Messe de clôture du Synode pour l’Afrique : Homélie de Benoît XVI

Dimanche 25 octobre, dans la Basilique Saint-Pierre

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ROME, Lundi 26 octobre 2009 (ZENIT.org) – Nous publions, ci-dessous le texte intégral de l’homélie que le pape Benoît XVI a prononcée dimanche 25 octobre, au cours de la messe de clôture de la deuxième Assemblée pour l’Afrique du Synode des évêques, qui s’est déroulée au Vatican du 4 au 25 octobre 2009.

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Vénérés frères!

Chers frères et sœurs!

Voici un message d’espérance pour l’Afrique: nous venons de l’écouter de la Parole de Dieu. C’est le message que le Seigneur de l’histoire ne se lasse pas de renouveler pour l’humanité opprimée et écrasée, de toute époque et de toute terre, depuis qu’il révéla à Moïse sa volonté concernant les Israélites esclaves en Égypte: « J’ai vu, oui, j’ai vu la misère de mon peuple (…) et j’ai entendu ses cris (…) je connais ses souffrances. Je suis descendu pour le délivrer (…) et le faire monter de cette terre vers une terre plantureuse et vaste, vers une terre qui ruisselle de lait et de miel » (Ex 3, 7-8). Quelle est cette terre? Ne s’agit-il pas du Royaume de la réconciliation, de la justice et de la paix, auquel l’humanité entière est appelée? Le dessein de Dieu ne change pas. Il est le même que celui proclamé par Jérémie, dans les magnifiques oracles appelés « Livre de la consolation », dont est tirée la première lecture d’aujourd’hui. Il s’agit d’une annonce d’espérance pour le peuple d’Israël, prostré par l’invasion de l’armée de Nabuchodonosor, par la dévastation de Jérusalem et du Temple, et par la déportation à Babylone. Un message de joie pour le « reste » des enfants de Jacob, qui leur annonce un avenir, car le Seigneur les reconduira dans leur terre, à travers une route droite et facile. Les personnes qui ont besoin de soutien, comme l’aveugle et le boiteux, la femme enceinte et la jeune accouchée, font l’expérience de la force et la tendresse du Seigneur: Il est un Père pour Israël, prêt à s’en occuper comme son fils aîné (cf. Jr 31, 7-9).

Le dessein de Dieu ne change pas. À travers les siècles et les bouleversements de l’histoire, Il a toujours le même objectif: le Royaume de la liberté et de la paix pour tous. Et ceci implique sa prédilection pour ceux qui sont privés de liberté et de paix, pour ceux qui sont violés dans leur dignité de personnes humaines. Nous pensons, en particulier, aux frères et aux sœurs qui, en Afrique, souffrent de la pauvreté, des maladies, des injustices, des guerres et des violences, des migrations forcées. Ces fils préférés du Père céleste sont comme l’aveugle de l’Évangile, Bartimée, qui « était assis au bord de la route » (Mc 10, 46), aux portes de Jéricho. C’est sur cette même route que passe Jésus de Nazareth. C’est la route qui conduit à Jérusalem, où se consommera la Pâques, sa Pâques sacrificielle, vers laquelle le Messie s’avance pour nous. C’est la route de son exode qui est aussi le nôtre: l’unique route qui conduit à la terre de la réconciliation, de la justice et de la paix. Sur cette route, le Seigneur rencontre Bartimée qui a perdu la vue. Leurs routes se croisent, deviennent une seule route. « Fils de David, aie pitié de moi! », crie l’aveugle avec confiance. Et Jésus lui dit: « Appelez-le », et il ajoute: « Que veux-tu que je fasse pour toi? ». Dieu est lumière et créateur de la lumière. L’homme est fils de la lumière, fait pour voir la lumière, mais il a perdu la vue, et se trouve obligé de mendier. À côté de lui, passe le Seigneur qui s’est fait mendiant pour nous: assoiffé de notre foi et de notre amour. « Que veux-tu que je fasse pour toi? ». Dieu le sait, mais il le demande; il veut que ce soit l’homme qui parle. Il veut que l’homme se lève, qu’il retrouve le courage de demander ce qui lui revient du fait de sa dignité. Le Père veut entendre de vive voix son fils exprimer sa libre volonté de voir à nouveau la lumière, cette lumière pour laquelle il l’a créé. « Rabbouni, que je voie ». Et Jésus lui dit: « Va, ta foi t’a sauvé. Aussitôt l’homme se mit à voir, et il suivait Jésus sur la route » (Mc 10, 51-52).

Chers frères, rendons grâce parce que cette « mystérieuse rencontre entre notre pauvreté et la grandeur » de Dieu s’est également réalisée au cours de l’Assemblée synodale pour l’Afrique qui se conclut aujourd’hui. Dieu a renouvelé son appel: « Confiance, lève-toi… » (Mc 10, 49). Et voici que l’Église qui est en Afrique elle aussi, au travers de ses Pasteurs, venus de tous les Pays du Continent, de Madagascar et des autres îles, a accueilli le message d’espérance et la lumière pour cheminer sur la voie qui conduit au Royaume de Dieu. « Va, ta foi t’a sauvé » (Mc 10, 52). Oui, la foi en Jésus Christ – lorsqu’elle est bien intense et bien pratiquée – guide les hommes et les peuples à la liberté dans la vérité ou, pour reprendre les trois mots du thème du Synode, à la réconciliation, à la justice et à la paix. Bartimée qui, une fois guéri, suit Jésus sur la route, est une image de l’humanité qui, éclairée par la foi, se met en chemin vers la terre promise. Bartimée devient à son tour témoin de la lumière, en racontant et en démontrant par sa vie d’avoir été guéri, renouvelé, régénéré. Telle est l’Église dans le monde: une communauté de personnes réconciliées, opératrices de justice et de paix; « sel et lumière » au milieu de la société des hommes et des nations. C’est pourquoi le Synode a réaffirmé avec force – et a manifesté – que l’Église est Famille de Dieu au sein de laquelle ne peuvent subsister de divisions ethniques, linguistiques ou culturelles. Des témoignages émouvants nous ont montré qu’aux heures les plus sombres de l’histoire humaine, l’Esprit Saint est à l’œuvre et transforme les cœurs des victimes et des persécuteurs afin qu’ils se reconnaissent frères. L’Église réconciliée est un puissant levain de réconciliation dans les différents pays et sur tout le Continent africain.

La Deuxième Lecture nous offre une autre perspective: l’Église, communauté qui suit le Christ sur le chemin de l’amour, a une forme sacerdotale. La catégorie du sacerdoce, comme clef d’interprétation du mystère du Christ et, par conséquent, de l’Église, a été introduite dans le Nouveau Testament par l’Auteur de la Lettre aux Hébreux. Son intuition a pour origine le Psaume 110, cité aujourd’hui, là où le Seigneur Dieu, par un serment solennel, assure au Messie: « Tu es prêtre à jamais selon l’ordre du roi Melkisédek » (v. 4). Une référence qui en rappelle une autre, extraite du Psaume 2, dans lequel le Messie annonce le décret du Seigneur qui dit de lui: « Tu es mon fils ; moi, aujourd’hui, je t’ai engendré » (v. 7). De ces textes, dérive l’attribution à Jésus Christ du caractère sacerdotal, non pas dans un sens générique mais « selon l’ordre du roi Melkisédek », c’est-à-dire le sacerdoce le plus haut et éternel, d’origine non pas humaine mais divine. Si tout grand prêtre « est toujours pris parmi les hommes, et chargé d’intervenir en faveur des hommes dans leurs relations avec Dieu » (He 5, 1), Lui seul, le Christ, le Fils de Dieu, possède un sacerdoce qui s’identifie avec sa Personne même, un sacerdoce singulier et transcendant, dont dépend le salut universel. Son sacerdoce, le Christ l’a transmis à l’Église par l’intermédiaire de l’Esprit Saint; c’est pourquoi l’Église a en elle-même, dans chacun de ses membres, en raison du Baptême, un caractère sacerdotal. Mais – et c’est un ici un aspect décisif le sacerdoce de Jésus Christ n’est plus avant tout rituel mais bien existentiel. La dimension du rite n’est pas abolie mais, comme cela apparaît clairement dans l’institution de l’Eucharistie, elle tire sa signification du Mystère pascal qui porte à leur achèvement les sacrifices antiques et les dépasse. Naissent ainsi, de manière simultanée, un nouveau sacrifice, un nouveau sacerdoce et également un nouveau temple, et tous trois coïncident avec le Mystère de Jésus Christ. Unie à Lui par les Sacrements, l’Église prolong
e son action salvifique en permettant aux hommes d’être guéris par la foi, comme l’aveugle Bartimée. Ainsi, la Communauté ecclésiale, sur les traces de son Maître et Seigneur, est appelée à parcourir de manière décidée la route du service, à partager jusqu’au bout la condition des hommes et des femmes de son temps, afin de témoigner à tous de l’amour de Dieu et de semer ainsi l’espérance.

Chers amis, ce message de salut l’Église le transmet en conjuguant toujours l’évangélisation et la promotion humaine. Prenons par exemple l’Encyclique historique « Populorum Progressio »: ce que le Serviteur de Dieu Paul VI élabora en termes de réflexions, les missionnaires l’ont réalisé et continuent de le réaliser sur le terrain, en promouvant un développement respectueux des cultures locales et de l’environnement, selon une logique qui maintenant, depuis plus de 40 ans, apparaît être la seule en mesure de faire sortir les peuples africains de l’esclavage de la faim et des maladies. Cela signifie transmettre l’annonce d’espérance selon une « forme sacerdotale », c’est-à-dire en vivant en première personne l’Évangile, en cherchant à le traduire en projets et en réalisations en cohérence avec le principe dynamique fondamental qu’est l’amour. Durant ces trois semaines, la Deuxième Assemblée Spéciale pour l’Afrique du Synode des Évêques a confirmé ce que mon vénéré prédécesseur Jean-Paul II avait déjà bien mis en évidence, et que j’ai voulu moi-même approfondir dans la dernière Encyclique « Caritas in Veritate »: qu’il faut renouveler le modèle de développement mondial, de manière à ce qu’il soit capable « d’intégrer tous les peuples et non seulement ceux qui étaient en mesure d’y prendre part » (n. 39). Ce que la doctrine sociale de l’Église a toujours soutenu à partir de sa vision de l’homme et de la société, la mondialisation le réclame à son tour aujourd’hui (cf. ibid). Celle-ci – rappelons-le – ne doit pas être comprise de manière fataliste comme si ses dynamiques étaient produites par des forces anonymes impersonnelles et indépendantes de la volonté humaine. La mondialisation est une réalité humaine et en tant que telle, elle peut être modifiée selon une configuration culturelle ou une autre. L’Église travaille par sa conception personnaliste et communautaire, pour orienter ce processus en termes de relation, de fraternité et de partage (cf. ibid, n. 42).

« Confiance, lève-toi… ». C’est ainsi qu’aujourd’hui le Seigneur de la vie et de l’espérance s’adresse à l’Église et aux populations africaines, au terme de ces semaines de réflexion synodale. Lève-toi, Église en Afrique, famille de Dieu, parce que le Père céleste t’appelle, Lui que tes ancêtres invoquaient comme Créateur, avant d’en connaître la proximité miséricordieuse, révélée dans son Fils unique, Jésus Christ. Entreprends le chemin d’une nouvelle évangélisation avec le courage qui te vient de l’Esprit Saint. L’action d’évangélisation urgente, dont on a beaucoup parlé ces jours-ci, comporte également un appel pressant à la réconciliation, condition indispensable pour instaurer en Afrique des rapports de justice entre les hommes et pour construire une paix équitable et durable dans le respect de chaque individu et de tous les peuples; une paix qui a besoin et s’ouvre à l’apport de toutes les personnes de bonne volonté au-delà des appartenances religieuses, ethniques, linguistiques, culturelles et sociales respectives. Dans cette mission de grande importance, toi, Église pèlerine dans l’Afrique du troisième millénaire, tu n’es pas seule. Toute l’Église catholique t’est proche par la prière et la solidarité active, et du Ciel t’accompagnent les saints et les saintes africaines, qui, par leur vie et parfois par leur martyre, ont témoigné leur pleine fidélité au Christ.

Confiance! Lève-toi, continent africain, terre qui a accueilli le Sauveur du monde quand, enfant, il dut se réfugier avec Joseph et Marie en Égypte pour avoir la vie sauve de la persécution du roi Hérode. Accueille avec un enthousiasme nouveau l’annonce de l’Évangile afin que le visage du Christ puisse éclairer par sa splendeur la multiplicité des cultures et des langages de tes populations. Alors qu’elle offre le pain de la Parole et de l’Eucharistie, l’Église s’engage aussi à agir, par tous les moyens dont elle dispose, afin que ne manque à aucun africain son pain quotidien. C’est pour cela, avec l’action de première urgence de l’évangélisation, que les chrétiens sont actifs dans les interventions de promotion humaine.

Chers Pères synodaux, au terme de mes réflexions, je souhaite vous adresser mes plus cordiales salutations, en vous remerciant pour votre participation édifiante. En rentrant chez vous, Pasteurs de l’Église en Afrique, portez ma bénédiction à vos communautés. Transmettez à tous l’appel à la réconciliation, à la justice et à la paix qui a souvent résonné au cours de ce Synode. Tandis que se clôt cette Assemblée synodale, je ne peux que renouveler ma vive reconnaissance au Secrétaire général du Synode des Évêques et à tous ses collaborateurs. J’exprime une pensée emplie de reconnaissance aux chœurs de la communauté nigériane de Rome et du Collège Éthiopien, qui contribuent à l’animation de cette liturgie. Et enfin, j’aimerais remercier ceux qui ont accompagné les travaux synodaux par leur prière. Que la Vierge Marie vous récompense tous et chacun d’entre vous, et obtienne que l’Église en Afrique croisse en chaque partie de ce grand continent, diffusant partout le « sel » et la « lumière » de l’Évangile.

[Texte original: italien]

Traduction non officielle distribuée par la secrétairerie générale du Synode
© Copyright 2009 : Librairie Editrice du Vatican

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ZENIT Staff

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