Vietnam : A propos de l’Affaire de la paroisse de Tam Toa

La « loi sur le terrain est en train d’être amendée »

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ROME, Jeudi 20 août 2009 (ZENIT.org) – La « loi sur le terrain est en train d’être amendée », indiquent les évêques du Vietnam à propos de l’Affaire de la paroisse de Tam Toa.

La rédaction d’Eglises d’Asie, l’agence des Missiosn étrangères de Paris, a traduit ce texte mis en ligne le 12 août 2009 sur le site officiel de la Conférence épiscopale du Vietnam (1). Bien qu’il ne comporte pas de signature, il semble bien refléter l’opinion des évêques du Vietnam. Même si les événements de Tam Toa ne constituent pas le sujet central de cette réflexion, ils en sont sans aucun doute l’occasion et le point de départ. Il est clairement fait allusion à cette nouvelle affaire, qui a éclaté le 20 juillet dernier dans la paroisse de Tam Toa, à Dông Hoi, dans le diocèse de Vinh, et qui s’est ensuite poursuivie et envenimée dans les jours qui ont suivi, à la suite d’arrestations de fidèles et de brutalités policières commises en particulier contre deux prêtres.

En réalité, comme l’avaient déjà fait les évêques dans leur texte publié en septembre 2008 après l’affaire de la Délégation apostolique, intitulé « Point de vue de la Conférence épiscopale sur un certain nombre de problèmes posés par la situation actuelle » (2), cette réflexion sur le règlement des conflits prend de la hauteur et va au-delà des conflits de terrains opposant les communautés catholiques aux autorités locales ou centrales. Elle s’efforce de replacer la plus récente affaire dans le contexte des rapports de la société civile avec l’État. L’idée générale est que les conflits actuels marqués par une grande agressivité et un discours mensonger des médias officiels doivent être remplacés par des dialogues et des débats tenus en toute franchise. Pour cela, l’État devra cesser de criminaliser la contradiction et l’opposition et entrer dans un dialogue démocratique.

Comme son texte précédent, la nouvelle intervention épiscopale plaide avec chaleur pour le rétablissement de la propriété privée, et démontre que l’actuel statut de la propriété d’État est une source de conflits et de corruption. Elle appelle également avec insistance au respect absolu de la vérité aussi bien dans les médias officiels, que dans l’ensemble de la vie publique.

[Texte  du 12 août 2009, paru sur le site de la Conférence épiscopale du Vietnam]

Réflexions sur le règlement des conflits.

Ces temps derniers, un climat de contestation a conduit à des réclamations et des plaintes concernant les terres et les biens immobiliers. De caractère public, répercutées par les mass media ou encore relayées par l’opinion publique, elles ont attiré l’attention de très nombreuses personnes. Plus particulièrement, un certain nombre d’affaires récentes en rapport avec des terrains d’établissements de l’Eglise catholique se sont achevées avec l’utilisation de la force publique (arrestations et ouvertures d’une enquête judiciaire contre les personnes impliquées). Cela a renforcé la préoccupation de l’opinion publique. Ressentie par les diverses couches de la population, cette préoccupation a pour objet la façon dont les contestations ont été réglées. Les solutions se sont fondées sur les dispositions de la loi sur les terrains de 2003 et divers décrets orientant son application. Or, ceux-ci ont démontré leur insuffisance. La preuve en est que la loi sur le terrain est en train d’être amendée pour l’adapter au nouvel état des choses.

1. L’Eglise du Vietnam, à travers le texte intitulé « Point de vue de la Conférence épiscopale sur un certain nombre de problèmes posés par la situation actuelle », signé par Mgr Pierre Nguyên Van Nhon, le 25 septembre 2008, à Xuân Lôc, a exprimé officiellement son opinion sur la nécessité de procéder à un remaniement complet de la loi de 2003. Dans ce texte, la Conférence épiscopale apporte une contribution directe concernant l’esprit qui devrait animer cette loi sur les terrains : « Cette transformation doit prendre en compte le droit de propriété des individus conformément à ce que déclare la Déclaration des Nations Unies sur les droits de l’homme : « Tous les hommes jouissent du droit de propriété sur leurs biens et sur leurs terres, seuls ou associés avec d’autres, et personne ne peut être dépouillé de ses biens d’une façon arbitraire » (article 17). C’est pourquoi nous considérons qu’au lieu de régler les problèmes au cas par cas, de façon particulière, les responsables devraient chercher une solution plus radicale, en laissant aux citoyens le droit d’être propriétaire de leurs biens et de leurs terres. Par ailleurs, ces citoyens devront être conscients de leurs responsabilités à l’égard de la société. Il s’agit là d’une exigence rendue encore plus pressante par le contexte de la mondialisation actuelle, alors que le Vietnam s’adapte de plus en plus au rythme de vie commun à toute la planète. Cela constituera les prémices d’un règlement radical du problème des plaintes des citoyens concernant les terrains. Cela contribuera aussi à l’expansion économique et au développement assuré de notre pays ».

La terre a toujours été considérée comme un bien, un moyen de production indispensable dans toutes les économies. C’est pourquoi la gestion des terres est une des fonctions les plus importantes de l’État.

Selon les dispositions de la loi sur les terrains en vigueur, la terre est la propriété de l’ensemble du peuple et de l’État, le représentant de ce dernier. Bien qu’il ne soit que le représentant du propriétaire, l’État bénéficie d’un pouvoir quasiment absolu dans les décisions concernant les terrains. Par exemple, selon l’article 5 de la loi, l’État bénéficie des droits suivants : il détermine le but de l’utilisation de la terre, sa transmission, sa location, sa récupération ; il autorise le changement du but d’utilisation ; il fixe le prix de la terre ; il décide de ses limites et de la durée d’utilisation… Avec des droits aussi exorbitants, s’il n’y a pas de dispositions contraignantes et un organe de contrôle efficace, il sera difficile d’éviter que ceux qui détiennent un tel pouvoir de décision dans les problèmes concernant les terrains ne se livrent à des abus, abus qui consistent à tirer profit des terres, surtout lorsque celles-ci sont devenues une marchandise de haut prix comme c’est le cas aujourd’hui.

La réalité nous montre qu’aujourd’hui la terre est devenue un « bien », une « source de capital », une « marchandise » à l’intérieur de l’économie de marché. Cet état des choses a suscité un grand appétit, un désir d’accaparer des terres pour en tirer profit.

On pourrait dire qu’aujourd’hui, la terre est devenue et continue d’être la plus importante source de profit, en même temps qu’une des causes les plus communes de la concussion. C’est bien pour cela, qu’on ne peut éviter de faire référence à la lutte contre la concussion dans le texte d’une nouvelle loi sur les terrains.

Reconnaître et protéger le droit du citoyen à la propriété privée de la terre, s’opposer à la corruption, tels sont les objectifs auxquels devra tendre le remaniement de la loi sur les terrains.

Si l’on veut que l’esprit que nous venons d’évoquer se concrétise par des faits, la loi sur les terrains devra se fonder réellement sur les hommes et être établie pour eux. Ce devrait être un des principes capables de venir à bout des difficultés relatives à l’histoire de la propriété des écoles, des établissements de santé, des lieux de culte des religions : autant de biens qui ont été confisqués ou accaparés.

2. Les plaintes et les requêtes en matière de terrains sont en train de s’accumuler. Elles sont devenues une montagne de dossiers sans solution, dans les divers organes concernés, aussi bien au niveau régional qu’au niveau central. De plus, elles ont
donné lieu à de nombreux rassemblements importants auprès des services destinés à recevoir la population, particulièrement à Hanoi et Ho Chi Minh ville. Une nouvelle affaire a éclaté à l’église de Tam Toa, au Quang Binh, depuis le 20 juillet 2009, alors que les échos des événements survenus à la Délégation apostolique de Hanoï et à l’église de Thai Ha ne s’étaient pas encore éteints. En ces trois endroits, se sont produits des événements regrettables et douloureux : heurts entre les agents de la force publique et les fidèles, critiques mutuelles sur les médias.

Devant la situation regrettable révélée par les affaires de la Délégation apostolique et de Thai Ha en 2008, et surtout devant le climat d’affrontement créé par les organes d’information, la Conférence épiscopale dans son texte « Point de vue de la Conférence épiscopale sur un certain nombre de problèmes posés par la situation actuelle » avait fait cette remarque : « Dans le règlement des conflits, un certain nombre de médias, au lieu de servir d’intermédiaires et d’aider à la compréhension, cherchent à créer la sensation et à semer le soupçon. »

Le texte des évêques avait directement interpellé les responsables des communications sociales : « En fait, les nouvelles sont déformées, tronquées, comme dans le cas du conflit sur la propriété de l’ancienne Délégation apostolique. C’est pourquoi nous proposons que les personnes qui travaillent dans les médias prennent les plus grandes précautions lorsqu’elles publient des nouvelles ou des photos, surtout en rapport avec l’honneur et le bon renom d’un individu ou d’une communauté. Lorsque des informations erronées ont été publiées, il est nécessaire de les rectifier ».

Ce point de vue, la conférence épiscopale l’a fait entendre dans le climat tendu des affaires de la Délégation apostolique et de Thai Ha en 2008. Elle ne l’a pas encore exprimé à nouveau dans l’affaire de l’église de Tam Toa mais, à coup sûr, le point de vue des évêques sur ce qui est exigé du monde des communications ne peut changer. L’attitude fondamentale que les évêques souhaitent voir observer par le monde des médias, mais aussi par les composantes de la vie publique, c’est le respect de la vérité car « ce n’est qu’en respectant la vérité que les médias accompliront la fonction qui est la leur, à savoir diffuser des nouvelles et éduquer afin d’édifier une société juste, démocratique et civilisée ».

Il faut toujours respecter la vérité et la mettre au-dessus de tout. La solution de toutes les contestations, les affrontements et les conflits est la recherche, la reconnaissance, et le respect de la vérité.

La vérité des problèmes conflictuels appartient au domaine civil. Ils ne peuvent être réglés dans une perspective politique. La vérité d’une contestation ne réside pas dans une action susceptible de sanctions pénales ; on ne règle pas une protestation en la criminalisant. La vérité du problème des terres réside dans l’histoire de sa propriété ; il convient donc de chercher ensemble, d’écouter soigneusement, en donnant la parole aux preuves concrètes. La vérité des récentes réclamations de terrains, comme celle de toutes les autres plaintes ne réside pas dans des affrontements ou dans la recherche de l’intérêt personnel.

3. Les catholiques vietnamiens, par l’intermédiaire de leurs pasteurs en visite ad limina à Rome, ont accueilli les directives du Saint-Père, Benoît XVI, concernant leur vie de témoins de l’Évangile au sein de leur peuple : « Vous savez comme moi qu’une saine collaboration entre l’Eglise et la communauté politique est possible. A ce propos, l’Eglise invite tous ses membres à s’engager loyalement pour l’édification d’une société juste, solidaire et équitable. Elle n’entend nullement se substituer aux responsables gouvernementaux, souhaitant seulement pouvoir, dans un esprit de dialogue et de collaboration respectueuse, prendre une juste part à la vie de la nation, au service de tout le peuple. » (Discours du pape aux évêques vietnamiens, 27 juin 2009).

Les catholiques vietnamiens ont adopté ces orientations de l’Eglise (« Elle n’entend nullement se substituer aux responsables gouvernementaux, souhaitant seulement pouvoir, dans un esprit de dialogue et de collaboration respectueuse, prendre une juste part à la vie de la nation, au service de tout le peuple »). Ainsi, lorsque la situation exige qu’elle exprime une opinion contradictoire, elle ne poursuit que l’intérêt commun du pays ; elle n’est animée d’aucune ambition sinon du désir de participer à l’élévation du niveau de vie matériel et spirituel des hommes. L’attitude critique de tous les citoyens, y compris les catholiques, doit être comprise correctement comme l’expression du droit à un dialogue franc et sincère, orienté vers le bien commun. C’est pourquoi la désinformation infligée aux actions de bonne volonté, évoquées ci-dessus, porte atteinte à la recherche de la vérité, crée un climat de discorde et de mauvaises relations. Plus encore, elle éteint l’ardeur de l’engagement des citoyens sincères pour leur pays.

Naturellement, comme toutes autres personnes de bonne volonté, les catholiques vietnamiens comprennent bien que les résultats exigent un long labeur. Pour que l’œuvre de rénovation porte des fruits, il faut du temps.

La vie sociale de notre pays, pendant une longue période, a été organisée d’une façon différente de celle de la communauté mondiale. Aujourd’hui notre pays s’est transformé et s’est intégré. Ce n’est pas du jour au lendemain qu’il rejoindra les normes mondiales. Ainsi, comme toutes les personnes de bonne volonté, avec persévérance, les catholiques contribueront au progrès général, tolérants devant les déficiences, partageant les préoccupations et les espoirs de tous leurs compatriotes, parmi lesquels ceux qui assument des responsabilités dans l’exercice du pouvoir.

Notre vœu le plus ardent, aujourd’hui, est que toutes les composantes de la société soient également invitées à entrer en dialogue, en discussion et en débat et que ce dialogue soit direct, épanoui et sincère, dans la paix et le respect mutuel.

(1)   http://hdgmvietnam.org/News.aspx?Type=8&Act=Detail&ID=653&CateID=63

(2)   Voir la traduction dans EDA 492

© Les dépêches d’Eglises d’Asie peuvent être reproduites, intégralement comme partiellement, à la seule condition de citer la source.

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ZENIT Staff

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