La tradition, un patrimoine à interpréter

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Le cardinal Scola à la Fondation « Oasis »

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ROME, Mardi 23 juin 2009 (ZENIT.org) – Dans une société plurale comme la nôtre, interpréter correctement le thème de la tradition est devenu nécessaire, a estimé hier, lundi, le cardinal Angelo Scola, patriarche de Venise, en ouvrant les travaux du congrès réunissant, ces 22 et 23 juin, les membres du Comité scientifique international de la Fondation « Oasis » (www.oasiscenter.eu). 

Cette année, la rencontre, qui en est à sa sixième édition, a pour thème la tradition, sa signification pour la foi catholique et islamique, son poids au sein des sociétés pluralistes, qui affrontent en permanence les questions qui naissent de la rencontre inédite des cultures et religions différentes, souligne la Fondation dans son article de présentation.  

L’intervention du cardinal Scola  portait sur « les traditions religieuses au temps du métissage », un métissage de « civilisations » et de « cultures », a-t-il précisé, qui vise à décrire le processus de rencontre entre les hommes et les civilisations, rappelant la nécessité pour les cultures de s’ouvrir à l’altérité comme source d’enrichissement commun, en prenant soin cependant de ne pas arriver à une confusion des identités.  

« Cela dit, a mis en garde le patriarche de Venise, ce ‘métissage’ ne saurait constituer un ‘programme politique’ à poursuivre à l’intérieur de la société moderne, où la dimension multiculturelle est de plus en plus présente ». 

Dans le document préparatoire, il est dit qu’« on se réfère à la tradition lorsque l’on aborde la nécessité de favoriser l’« intégration des minorités dans un contexte différent de leur matrice culturelle » et « quand on affirme la nécessité de faire des lois qui ordonnent la vie de la société civile non pas abstraitement mais à la lumière de l’histoire et de la culture d’un peuple ». 

« La tradition, poursuit le document, se présente par ailleurs comme une expression typiquement communautaire et sociale d’accès à la vérité qui est d’un côté une norme de la tradition, mais de l’autre ne s’offre à nous historiquement qu’à travers elle ». 

En particulier, a souligné le cardinal Scola, « tant d’individus et tant de communautés qui interagissent dans le processus de métissage des civilisations présentent une singulière auto-conscience : celle d’être l’expression d’une tradition qui les précède et les dépasse ».

« Donc pas des points isolés, mais les maillons d’une chaîne qui remonte très loin dans le temps, jusqu’à l’ événement fondateur auquel, dans le cas des croyances religieuses universalistes, il est attribué une signification valable pour chaque époque et chaque lieu », a-t-il expliqué.  

Et si, d’une part, « il existe assez de place pour une alternative entre une existence sans racines et une répétition sclérotique de l’identique », de l’autre « il est toujours nécessaire que la tradition soit correctement comprise ». 

« Dans tous les discours que j’ai pu entendre ces dernières années, par exemple à l’université d’ al-Azhar en 2006 ou au Royal Institute for Interfaith Studies en 2008, a poursuivi le cardinal Scola, il me parait évident que la critique illuministe faite à la tradition, vue comme une transmission mécanique d’un lot de vérités intangibles, a également atteint l’autre rive de la Méditerranée » .

« Durant ces années, nous avons souvent entendu nos interlocuteurs musulmans répéter qu’il fallait revenir au coran et à sa rationalité, a-t-il ajouté, laissant tomber les vieilles interprétations qui lui ont jadis été données, les estimant trop marquées par l’histoire, par exemple en ce qui concerne la condition de la femme ou les statuts des minorités » .

«  De cette façon là se confirme la valeur de purification positive que la modernité a exercée sur chaque tradition religieuse », a-t-il relevé. 

« Les sujets du métissage sembleraient donc condamnés à une radicale impasse, a souligné le cardinal Scola ; dans la mesure où ils aspirent au maintien d’une référence religieuse concrète qui ne se perdrait pas en craintes abstraites et de portée universelle, ces sujets peuvent se sentir prisonniers de traditions privées de sens, qui pourraient même constituer une entrave par rapport à la pureté des origines ». 

Toutefois, a poursuivi le patriarche de Venise, en reprenant les paroles du cardinal Ratzinger, « il n’existe pas de foi toute nue ou de religion à l’état pur. En termes concrets, quand la foi dit à l’homme qui il est et comment il doit commencer à être homme, la foi crée la culture. La foi est  elle-même culture ».

De là on comprend, a souligné le cardinal Scola, « cette circularité inévitable entre la foi et la culture, quand la culture est perçue dans sa signification prégnante, comme une expérience humaine consciente ».  

« La foi, en offrant à l’homme une hypothèse interprétative du réel, est source de culture, et la culture (ou les cultures), en s’exerçant, se fait la propre interprète des croyances. Dans le temps historique, une telle dynamique est insurmontable. La tradition, correctement et culturellement interprétée, l’assure ». 

« Ainsi il n’existe pas de moment initial d’une clarté absolue (dans notre cas une « foi pure ») suivi d’un temps de nébulosité croissante, mais plutôt un échange continu entre ces deux pôles », a-t-il ajouté. 

« La culture est toujours à purifier à la lumière de la foi, mais la foi, sans assombrir l’assentiment dû à la vérité, est toujours à interpréter selon les instances suscitées par la religion (culture) ».

A la lumière de cela, a conclu le cardinal Scola, « on comprend mieux la nécessité d’une interprétation culturelle de l’islam, liée au fait que l’islam, comme toute religion, est source de culture et qu’il propose donc une interprétation du réel ».

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ZENIT Staff

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