Réflexion du card. Bertone sur l’encyclique sociale «Caritas in veritate» (3)

Print Friendly, PDF & Email

Le principe du don en économie

Share this Entry
Print Friendly, PDF & Email

ROME, Mercredi 26 août 2009 (ZENIT.org) – « La proposition de l’encyclique n’est ni à caractère idéologique, ni uniquement réservée à ceux qui partagent la foi dans la Révélation divine, mais se fonde sur des réalités anthropologiques fondamentales, comme le sont précisément la vérité et la charité entendues au sens droit, ou, comme le dit l’encyclique elle-même, données à l’homme et reçues par lui, et non pas produites par lui de façon arbitraire », déclare le cardinal secrétaire d’Etat Tarcisio Bertone, lors d’une rencontre au Sénat de la République italienne.

Le texte intégral a été publié en français par L’Osservatore Romano en français du 4 août, sous le titre : « Efficacité et justice ne suffisent pas : pour être heureux, le don est nécessaire ». Nous le publions en quatre volets. Les deux premiers volets ont été publiés le 24 et le 25 août 2009. Dans ce troisième volet, le cardinal Bertone évoque « le principe du don en économie ».

Le cardinal Bertone a en effet prononcé ce discours dans la salle du chapitre de la bibliothèque du sénat de la République italienne, le mardi 28 juillet 2009 au matin, à propos de l’enseignement de l’encyclique de Benoît XVI, « Caritas in veritate ».

« Pour être heureux, le don est nécessaire »,

par le card. Tarcisio Bertone

(…)

3. Le principe du don en économie

Venons-en alors au principe du don en économie. Que signifie, concrètement, l’accueil de la perspective de la gratuité dans l’action économique? Le Pape Benoît XVI répond que le marché et la politique ont besoin « de personnes ouvertes au don réciproque » (Caritas in veritate, nn. 35-39). La conséquence lorsque l’on reconnaît au principe de gratuité une place de premier plan dans la vie économique est liée à la diffusion de la culture et de la pratique de la réciprocité. Avec la démocratie, la réciprocité – définie par Benoît XVI comme « l’intime constitution de l’être humain » (Caritas in veritate, n. 57) – est la valeur fondatrice d’une société. On pourrait même soutenir que c’est de la réciprocité que la règle démocratique tire son sens ultime.

Dans quels « lieux » la réciprocité est-elle présente, c’est-à-dire pratiquée et nourrie? La famille est le premier de ces lieux: il suffit de penser aux rapports entres parents et enfants et entre frères et soeurs. Autour de la famille se développe le rapport de don typique de la fraternité. Il y a également la coopérative, l’entreprise sociale et les diverses formes d’associations. N’est-il pas vrai que les rapports entre les membres d’une famille ou entre les associés d’une coopérative sont des rapports de réciprocité? Nous savons aujourd’hui que le progrès civil et économique d’un pays dépend de façon fondamentale du degré de diffusion des pratiques de réciprocité parmi ses citoyens. Il existe aujourd’hui un immense besoin de coopération: voilà pourquoi nous avons besoin d’étendre les formes de gratuité et de renforcer celles qui existent déjà. Les sociétés qui extirpent de leur terrain les racines de l’arbre de la réciprocité sont destinées au déclin, comme nous l’enseigne depuis longtemps l’histoire.

Quelle est la fonction propre du don? Celle de faire comprendre qu’à côté des biens de justice, il existe des biens de gratuité et donc qu’une société dans laquelle on se contente des seuls biens de justice n’est pas authentiquement humaine. Le Pape parle de la « stupéfiante expérience du don" (n. 34).

Quelle est la différence? Les biens de justice sont ceux qui naissent d’un devoir; les biens de gratuité sont ceux qui naissent d’une obbligatio. C’est-à-dire, ce sont des biens qui naissent de la reconnaissance que je suis lié à un autre qui, dans un certain sens, est une partie constitutive de mon être. Voilà pourquoi la logique de la gratuité ne peut être réduite de façon simpliste à une dimension purement éthique; en effet, la gratuité n’est pas une vertu éthique. La justice, comme Platon l’enseignait déjà, est une vertu éthique, et nous sommes tous d’accord sur l’importance de la justice, mais la gratuité concerne plutôt la dimension supra-éthique de l’action humaine, car sa logique est la surabondance, tandis que la logique de la justice est la logique de l’équivalence. Donc, Caritas in veritate nous dit que pour bien fonctionner et progresser, une société a besoin qu’au sein de la pratique économique figurent des sujets qui comprennent ce que sont les biens de gratuité, que l’on comprenne, en d’autres termes, que nous avons besoin de faire refluer le principe de la gratuité dans les circuits de notre société.

Benoît XVI invite à restituer le principe du don à la sphère publique. Le don authentique, en affirmant le primat de la relation sur son exonération, du lien entre sujets sur le bien donné, de l’identité personnelle sur l’utile, doit pouvoir trouver un espace d’expression partout, dans tous les domaines de l’action humaine, y compris l’économie. Le message que Caritas in veritate nous laisse est celui de penser la gratuité, et donc la fraternité, comme marque de la condition humaine et donc de voir dans l’exercice du don le présupposé indispensable afin qu’Etat et marché puissent fonctionner, en ayant pour objectif le bien commun. Sans des pratiques élargies du don, il sera bien sûr possible d’avoir un marché efficace et un Etat doté d’autorité (et même juste), mais ce faisant, l’on n’aidera certainement pas les personnes à trouver la joie de vivre. Car efficacité et justice, même si elles sont liées, ne suffisent pas à assurer le bonheur des personnes.

4. Sur les causes lointaines de la crise financière

(à suivre)

Share this Entry

ZENIT Staff

FAIRE UN DON

Si cet article vous a plu, vous pouvez soutenir ZENIT grâce à un don ponctuel