Homélie du card. Vingt-Trois en la fête du Sacré-Cœur de Jésus

Transfert de la châsse de Sainte Madeleine-Sophie Barat

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ROME, Jeudi 25 juin 2009 (ZENIT.org) – Le cardinal Vingt-Trois souligne le rapport existant « entre la sainteté de Madeleine-Sophie Barat, sa dévotion au Sacré-Cœur, la sainteté de Jean-Marie Vianney, et le ministère des prêtres pour lequel le Pape nous invite aujourd’hui à prier tout particulièrement ».

Voici le texte intégral de l’homélie du cardinal André Vingt-Trois en la fête du Sacré-Cœur de Jésus, en l’église Saint-François-Xavier de Paris, vendredi dernier, 19 juin, jour de l’inauguration de l’année saceerdotale.

Le cardinal Vinbgt-Trois, archevêque de Paris et préseitn de la conférence des évêques de France a en effet présidé la messe à l’occasion du transfert de la châsse de Sainte Madeleine-Sophie Barat (fondatrice de la Société du Sacré-Cœur).

Os 11, 1. 3-4, 8c-9 ; Is 12 ; Ep 3, 8-12, 14-19 ; Jn 19, 31-37

Homélie du Cardinal André Vingt-Trois

Frères et sœurs, Il y a plus d’un an, nous avons commencé à préparer avec les sœurs du Sacré Cœur l’ultime migration (probablement) de la châsse de Sainte Madeleine-Sophie Barat à Saint François-Xavier des Missions Etrangères. A l’époque, nous ne savions pas encore que nous célébrerions cette fête le 19 juin, et encore moins que le Pape aurait décidé d’inaugurer en ce jour une année sacerdotale pour le monde entier sous le patronage du curé d’Ars, dont nous allons célébrer le 150ème anniversaire de la mort.

Cette accumulation d’événements, apparemment sans lien les uns avec les autres, peut néanmoins nous faire réfléchir. Nous découvrirons peut-être qu’il y a plus de rapport qu’il n’y parait entre la sainteté de Madeleine-Sophie Barat, sa dévotion au Sacré-Cœur, la sainteté de Jean-Marie Vianney, et le ministère des prêtres pour lequel le Pape nous invite aujourd’hui à prier tout particulièrement.

Sans doute une vision historiquement trop réductrice du XIXème siècle a-t-elle propagé la caricature d’une religion de la crainte et de la faute ? Ce serait oublier, par ignorance ou par une occultation mystérieuse, que ce XIXème siècle a vu se répandre la dévotion au Sacré-Cœur qui s’était développée et structurée depuis Marguerite-Marie et Paray-le-Monial et auparavant.

Ce serait aussi ignorer cette multitude d’hommes et de femmes à travers tous les diocèses de France, qui dans la période de la reconstruction de l’Église après la tourmente révolutionnaire, vont mobiliser leurs forces pour se mettre au service des plus pauvres, ou pour s’engager au service de l’éducation des jeunes.

Ce serait enfin laisser de côté la figure la plus rayonnante du ministère sacerdotal de ce XIXeme siècle, celle du curé d’Ars qui aura passé des heures et des heures, des jours, des semaines, des mois et des années à accueillir les pécheurs, à les réconcilier et à les renvoyer dans la paix. Ce siècle, qui est volontiers présenté comme un siècle qui éduquait à la peur, était aussi un siècle qui éduquait à l’amour et à la tendresse.

Bien sûr, pour des gens aussi évolués que nous le sommes, la représentation de la tendresse de Dieu à travers un organe si charnel que le cœur de Jésus paraît un peu grossier. Mais ne porte-t-on pas des tee-shirts sur lesquels on lit « I love Paris » ou « I love New-York » avec un cœur qui n’est pas beaucoup plus virtuel que le cœur du Christ transpercé ? ! On recule devant l’aspect trop réaliste du sang qui coule et des larmes de compassion, mais la télévision sait nous faire pleurer à heure fixe en nous montrant des spectacles autrement sanguinolents que le cœur du Christ !

Cette dévotion au Sacré-Cœur telle qu’elle s’est développée entre le XVIème et le XIXème siècles est une mise en valeur concrète et progressive de la tendresse de Dieu pour l’humanité, telle qu’elle nous est révélée dans le Livre du Prophète Osée : « Je guidais mon peuple avec humanité, par des liens de tendresse. Je le traitais comme un nourrisson qu’on soulève tout contre sa joue. Je me penchais vers lui pour le faire manger.

Mais ils ont refusé de revenir à moi : vais-je les livrer aux châtiments ? » (Os 11, 4). Telle est la tendresse du cœur de Dieu pour les hommes, telle est la dynamique de l’amour de Dieu qui va Le conduire jusqu’à venir prendre chair dans l’existence humaine.

Tel est l’amour qui ira jusqu’à l’extrême : « Ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu’au bout » (Jn 13, 1). « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime » (Jn 15,13).

Je laisse le soin aux plus anciens d’entre-nous de rassembler leur souvenir pour essayer de discerner par quelle alchimie mystérieuse cette parole de tendresse et d’amour s’est travestie en parole de crainte et de condamnation. Qui voulait faire peur à qui ? Est-ce Dieu qui voulait faire peur aux hommes ? Ou n’est-ce pas plutôt les parents ou les adultes qui voulaient utiliser la peur pour éduquer des enfants ? Dieu cherchait-il à répandre la crainte ?

Ou notre manque de liberté intérieure nous ne poussait-il pas plutôt à susciter la crainte ? Par quel mystérieux chemin ce message d’amour tellement simple, tellement direct, tellement incarné, tellement visible, tellement mobilisateur pour tant de jeunes hommes et de jeunes femmes du XIXème siècle a-t-il pu se muer en message de condamnation et de peur ?

Nous ne sommes pas invités à nous poser ces questions pour nous dédouaner facilement en rejetant la pierre sur les générations qui nous ont précédés. Cette réflexion doit nous permettre de comprendre comment nous aussi pouvons être tentés à certains moments de travestir l’espérance qui nous est confiée, non par peur de ne pas y être fidèles, mais par peur d’être dérangés dans nos tranquillités.

L’espérance de l’Evangile trouve-t-elle son déploiement dans nos œuvres, dans nos esprits, dans nos cœurs et dans nos communautés ? Ou n’avons-nous pas cédé à la tentation de changer cette espérance en désespoir de notre avenir ? L’Evangile du Christ est promesse, tendresse et pardon pour l’humanité. N’en faisons pas un souvenir poussiéreux dont on s’éloigne et dont on se détourne. N’en faisons pas un discours insignifiant devant les souffrances de l’humanité.

Il nous est offert d’annoncer « la richesse insondable du Christ, et de mettre en lumière le contenu du mystère tenu caché depuis toujours en Dieu ». (Ep 3,8-9) « Nous tombons à genoux devant le Père, écrit Saint Paul. Et il ajoute : « Lui qui est riche en gloire, qu’il vous donne la puissance par son Esprit et vous rende fort, et pour rendre fort l’homme intérieur. Que le Christ habite en vos cœurs par la foi ; restez enracinés dans l’amour, établis dans l’amour. » (Ep 3, 16-17) Voilà cette tendresse de Dieu dont le curé d’Ars a été l’apôtre infatigable pendant toute sa vie. Voilà cette miséricorde de Dieu dont nous sommes les témoins aujourd’hui et pour laquelle les prêtres du Christ sont appelés à donner toute leur vie.

Car cette tendresse de Dieu est manifestée par celui qui donne sa vie pour elle. Le cœur du Christ libère des fleuves d’eau vive lorsqu’il est transpercé. Le cœur de l’homme fait jaillir des fleuves d’amour quand l’homme va jusqu’au bout du don de sa vie pour ceux qu’il aime. La grandeur du ministère du prêtre ne vient pas simplement de ce qu’il a le pouvoir d’agir au nom du Christ pour pardonner les péchés et pour construire la communion.

La force de sa mission vient de ce que ses paroles et ses gestes, par lesquels le Christ agit dans le monde, s’enracinent dans l’offrande qu’il fait lui-même de sa propre vie. Tout pécheur, faible et imparfait qu’il soit, le prêtre a reçu cette mission
extraordinaire qui unit dans un même mouvement le geste par lequel le Christ agit, et le geste par lequel il livre sa vie.

Que cela soit extraordinaire, disproportionné, inimaginable, je le conçois. Mais l’amour, l’amour fidèle et définitif, l’amour sans repentir et sans reprise, est toujours quelque chose d’extraordinaire et d’inimaginable.

Maintenant, nous allons chanter notre foi en Dieu et les sœurs du Sacré-Cœur vont renouveler leurs vœux devant nous. Je vous propose que nous les portions dans notre prière, pour que l’offrande de leurs lèvres rejoigne l’offrande de leur vie, pour chacune d’entre elles et pour chaque communauté de l’Institut.

Prions aussi pour les prêtres, pour qu’ils conduisent le peuple de Dieu aux sources de la vie, qu’ils manifestent pour chacun et pour tous, la puissance de la miséricorde. Amen.

+André cardinal Vingt-Trois

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ZENIT Staff

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