G8 : discours du card. Tauran au sommet des chefs religieux

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Aider les décideurs à « discerner le degré d’humanité de leurs décisions »

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ROME, Lundi 22 juin 2009 (ZENIT.org) – « Tous ensemble, chrétiens et adeptes d’autres religions, nous devons aider ceux qui ont la lourde responsabilité de la gestion des sociétés à discerner le degré d’humanité de leurs décisions », déclare le cardinal Tauran. 

Voici le texte intégral en français de l’intervention du cardinal Jean-Louis Tauran, président du conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, au sommet des chefs religieux organisé le 16 juin dernier à Rome, en préparation au G8 de juillet prochain à L’Aquila.

Excellences, mesdames, messieurs, 

Il m’est agréable, en ma qualité de président du conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, de répondre à l’invitation de la commission épiscopale pour l’oecuménisme et le dialogue de la conférence épiscopale italienne, à prendre la parole au tout début de vos travaux. Je suis également heureux de saluer respectueusement les notabilités religieuses et diplomatiques présentes ici, ce soir. 

Il m’appartient, en tout premier lieu, de vous adresser des vœux chaleureux pour le succès de vos échanges. Comme on l’a opportunément rappelé, il ne s’agit pas pour vous de suggérer aux responsables politiques du G8 des solutions techniques sur des thèmes aussi complexes et variés qui seront à l’ordre du jour, le mois prochain : l’eau, la sécurité alimentaire, la santé, l’éducation, la paix et la sécurité. Votre ambition est plutôt d’éclairer la réflexion « d’un point de vue éthique » et d’ouvrir ainsi les esprits et les cœurs à la recherche du bien commun. 

Vos débats et votre message seront ceux de croyants qui, au-delà de leurs diversités, désirent parler d’une seule voix et offrir une réflexion originale face aux défis du monde d’aujourd’hui, dont ils sont solidaires. Un monde qui bénéficie des avantages évidents que lui ont procuré les prouesses des sciences et de la technique. Un monde qui fondamentalement a bénéficié de la globalisation. Sans nier certaines dérives, on peut reconnaître qu’elle a stimulé l’économie et la production, rendu les peuples plus interdépendants et peut-être plus solidaires. Toutefois, paradoxalement, en même temps, ce même monde nous apparaît constamment menacé par la violation de certains droits fondamentaux de la personne humaine, le déséquilibre entre riches et pauvres, les maladies, des conflits non résolus, le commerce des armes, la corruption des élites … pour ne citer que quelques uns des sujets de préoccupation. En outre, depuis 2008, trois crises assombrissent l’horizon : alimentaire, énergétique et financière. Que peuvent donc apporter les croyants dans une telle conjecture ? Trois choses, me semble-t-il : 

a) Une solidarité commune.

Ensemble nous nous reconnaissons créatures de Dieu, auteur de la vie, et donc frères. Nous professons un même respect pour la personne humaine, sa dignité et ses droits. Nous sommes attentifs à sauvegarder le rôle irremplaçable de la famille. Nous nous efforçons de transmettre aux jeunes générations les valeurs morales et spirituelles qui donnent sens à l’existence et stabilité à la société. Nous avons quelque chose à dire et à proposer ! 

b) Une invitation à un examen de conscience.

S’arrêter pour penser à ce que nous avons construit et reconnaître lucidement nos fragilités :

= quand l’argent est divinisé, les relations humaines se réduisent presque toujours à des rapports marchands.

= la solution du « consommer toujours plus », en définitive épuise les ressources de la planète et augmente les inégalités.

= quand la finance est sa propre fin, elle engendre un dérèglement difficilement maîtrisable. Nous avons le devoir d’inviter à la vigilance !

c) Un appel à un nouveau style de vie.

= une certaine sobriété s’impose : respectons la nature et ses ressources, pensons aux autres et aux générations futures ;

= réfléchissons sur nos rapports à l’argent, sur la manière dont nous le faisons fructifier ;

= apprenons à être plus solidaires : face à ceux qui privilégient l’individu à outrance, rappelons sans cesse le « nous » ;

= mettons l’économie au service de la personne ;

= considérons le travail non seulement comme le moyen de gagner sa vie, mais aussi de participer à l’œuvre de Dieu. 

Dans le fond, face à un certain désenchantement du monde, les croyants ont peut-être à rappeler qu’il existe un bien commun universel. En un certain sens, je dirais qu’il est plus facile de l’affirmer aujourd’hui qu’hier, car nous avons davantage conscience de l’interdépendance des Etats. Autrefois la notion de bien commun s’appliquait à la nation, à l’intérieur d’un territoire. Désormais la mondialisation fait que la notion de bien commun s’est élargie à l’humanité tout entière. 

L’Église catholique, pour sa part, guidée par le magistère lumineux du pape Benoît XVI, continue à assurer sa tâche d’éducation dans ce domaine. Vous connaissez sans doute le Compendium sur la doctrine sociale de l’Église. En outre, il y a quelques jours à peine, le Saint-Père, soulignait encore une fois combien la crise économique et financière que nous subissons « montre de manière évidente que certains paradigmes économiques et financiers qui se sont imposés ces années passées, sont à repenser ». Et il annonçait la publication imminente d’une encyclique consacrée à l’économie et au travail. Elle indiquera aux chrétiens, précisait Sa Sainteté, « les objectifs à poursuivre et les valeurs à promouvoir et à défendre inlassablement dans le but de parvenir à une convivialité humaine authentiquement libre et solidaire ». 

Face aux difficultés présentes, l’Église catholique a fait le choix de l’espérance et de la confiance, à cause de Jésus, Dieu fait homme, venu partager notre humanité, « lui qu’en toutes choses a connu l’épreuve comme nous, à l’exception du péché » (He 4, 15). 

Mais c’est tous ensemble, chrétiens et adeptes d’autres religions, que nous devons aider ceux qui ont la lourde responsabilité de la gestion des sociétés à discerner le degré d’humanité de leurs décisions. Invitez-les, chers Amis, à se poser la question de savoir si la politique, l’économie, les lois sont bien au service de la personne humaine créée à l’image de Dieu. Dans un monde globalisé, éclairons leur route pour que naissent des solidarités concrètes près de nous et au loin ! On le fait déjà, me direz-vous ! C’est vrai : le volontariat est en grande partie inspiré et mené à bien par des croyants. Mais il faut que nous indiquions avec plus de force encore – et surtout par l’exemple – que le bonheur ce n’est pas d’avoir plus mais d’être davantage ; c’est éprouver plus de joie à donner qu’à recevoir. 

Puissent vos réflexions les entraîner loin des idoles de l’argent, du pouvoir et du prestige, pour toujours mieux comprendre ce que déjà écrivait Pascal : « le propre de la puissance est de protéger » !

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ZENIT Staff

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