« Anges et Démons », une preuve de l’intérêt que suscite l’Eglise

Entretien avec le père John Wauck

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ROME, Jeudi 21 mai 2009 (ZENIT.org) – Le film  « Anges et Démons », en dépit de ses incroyables erreurs basées sur le roman de Dan Brown, témoigne de l’intérêt énorme suscité par l’Eglise catholique, comme le considère un prêtre, auteur d’un des blogs les plus populaires consacrés au « Da Vinci Code ».

Le père John Wauck, de la prélature de l’Opus Dei, né à Chicago, enseigne la littérature et la communication de la foi chrétienne à l’Université pontificale de la Sainte Croix à Rome. Il a étudié l’histoire de la littérature à l’Université de Harvard.

Dans cet entretien accordé à ZENIT, il constate une donnée irréfutable sur cet intérêt pour l’Eglise : au cours de ces dernières années, jamais on n’a vu autant de pèlerins à Rome.

Zenit – Ne pensez-vous pas que Dan Brown fait une sorte de fixation sur l’Eglise ?

Père Wauck – Parfois je me demande ce que ferait Dan Brown sans l’Eglise catholique. Quasiment tout ce qu’il y a d’intéressant dans ses romans a pour décor le catholicisme. Ce ne sont assurément pas ses personnages en carton-pâte, ni ses médiocres dialogues, qui attirent les gens. Ce qui explique que le principal effet du Da Vinci Code n’ait pas été une baisse de la croyance ou de la pratique religieuse, mais plutôt une plus forte affluence de touristes à Rome… et au Louvre.

Le procédé utilisé par Dan Brown pour vendre des livres est d’offrir un « cocktail » d’histoire, d’art, de religion et de mystère ; et il semble qu’il y ait un seul lieu dans le monde actuel où il soit capable de trouver réunies toutes ces choses : l’Eglise catholique, à Rome. En fait, il profite de la culture de l’Eglise.

Si vous êtes attiré par l’histoire, la beauté et les mystères sacrés, il vous sera difficile de ne pas l’être par l’Eglise. Si vous vous tenez sur la place Saint-Pierre à Rome, vous avez, dans un rayon de quelques centaines de mètres : une nécropole romaine, un obélisque égyptien transporté à Rome par Caligula, le tombeau de Saint Pierre, le lieu de la tentative d’assassinat sur son successeur Jean-Paul II, le plafond de la Chapelle Sixtine, la Pieta de Michel-Ange, les Chambres de Raphaël, la colonnade du Bernin, la plus grande basilique du monde et des pèlerins venant de toute la planète. Et il ne s’agit pas d’un musée. C’est une réalité vivante qui nous met en contact direct avec 20 siècles d’histoire – de l’antiquité à nos jours. Que peut demander de plus un romancier comme Dan Brown ? On pourrait difficilement trouver quelque chose de comparable dans l’Amérique suburbaine, où vit la majorité de ses lecteurs.

Si Dan Brown semble fasciné par l’Eglise catholique, il n’est assurément pas le seul. Ces derniers temps, on n’a jamais vu autant de pèlerins à Rome. Ils viennent voir la ville et écouter le pape Benoît XVI. Et leur intérêt n’est pas de la simple curiosité. Cette année, à Pâques, plus de 150.000 adultes ont été accueillis dans l’Eglise catholique aux Etats-Unis.

Zenit – La décision du Vatican d’interdire les caméras dans les églises de Rome vous semble-t-elle représenter un geste défavorable à l’égard des producteurs ?

Père Wauck – Depuis maintenant 14 ans que je vis à Rome, je n’ai jamais vu une équipe de tournage d’Hollywood dans une église. En règle générale, on ne tourne pas de films commerciaux – pieux ou pas – dans les églises de Rome. Vous ne pourriez pas davantage filmer « Les dix commandements » dans une église romaine ! A plus forte raison, naturellement, s’agissant de « Anges et Démons ». Le film a reçu le même traitement que les autres. Un point, c’est tout. Tout le reste n’est que du battage publicitaire.

Zenit – « Anges et Démons » par du principe qu’il existe une hostilité naturelle entre la foi chrétienne et la science moderne. Qu’en pensez-vous?

Père Wauck – Il est relativement facile pour les gens de constater que le grand art du monde occidental – musique, peinture, sculpture, littérature, architecture – est en grande partie le fruit d’une culture chrétienne : un art souvent inspiré par la foi quand il n’est pas financé par l’Eglise. Cela semble évident. C’est également vrai pour les sciences, mais les gens ne s’en rendent pas compte.

Songez aux universités, qui sont une invention de l’Eglise ; à Copernic, qui était un ecclésiastique catholique romain, et qui a dédié au pape son livre sur la théorie héliocentrique. Le calendrier que nous utilisons aujourd’hui est le calendrier dit grégorien, du nom du pape Grégoire XIII, qui le promulgua, avec la collaboration des plus grands astronomes et mathématiciens de son temps. Galilée lui-même resta toujours catholique, et ses deux filles étaient religieuses. L’un des plus grands astronomes du 19e siècle a été un prêtre jésuite, Angelo Secchi. Le père de la génétique moderne, Gregor Mendel, était moine catholique. L’auteur de la théorie du « Big Bang » était un prêtre belge, Georges Lemaitre.

Bref, l’idée d’une tension naturelle existant entre la science et l’Eglise, entre raison et foi, est complètement absurde. De nos jours, en entendant parler de « science » et de « l’Eglise », les gens pensent aussitôt au procès de Galilée au XVIIe siècle. Mais une vision plus large des choses conduit à penser que cette affaire complexe, – qui est fréquemment déformée par une propagande anti-catholique- constituait une exception manifeste. Si les critiques de l’Eglise la ressortent constamment ; il y a une raison : c’est le seul et unique exemple qu’ils ont trouvé. Ainsi, en entendant parler de la « science » et de « l’Eglise »,  nous devrions penser à Copernic, Secchi, Mendel et Lemaitre. Ils sont représentatifs. Pas le procès de Galilée.

Zenit – Y a-t-il un aspect du livre qui vous a paru intéressant ?

Père Wauck – Oui. Il y a une scène du roman dans laquelle le héros, le professeur Langdon de l’Université de Harvard, se retrouve soudainement devant la basilique Saint-Pierre, et les pensées qui affluent alors dans son esprit – dans le roman, il est la voix de l’autorité scientifique – résonnent comme une réclame pour le catholicisme romain. On se croirait presque en train de lire le Catéchisme de l’Eglise catholique, et non pas Dan Brown ! Voici le passage : « Pierre est le roc. La foi de Pierre en Dieu était si solide que Jésus appela Pierre ‘le roc’ – le disciple inébranlable sur les épaules duquel Jésus allait bâtir son Eglise. En ce lieu, songea Langdon – sur la Colline du Vatican – Pierre avait été crucifié et enterré. Les premiers chrétiens érigèrent un petit sanctuaire sur sa tombe. Au fur et à mesure de l’expansion de la Chrétienté, le sanctuaire s’agrandit, couche par couche, jusqu’à devenir cette basilique colossale. La foi catholique tout entière avait été construite, presque littéralement, au-dessus de Saint-Pierre. Le roc ». (Anges et Démons, Chapitre 118)

Cela ne fait pas un panneau d’affichage publicitaire géant à Times Square. Mais ce n’est déjà pas si mal.

Zenit – Ne pensez-vous pas qu’avec cet entretien nous sommes entrain de faire une publicité gratuite au film  ?

Père Wauck – Vous voulez dire : qui fait de la publicité à qui ?  Bonne question. La publicité se fait probablement dans les deux sens ; mais compte tenu du temps consacré, de l’énergie et des millions de dollars dépensés pour la réalisation et la promotion de ce film, je dirais que nous avons la meilleure part ! Peut-être Dieu se plaît-il à se servir de Hollywood pour attirer l’attention de quelques-uns sur les richesses de la foi et la culture catholiques.

Ceci étant, j’ajouterais que je n’ai pas l’intention de dépenser du temps et de l’argent pour aller voir ce film. Les critiques qui ont été faites du film Da Vinci Code – réalisé par la mê
me équipe – ont été suffisamment virulentes pour nous dissuader d’aller le voir.

Traduit de l’anglais par E. de Lavigne

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ZENIT Staff

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