dans cette Assemblée, nous nous sommes fréquemment rappelés que toute initiative de réconciliation et de paix vient de Dieu. Comme le déclare l’Apôtre Paul : « C’était Dieu, dans le Christ, qui réconciliait le monde avec lui ». Il le fait à travers le don gratuit de son pardon sans condition, «ne tenant plus compte des fautes des hommes», nous introduisant donc dans sa paix (2 Co 5, 17-20). Quant à la justice : elle est aussi l’œuvre de Dieu, à travers sa grâce justifiante dans le Christ.

8. Dans le même texte, Saint Paul, poursuivant son développement, affirme que Dieu «nous confie le message de réconciliation », et nous nomme véritablement « ambassadeurs du Christ, Dieu lançant ainsi son appel à travers nous ». Voilà le mandat sublime que nous avons reçu de notre Dieu tendre et miséricordieux. L’Église en Afrique, constituée à la fois comme famille de Dieu et comme croyants pris individuellement, se doit d’être instrument de paix et de réconciliation, conformément au cœur du Christ, qui est notre paix et notre réconciliation. Et cela ne sera possible que dans la mesure où elle-même se réconcilie avec Dieu (cf. 2 Co 5, 20). Sa manière de travailler à la réconciliation, la justice et la paix dans la société doit aller au-delà et surpasser la manière dont le monde résout ces problèmes. Comme Saint Paul, le Synode interpelle tous les Africains : « Au nom du Christ, laissez-vous réconcilier avec Dieu ». En d’autres termes, nous les appelons tous à se laisser réconcilier avec Dieu. C’est la voie royale qui conduit à la vraie réconciliation des peuples. Voilà comment briser le cercle vicieux de l’offense, de la vengeance et des représailles. Dans tout cela, la vertu du pardon est très importante, avant même la reconnaissance de la culpabilité. Ceux qui disent que le pardon ne sert à rien, qu’ils tentent la vengeance, et ils verront ce qu’elle donne. Le vrai pardo
n promeut la justice de la conversion et de la réparation. Il conduit à la paix qui va jusqu’à la racine du conflit, et qui transforme les victimes et les ennemis de jadis en amis, en frères et en sœurs. Comme c’est Dieu seul qui rend possible ce genre de réconciliation, nous devons, dans ce ministère, réserver une place privilégiée à la prière et aux sacrements, spécialement au Sacrement de la Réconciliation.

PARTIE III

À L’ÉGLISE UNIVERSELLE

9. Ce Synode entend éclairer le continent africain de sa sollicitude et de sa solidarité. Nous remercions le Saint-Père qui accompagne l’Afrique dans ses luttes et qui défend sa cause avec tout le poids de son immense autorité morale. À l’instar de ses prédécesseurs, il se montre un ami authentique de l’Afrique et des Africains. En affrontant nos défis, nous sommes enrichis et guidés par les trésors de sagesse contenus dans l’Enseignement des Papes sur les questions sociopolitiques. À ce propos, le Compendium de la Doctrine Sociale de l’Église constitue un vademecum et une source d’inspiration que nous recommandons chaleureusement à tous les fidèles laïcs, surtout ceux qui occupent de hautes fonctions dans nos communautés.

10. Le Saint-Siège a entrepris beaucoup d’initiatives directes pour le développement et le bien de l’Afrique. Un exemple frappant, c’est la Fondation Jean-Paul II pour le Sahel, pour lutter contre la désertification des pays du Sahel. Ne sous-estimons pas le grand service que rendent aux Églises locales les Représentations Pontificales. Aujourd’hui le Saint-Siège compte cinquante nonces pour les cinquante trois nations de l’Afrique, signe convaincant de l’engagement du Saint-Siège au service du Continent. Pour cela, le Synode exprime sa profonde gratitude.

11. Nous saluons avec une fraternelle affection toutes les Églises au-delà des côtes africaines. Nous sommes tous membres de la famille de Dieu répandue dans le monde. La présence et la participation des délégations d’autres continents confirment nos liens de collégialité effective et affective. Nous remercions toutes ces Églises locales qui rendent service à l’Afrique, tant dans les domaines spirituel que matériel. En ce qui concerne la réconciliation, la justice et la paix, l’Église en Afrique continuera de compter sur le plaidoyer des responsables de l’Église auprès des riches et puissantes nations dont la politique, les actions ou les omissions causent ou aggravent les misères de l’Afrique. Un lien spécial et historique unit l’Europe à l’Afrique. Voilà pourquoi, il serait temps de renforcer et d’approfondir les relations qui existent déjà entre les deux épiscopats continentaux, le CCEE (le Conseil des Conférences Épiscopales de l’Europe) et le SCEAM (Symposium des Conférences Épiscopales d’Afrique et de Madagascar). Nous accueillons aussi avec joie le lien fraternel qui est en train de naître entre l’Église en Afrique et celle qui est en Amérique.

12. Beaucoup de fils et filles de l’Afrique quittent leurs foyers pour aller chercher refuge dans d’autres continents. La plupart d’entre eux sont à féliciter, puisqu’ils contribuent positivement à la vie de leurs pays d’adoption. D’autres, par contre, luttent pour leur survie. Où qu’ils soient, nous les recommandons à la sollicitude pastorale de l’Église-Famille de Dieu. La parole du Seigneur : « j’étais étranger et vous m’avez accueilli » (Mt 25, 35) n’est pas seulement une parabole concernant la fin du monde mais aussi un devoir à accomplir dès aujourd’hui. L’Église en Afrique rend grâces à Dieu pour ses nombreux fils et filles qui œuvrent comme missionnaires en d’autres continents. Dans ce merveilleux échange, il est important que ceux qui se sont engagés en cette œuvre missionnaire continuent de travailler pour construire des relations chrétiennes transparentes, honnêtes et dignes de chrétiens. Pendant les séances du Synode, l’Église en Afrique s’est laissé interpeler sur l’intérêt à porter sur les personnes d’ascendance africaine vivant dans d’autres continents surtout l’Amérique.

13. À ce point, ce Synode voudrait exprimer sa gratitude envers les nombreux missionnaires, prêtres, religieux et fidèles laïcs qui, venant des autres continents, ont apporté la foi à la plupart des pays de l’Afrique. Beaucoup travaillent encore aujourd’hui avec un zèle et un engagement héroïque. Nous exprimons une gratitude spéciale à ceux qui sont restés avec leur peuple même en temps de guerre ou de crise grave. Certains ont même payé de leur vie leur fidélité.

PARTIE IV

L’ÉGLISE EN AFRIQUE

14. Avec une fierté légitime nous rappelons que le christianisme a été présent en Afrique depuis les origines, en Égypte et en Éthiopie et, par la suite, en d’autres endroits de l’Afrique du Nord. Cette Église ancienne a enrichi l’Église universelle avec de prestigieuses traditions spirituelles, liturgiques et théologiques, d’illustres saints et martyrs, comme le Pape Jean-Paul II l’a relevé dans Ecclesia in Africa (n.31). Les Églises en Égypte et en Éthiopie qui ont survécu à beaucoup d’épreuves et de persécutions méritent une haute considération et une plus étroite collaboration de la part des plus jeunes Églises sur le reste du continent. Cette collaboration est particulièrement importante si on tient compte des milliers de jeunes étudiants qui viennent de la partie subsaharienne du continent pour suivre des études universitaires au Maghreb. Beaucoup d’entre eux sont catholiques et restent toujours attachés à leur foi apportant ainsi un souffle nouveau à l’Église locale qui les héberge. L’Église, qui en ces lieux comme en d’autres, est composée principalement d’étrangers, compte sur la solidarité des Églises sœurs pour envoyer des prêtres Fidei Donum et autres missionnaires.

15. Partout sur le continent, l’Église continuera de cheminer en solidarité avec les peuples africains. Les joies et les soucis, les espoirs et les aspirations des autres sont aussi nôtres (cf. GS, 1). Convaincus que la première contribution spécifique de l’Église aux peuples africains, c’est la proclamation de l’Évangile du Christ, nous nous engageons à poursuivre énergiquement la proclamation de l’Évangile à l’Afrique, car « l’annonce du Christ est le premier et principal facteur de développement », comme le dit le Pape Benoît XVI dans Caritas in veritate (CV, 8). L’engagement pour le développement vient de la conversion du cœur, et celle-ci est fruit de l’accueil de l’Évangile. Dans ce sens, nous acceptons la responsabilité d’être des instruments de réconciliation, de justice et de paix dans nos communautés, qui sont « en ambassade pour le Christ » (2 Co 5, 20) qui est notre paix et notre réconciliation. C’est pourquoi tous les membres de l’Église : clergé, religieux et fidèles laïcs doivent se mobiliser pour œuvrer ensemble à l’unité qui fait la force. Nous sommes interpelés et encouragés par le proverbe africain qui dit: « une armée de fourmis bien organisée peut abattre un éléphant ». Nous ne devons pas avoir peur et encore moins nous laisser décourager par l’immensité des problèmes de notre continent.

16. L’Église en Afrique accueille de tout cœur l’appel lancé dans la Salle du Synode pour une collaboration Sud-Sud. La plupart des problèmes et des pressions qui pèsent sur l’Afrique existent aussi en Asie et en Amérique latine. Nous comprenons que nous avons beaucoup à gagner non seulement à échanger nos impressions mais aussi à cheminer main dans la main. Que le Seigneur nous indique la bonne direction.

17. Le SCEAM est l’institution qui coordonne la solidarité pastorale et organique de la hiérarchie ecclésiastique en Afrique (cf. EIA, 16). Malheureusement cet organisme irremplaçable ne reçoit pas le soutien nécessaire, même de la part des évêques d’Afrique.
Dieu merci, ce Synode constitue une bonne occasion pour montrer l’importance du SCEAM. Il y a lieu de croire que les appels lancés par les Pères synodaux à l’égard du SCEAM ne sont pas tombés dans des oreilles de sourds. Alors que nous nous préparons à rentrer chez nous, nous devons nous engager à donner au SCEAM le peu dont il a besoin pour accomplir sa mission. La COSMAM (Confédération des Conférences des Supérieurs Majeurs de l’Afrique et de Madagascar) a été instituée sur l’initiative du SCEAM et agit en parfaite communion avec lui. Elle évolue graduellement en instrument efficace pour promouvoir au niveau continental une solidarité pastorale organique dans la vie et l’apostolat des religieux et religieuses en Afrique. Ce Synode se réjouit de leur contribution valable à la vie et à la mission de l’Église en Afrique.

18. Au niveau de nos différentes Conférences épiscopales et Assemblées de la Hiérarchie, nous nous interpellons entre évêques à travailler dans l’unité pour donner à nos nations respectives le modèle d’une institution nationale réconciliée, et pour agir en artisans de paix et de réconciliation partout et à chaque fois que nous serons sollicités. Nous félicitons ces évêques qui ont jusqu’à présent joué ce rôle, surtout dans le cadre d’une collaboration œcuménique ou/et interreligieuse, comme cela s’est vu dans des pays comme le Mali, la RD Congo, le Burkina Faso, le Sénégal, le Niger et d’autres encore. L’unité de l’épiscopat est source de grande force, tandis que son absence gaspille les énergies, compromet les efforts et permet aux ennemis de l’Église de neutraliser notre témoignage chrétien. Un domaine important où une telle collaboration et une pareille cohésion nationale sont extrêmement utiles, ce sont les médias et les moyens de communication. Depuis la publication d’Ecclesia in Africa, on enregistre une véritable explosion de stations de radios catholiques en Afrique. Partis d’une quinzaine en 1994 nous en sommes aujourd’hui à 163 réparties dans 32 nations. Nous félicitons ces nations qui ont encouragé un tel développement. Nous en appelons à celles qui ont encore des réserves à ce propos de revoir leur politique pour le bien de leur pays et de leur peuple.

19. Chaque évêque doit inscrire en priorité dans le programme diocésain les questions de réconciliation, de justice et de paix. À tous les niveaux, il doit instituer une Commission justice et paix. Nous devons continuer à œuvrer à la formation des consciences et à la conversion des cœurs par une catéchèse efficace à tous les niveaux. Cette catéchèse doit dépasser le niveau du « simple catéchisme » pour enfants et catéchumènes se préparant aux sacrements. Il s’agit de mettre sur pied des programmes de formation permanente pour tous les fidèles, spécialement ceux qui occupent des postes élevés de responsabilité. Nos diocèses doivent se présenter comme des modèles de bonne gouvernance, de transparence et de bonne gestion financière. Nous devons continuer à lutter contre la pauvreté qui est l’obstacle majeur sur les chemins de la paix et de la réconciliation. Il faut considérer avec attention les propositions concernant les micro-finances. Enfin, en tant que chef de l’Église locale, l’évêque a le devoir de mobiliser tous ses fidèles et de les amener à s’impliquer, chacun à son niveau, dans la planification, l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation de stratégies et de programmes pour la réconciliation, la justice et la paix.

20. Le prêtre est l’indispensable et plus proche collaborateur de l’évêque. En cette Année sacerdotale, chers frères dans le sacerdoce, vous occupez une position clé dans l’apostolat du diocèse. Vous constituez la face la plus visible du clergé tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Église. Votre témoignage de vie pacifique, par delà les frontières tribales et raciales, peut toucher le cœur des autres. Ceci se vérifie par exemple, lorsque vous accueillez chaleureusement celui que le Saint-Siège nomme comme évêque, indépendamment de son lieu de naissance. C’est de vous que dépendra la plus grande partie de la mise en œuvre de la pastorale diocésaine pour la réconciliation, la justice et la paix. Catéchèse, formation de laïcs, accompagnement des responsables haut-placés, rien de tout cela ne pourra se réaliser sans votre plein engagement dans vos paroisses et dans vos postes de responsabilité. Le Synode vous exhorte à ne pas négliger votre devoir en ce domaine. Vous obtiendrez d’autant plus de succès que vous travaillerez sur la base d’un ministère de collaboration, en faisant jouer ensemble tous les paramètres de la communauté paroissiale : religieux, religieuses, catéchistes, laïcs, hommes, femmes et jeunes. Souvent, le prêtre se présente comme l’homme le plus éclairé de la communauté locale et parfois on attendra de lui qu’il prenne en main les affaires de la communauté. Vous devez savoir comment offrir vos services le mieux possible sans parti pris, dans un esprit évangélique et pastoral. Votre fidélité aux engagements sacerdotaux, surtout le célibat dans la chasteté et le détachement de biens matériels, est un témoignage éloquent pour le Peuple de Dieu. Beaucoup d’entre vous ont quitté l’Afrique pour offrir aux autres continents leur service missionnaire. Lorsque vous agissez dans un esprit de total respect et de bon ordre, vous reflétez une bonne image de l’Afrique. Le Synode vous félicite pour votre engagement vis-à-vis de l’impératif missionnaire de l’Église. Puissiez-vous recevoir la récompense promise à tous ceux « qui ont quitté maisons… pour l’amour du Royaume » (Lc 18, 28).

En ces derniers temps, l’Afrique est devenue aussi un terrain fertile pour les vocations religieuses: prêtres, Frères et Sœurs. Nous rendons grâce à Dieu pour cette grande bénédiction. Nous vous félicitons, hommes et femmes de la vie consacrée, pour le témoignage de la vie religieuse, de l’observance des conseils évangéliques de chasteté, pauvreté et d’obéissance qui souvent font de vous des prophètes et des modèles de la réconciliation, de la justice et de la paix, en des circonstances d’extrême tension. Le Synode vous exhorte à donner le maximum d’efficacité à votre apostolat, en communion loyale et engagée avec la hiérarchie locale. Le Synode remercie en particulier les religieuses pour le don d’elles-mêmes et le zèle apostolique dans les domaines de la santé, de l’éducation et du développement humain.

Ce Synode s’adresse avec une profonde affection aux fidèles laïcs africains. Vous êtes l’Église de Dieu dans les lieux publics de notre société. Grâce à vous, la vie et le témoignage de l’Église sont rendus plus visibles au monde. Vous participez donc au mandat que l’Église a reçu d’être « ambassadeur du Christ » travaillant pour la réconciliation entre Dieu et les hommes, et des hommes entre eux. Ceci demande que vous permettiez à la foi chrétienne d’imprégner tous les aspects et toutes les dimensions de votre vie, que ce soit en famille, au travail, dans l’exercice de diverses professions, dans la politique et dans la vie publique. Ce n’est pas une tâche facile. C’est pourquoi vous devez accéder aux moyens de la grâce par la prière et la fréquentation des sacrements. Le texte des Écritures sur le thème du Synode s’adresse à tous les disciples du Christ mais spécialement à vous : « Vous êtes le sel de la terre…Vous êtes la lumière du monde » (Mt 5, 13-14). Nous voudrions rappeler ici la recommandation d’Ecclesia in Africa sur l’importance des Communautés Ecclésiales Vivantes (cf. EIA, 93). En plus de la prière, vous devez aussi vous armer d’une connaissance suffisante de la foi chrétienne pour pouvoir, en toute circonstance « être prêts à la défense contre quiconque vous demande raison de l’espérance qui est en vous » (1 P 3, 15) dans les carre
fours d’idées. Ceux qui, parmi vous, occupent une responsabilité ont un devoir d’acquérir un niveau adéquat de culture religieuse. Nous recommandons en particulier les sources de la foi chrétienne : la Sainte Bible, le Catéchisme de l’Église Catholique et le Compendium de la Doctrine Sociale de l’Église, particulièrement pertinent pour le thème du Synode. Ces ouvrages sont disponibles à un prix abordable. Il n’y a plus d’excuse aujourd’hui pour rester ignorant en matière de foi. À ce propos, Ecclesia in Africa recommande chaleureusement la mise en place d’Universités Catholiques. Nous rendons grâces à Dieu pour le nombre d’institutions de ce genre qui ont vu le jour durant ces quinze dernières années, et pour les nombreuses autres qui sont en cours de fondation. C’est un projet de grande importance, qui requiert un investissement financier considérable. Mais cela est nécessaire, si nous devons investir pour avoir dans le futur un laïcat catholique bien formé, y compris les membres des nouveaux mouvements ecclésiaux, surtout des intellectuels prêts et capables de défendre et de témoigner de la foi dans le monde d’aujourd’hui. Ce domaine nécessite certainement la solidarité universelle de l’Église-Famille de Dieu.

Chers catholiques africains qui œuvrez dans la vie publique, le Synode vous réserve un message très important et tout particulier. Nous louons le courage de beaucoup d’entre vous qui, passant outre les dangers et les insécurités des politiques en Afrique, vous dévouez au service public de votre peuple, pour promouvoir le bien commun et le Royaume de Dieu de justice, d’amour et de paix, dans la ligne des enseignements de l’Église (cf. GS, 75). Vous pouvez toujours compter sur l’encouragement et le soutien de l’Église. Ecclesia in Africa a appelé de ses vœux l’émergence de saints politiciens et chefs d’État en Afrique. Ce n’est en aucun cas un souhait inutile. C’est encourageant d’entendre que la cause de béatification de Julius Nyerere de Tanzanie a déjà été introduite. L’Afrique a besoin de saints dans les hautes sphères politiques, de saints politiciens qui combattent la corruption, travaillent pour le bien du peuple et savent mobiliser les autres hommes et femmes de bonne volonté pour s’allier contre les maux communs qui affligent nos pays. Le Synode a fortement recommandé que les Églises locales intensifient leur apostolat pour l’accompagnement spirituel de ceux qui travaillent au service de l’État, en créant pour eux des aumôneries ; des centres de coordination de qualité pourraient aussi être mis sur pied pour proposer la lumière de l’Évangile aux chambres parlementaires. Nous vous exhortons, vous les fidèles laïcs engagés dans la vie politique, à profiter de ces programmes, là où ils existent. Plusieurs catholiques exerçant de hautes fonctions, y ont malheureusement manquées. Le Synode invite ces gens à se convertir, ou à quitter la scène publique, pour ne pas nuire au peuple ni entacher la réputation de l’Église Catholique.

Nous nous adressons maintenant à nos chères familles catholiques de l’Afrique. Nous vous remercions de rester farouchement fidèles aux idéaux de la famille chrétienne et de maintenir les plus belles valeurs de notre famille africaine. Nous vous invitons à la vigilance contre les idéologies virulentes et nocives venant d’ailleurs et se donnant le nom de culture « moderne ». Continuez à accueillir les enfants comme un don de Dieu et les former à la connaissance et à la crainte de Dieu, à être de futurs agents de la réconciliation, de la justice et de la paix. Nous savons que beaucoup de nos familles vivent sous tension. Souvent la pauvreté rend les parents incapables de bien prendre soin de leurs enfants. Ceci entraîne des conséquences désastreuses. Nous lançons un appel aux gouvernements et aux autorités civiles de se souvenir qu’une nation dont la législation détruit la famille le fait à son propre détriment. Bien des familles ne demandent que le minimum pour la survie. Elles ont droit de vivre.

Le Synode a un mot spécial pour vous, chères femmes catholiques. Vous êtes la colonne vertébrale de notre Église locale. Dans beaucoup de pays, les organisations féminines constituent une grande force pour l’apostolat de l’Église. Ecclesia in Africa recommande que dans l’Église « les femmes puissent être adéquatement formées à intervenir dans les activités apostoliques correspondant à leur charisme» (EIA, 121). En plusieurs endroits on a enregistré des progrès dans ce sens. Mais il reste encore beaucoup à faire. On doit globalement reconnaître et promouvoir la contribution spécifique des femmes, non seulement au foyer comme épouses et mères mais, aussi dans la sphère sociale. Le Synode recommande à nos Églises locales d’aller au-delà des déclarations générales d’Ecclesia in Africa pour mettre sur pied des structures concrètes en vue de réaliser la participation des femmes aux « niveaux appropriés ». À ce propos, le Saint-Siège nous a donné le bon exemple en nommant des femmes à des postes très élevés. Partout en Afrique, on parle abondamment des droits des femmes surtout dans les plans d’action de certaines agences des Nations-Unies. La plupart de ce qu’elles disent est juste et conforme aux déclarations de l’Église. Mais, il faut être prudent envers les projets concrets qu’elles conçoivent, souvent avec des intentions cachées. Femmes catholiques, nous vous invitons à vous impliquer pleinement dans les programmes de vos pays concernant les femmes, avec toute la vigilance de votre foi. Munies d’informations valables et formées à la Doctrine Sociale de l’Église, assurez-vous de ne pas vous laisser prendre en otage par les promoteurs d’idéologies étrangères et moralement empoisonnées à propos du « genre » et de la sexualité humaine. Que Marie, notre Mère, Siège de la Sagesse, vous assiste dans cette entreprise.

Pareillement, le Synode vous interpelle, vous les hommes catholiques, pour que vous assumiez vos rôles importants de pères responsables, de bons et fidèles époux. Suivez l’exemple de saint Joseph (cf. Mt 2, 13-23) dans le soin que vous prenez de vos familles dans l’éducation de vos enfants et dans la protection de la vie dès le moment de sa conception. Organisez-vous en Associations et en Groupes d’Action Catholique qui vous aident à améliorer la qualité de votre vie chrétienne et votre engagement dans l’Église. Cela va vous mettre en bonne position pour assumer des rôles de responsables dans la société et pour devenir des témoins plus efficaces et des promoteurs de la réconciliation, de la justice et de la paix, en tant que sel de la terre et lumière du monde.

27. Finalement, nous nous adressons à vous, nos fils et filles, la jeunesse de nos communautés. Vous n’êtes pas seulement le futur de l’Église : vous êtes déjà là nombreux avec nous. Dans plusieurs pays africains, plus de 60% de la population a moins de 25 ans. Le pourcentage n’est pas très différent dans l’Église. Vous devriez être à l’avant-garde du changement positif de la société et vous constituer instruments de paix. Nous sentons la nécessité d’être particulièrement attentifs à vous, jeunes adultes. Vous êtes souvent négligés, laissés pour compte et exposés comme cible à toutes sortes d’idéologies et de sectes. Vous êtes souvent ceux qu’on recrute et qu’on utilise pour des actes de violence. Nous invitons ardemment toutes les Églises locales à vous réserver une place de choix dans leur apostolat.

Jésus a dit: «Laissez venir à moi les petits enfants, […] car le Royaume des cieux est à ceux qui leur ressemblent » (Mt 19, 14). Chers enfants, le Synode ne vous a pas oubliés. Vous demeurez l’objet de nos soins et de notre attention. Nous reconnaissons que votre enthousiasme et v
otre efficacité peuvent faire de vous de dynamiques agents de l’évangélisation, spécialement au milieu de vos camarades. L’espace nécessaire, les facilités et l’encadrement pour organiser votre apostolat vous seront assurés. Nous vous recommandons spécialement l’organisation pour enfants des Œuvres Pontificales Missionnaires : la Sainte-Enfance Missionnaire.

PARTIE V

APPEL À LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE

La famille de Dieu dépasse des frontières visibles de l’Église pour inclure l’humanité toute entière. Les problèmes de la réconciliation, de la justice et de la paix, nous amènent à nous retrouver au niveau plus profond de notre humanité commune. Ces questions concernent tout le monde et requièrent une action commune. Nous en appelons donc à tous les hommes et toutes les femmes de bonne volonté, en particulier à tous ceux qui professent la même foi en Jésus-Christ et aussi à ceux qui en professent d’autres.

En général, pour ce qui est du développement, de la paix, de la défense des droits des femmes et des enfants, les agences de l’ONU font un bon travail en Afrique. Elles luttent contre la pauvreté et les maladies : VIH/SIDA, paludisme, tuberculose et autres problèmes. Le Synode apprécie le bon travail qu’elles accomplissent. Cependant, nous les encourageons à être plus cohérentes et transparentes dans la mise en œuvre de leur programme. Nous exhortons tous les pays africains à examiner attentivement les services offerts à nos peuples et à vérifier s’ils sont réellement bons pour nous. Le Synode dénonce, en particulier, les tentatives sournoises de détruire et de miner les précieuses valeurs africaines de la famille et de la vie humaine (exemple : le pénible art. 14 du protocole de Maputo et les propositions similaires).

L’Église est sans pareille dans la lutte contre le VIH/SIDA et dans les soins apportés à ceux qui en sont infectés et affectés en Afrique. Le Synode remercie tous ceux qui s’impliquent généreusement dans ce difficile apostolat d’amour et de compassion. Nous demandons qu’un soutien constant soit accordé à ceux qui sont dans le besoin (cf. EIA, 31). Avec le Pape Benoît XVI, ce Synode met en garde solennellement contre l’illusion que ce problème pourrait se résoudre par la distribution de prophylactiques. Nous en appelons à la conscience de ceux qui se préoccupent vraiment d’arrêter la transmission du VIH/SIDA par voie sexuelle : qu’ils reconnaissent les succès déjà obtenus par les programmes qui proposent l’abstinence pour les personnes non-mariées et la fidélité pour les couples mariés. Une telle ligne d’action procure non seulement une meilleure protection contre l’expansion du mal, mais aussi se situe en harmonie avec la morale chrétienne. Nous nous adressons particulièrement à vous les jeunes, que personne ne vous égare en vous faisant croire que vous ne pouvez pas vous maîtriser. Oui ! Vous le pouvez par la grâce de Dieu.

Aux grandes puissances de ce monde, nous disons: traitez l’Afrique avec respect et égard pour sa dignité. L’Afrique a longtemps réclamé un changement de l’ordre économique mondial, dont les structures injustes pèsent lourdement sur elle. Les récents désordres dans le monde financier attestent qu’il est temps d’opérer des changements radicaux dans les règles du jeu. Mais ce serait une autre tragédie si ces réajustements devaient servir les intérêts des riches au détriment de ceux des pauvres. La plupart des conflits, des guerres et des situations de pauvreté en Afrique proviennent essentiellement de ces structures injustes.

L’humanité gagnerait beaucoup à écouter les sages conseils de notre Saint-Père le Pape Benoît XVI, prodigués dans Caritas in veritate. Un nouvel ordre mondial plus juste n’est pas seulement possible, mais nécessaire pour le bien de toute l’humanité. Un changement doit intervenir en ce qui concerne le poids de la dette pesant sur les nations pauvres, et entraînant littéralement la mort pour leurs enfants. Les multinationales doivent arrêter la dévastation criminelle de l’environnement dans leur vorace exploitation des ressources naturelles. Fomenter des guerres pour obtenir des gains rapides à partir du chaos est une politique à courte vue, qui de plus coûte cher en vies humaines et en sang répandu. N’y aurait-il personne qui soit capable et désireux d’arrêter ces crimes contre l’humanité?

PARTIE VI

On dit que le berceau de l’humanité se trouve quelque part en Afrique. Notre continent a une longue histoire de grands empires et de brillantes civilisations. Le futur du Continent est encore à écrire. Dieu nous a comblé de ressources humaines et naturelles considérables. Les indices internationaux pour mesurer le niveau du développement relèguent souvent les pays d’Afrique au dernier rang, mais ce n’est pas une raison pour désespérer. Dans le passé il y a eu de graves actes d’injustice comme la traite des esclaves et la colonisation dont les séquelles demeurent encore en nous. Mais celles-ci ne devraient pas être un prétexte pour ne pas aller de l’avant. Beaucoup se fait actuellement. Nous saluons les efforts fournis pour libérer l’Afrique de l’aliénation et de l’esclavage politique. Maintenant l’Afrique doit affronter ce défi : procurer à ses enfants un niveau de vie et des conditions convenables d’existence. Au niveau politique, on enregistre du progrès dans l’intégration continentale : l’Organisation pour l’Unité Africaine (OUA) est devenue l’Union Africaine (UA). L’Union Africaine et les autres regroupements régionaux, parfois en collaboration avec l’ONU, ont pris des initiatives pour régler des conflits et maintenir la paix en maintes situations de crise. Sur le front économique, l’Afrique a essayé d’élaborer un plan stratégique pour le développement, appelé NEPAD (Nouveau Partenariat Économique pour le Développement de l’Afrique). Elle a même mis sur pied une structure appelée MAEP (le Mécanisme Africain d’Évaluation par les Pairs) pour surveiller et mesurer le niveau d’application qu’en font les nations. Le Synode encourage tous ces efforts, car ces structures établissent un lien évident entre l’émancipation économique de l’Afrique et la bonne gouvernance. Malheureusement, le nœud du problème, c’est que pour la plupart des nations africaines, ces splendides documents du NEPAD ne sont encore que lettre morte. Nous espérons cependant un certain progrès de la bonne gouvernance en Afrique.

Le Synode félicite chaleureusement les quelques pays Africains qui ont pris le chemin d’une authentique démocratie. Ils expérimentent déjà la récompense dont jouissent ceux qui ont pris à cœur de bien faire les choses. Certains sont sortis de plusieurs années de guerre et de conflit pour se mettre à reconstruire progressivement leur nation divisée. Nous espérons que leurs exemples inciteront les autres à changer leurs mauvaises habitudes.

Le Synode est triste de constater la honte que constitue la situation qui prévaut dans plus d’un pays africain. Nous pensons en particulier au cas lamentable de la Somalie empêtrée dans de violents conflits depuis près de deux décennies, avec des conséquences sur les nations avoisinantes. Nous n’oublions pas non plus la tragédie des millions de personnes dans la région des Grands Lacs et l’interminable crise au nord de l’Ouganda, au sud Soudan, au Darfour, en Guinée Conakry, et en d’autres endroits. Les gouvernants de ces nations doivent assumer la pleine responsabilité de leurs résultats affligeants. Dans la plupart des cas, c’est la soif du pouvoir et des richesses qui joue aux dépens du peuple et de la nation. Quel que soit le niveau de responsabilité attribuable aux intérêts étrangers, on ne peut nier une honteuse et tragique complicité des leaders locaux : des politici
ens qui trahissent et mettent leurs nations aux enchères, des hommes d’affaires éhontés qui se coalisent avec les multinationales voraces, des africains vendeurs et trafiquants d’armes qui spéculent sur les armes légères, cause de la destruction de vies humaines, des agents locaux d’organisations internationales qui se font payer pour diffuser des idéologies nocives auxquelles ils n’adhérent pas eux-mêmes.

Les conséquences néfastes de toutes ces menées sont là au vu et su de tous : pauvreté, misère et maladie, des refugiés à l’intérieur, à l’extérieur du pays et outre-mer, recherche d’une meilleure vie qui conduit à la fuite des cerveaux, à la migration clandestine, aux trafics d’hommes, guerres, effusion de sang -souvent par personnes interposées-, atrocité d’enfants-soldats et l’indicible violence faite aux femmes. Comment peut-on être fier de régner sur un tel chaos ? Qu’est devenue la pudeur traditionnelle africaine ? Ce Synode le proclame haut et fort : le temps est venu de changer des habitudes par amour pour les générations présentes et futures.

PARTIE VII

METTONS ENSEMBLE NOS RESSOURCES SPIRITUELLES

Nous voulons rappeler ce que le Pape Benoît XVI a dit lors de la messe inaugurale de ce Synode, à savoir que l’Afrique est « le poumon spirituel » de l’humanité aujourd’hui. C’est là une ressource plus précieuse et de plus grande valeur que les produits miniers et l’or noir. Mais le Pape nous avertit que le poumon en question court le risque d’être infecté par le double virus du matérialisme et du fanatisme religieux. Déterminé à préserver son patrimoine spirituel contre toute agression et contagion, le Synode en appelle à une collaboration œcuménique plus intense avec les frères et sœurs des autres traditions chrétiennes. Nous espérons aussi plus de dialogue et de coopération avec les musulmans, les adeptes de la Religion Traditionnelle Africaine (RTA) et ceux d’autres croyances.

Le fanatisme religieux est en train de se répandre dans le monde entier, causant des dégâts en maints endroits de l’Afrique. Dans culture religieuse traditionnelle, nous, les africains, avons un sens profond du Dieu Créateur. Ce sens de Dieu accompagne l’Africain dans sa conversion tant au Christianisme qu’à l’Islam. Quand cette ferveur religieuse en vient à être mal orientée par les fanatiques ou manipulée par les politiciens, des conflits surgissent et menacent d’engloutir tout le monde. Toutefois, quand les religions reçoivent une orientation et un leadership appropriés, elles constituent une grande force pour le bien, spécialement pour la paix et la réconciliation.

L’Assemblée a écouté beaucoup de Pères synodaux témoigner de leur succès sur les chemins du dialogue avec les musulmans. Ils ont attesté que ce dialogue fonctionne et que la collaboration est possible et souvent efficace. La réconciliation, la justice et la paix constituent en général la préoccupation des communautés entières quelles que soient les croyances. En se basant sur les nombreuses valeurs qu’ils ont en commun, chrétiens et musulmans peuvent œuvrer ensemble pour bâtir dans nos pays le règne de la paix et de la réconciliation. Ceci s’est déjà produit à plusieurs reprises. Le Synode encourage ces efforts et les donne en exemple pour d’autres.

Dialogue et collaboration réussiront dans un contexte de respect mutuel. Nous, les Évêques catholiques, nous disposons d’orientations claires pour le dialogue interreligieux. Tout en tenant ferme notre foi, nous laissons aux autres la liberté de choix. Le Synode a accueilli la bonne nouvelle de communautés musulmanes qui accordent à l’Église la liberté de culte. Elles s’ouvrent joyeusement et jouissent des œuvres sociales de l’Église. Tout en encourageant cela, nous insistons pour dire que ce n’est pas assez. La liberté de religion inclut aussi la liberté de partager sa foi, de la proposer et non de l’imposer, d’accepter et d’accueillir des convertis. Les nations qui, de par la loi, interdisent à leurs citoyens d’embrasser la foi chrétienne les privent de leur droit humain fondamental de choisir librement leur foi. Cela n’a que trop longtemps duré, et il est temps de revoir la situation sous l’angle du respect pour les droits fondamentaux de l’homme. Ce Synode prévient qu’une telle restriction des libertés empêche le dialogue sincère et contrarie une authentique collaboration. Puisque des chrétiens qui décident de changer de religion sont accueillis dans les rangs des musulmans, il doit y avoir réciprocité en cette matière. La bonne direction à prendre c’est le respect mutuel. Dans le monde d’aujourd’hui, il faut donner à chaque croyance l’occasion de contribuer pleinement au bien de l’humanité.

CONCLUSION

Chers frères dans l’Épiscopat, chers fils et filles de l’Église-Famille de Dieu en Afrique, vous tous, hommes et femmes de bonne volonté en Afrique et au-delà, nous partageons avec vous la solide conviction de ce Synode: l’Afrique n’est pas désespérée. Notre destinée est encore en nos mains. Tout ce qu’elle demande, c’est de disposer de l’espace pour respirer et s’épanouir. L’Afrique est en marche, et l’Église chemine avec elle en lui procurant la lumière de l’Évangile. La mer a beau être houleuse, mais, si nous gardons les yeux fixés sur le Seigneur Jésus, nous parviendrons sains et saufs au port de la réconciliation, de la justice et de la paix (cf. Mt 14, 28-32).

Ce message ainsi que notre fervent engagement, nous les confions à la maternelle intercession de Marie notre très Sainte Mère, la Reine de la Paix , Notre Dame d’Afrique.

Afrique, lève-toi, prends ton grabat et marche ! (Jn 5, 8)

« Du reste mes frères, soyez dans la joie,

rendez-vous parfaits, consolez-vous,

ayez un même sentiment,

vivez en paix, et le Dieu d’amour

et de paix sera avec vous » (2 Co 13, 11).

Amen

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ZENIT Staff

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