ROME, Jeudi 21 mai 2009 (ZENIT.org) - La traite humaine est « une terrible offense à la dignité humaine », et pour la combattre, il faut lutter contre la pauvreté, a souligné Mgr Agostino Marchetto, secrétaire du Conseil pontifical pour la pastorale des migrants et des itinérants, dans son intervention mercredi, à Rome, au Congrès de l'association Communauté pape Jean XXIII sur le thème « La dignité ne se négocie pas ».

Ce phénomène est « un des phénomènes les plus honteux de notre époque », a-t-il souligné, relevant que « la pauvreté et le manque d'opportunités et de cohésion sociale » poussent souvent les personnes à se mettre en quête d'un avenir meilleur malgré tous les risques, ceci « les rendant extrêmement vulnérables à ce trafic ».

Pour Mgr Marchetto, « l'absence de normes spécifiques dans certains pays, le fait que les victimes ne connaissent pas leurs droits, la structure socioculturelle, les conflits armés, et le resserrement des limites imposées aux migrants pour avoir accès aux pays développés » sont quelques uns des facteurs qui contribuent actuellement à la diffusion de ce fléau.

La question des victimes du trafic humain est une question que le Conseil pontifical pour la pastorale des migrants et des itinérants compte prendre à cœur, a-t-il fait savoir, estimant que ces victimes appartiennent à « la catégorie des esclaves des temps modernes ».

Un problème difficile à résoudre

Tout en admettant qu' « il n'existe pas de solutions faciles », Mgr Marchetto pense que ces abus sont « une atteinte aux droits de l'homme » et qu' « ils doivent être affrontés de façon cohérente et intégrale », non seulement « dans l'intérêt des victimes », mais pour que « tous ceux qui en tirent profit reçoivent une juste punition » et que soient introduites « des mesures de prévention visant d'une part, à renforcer la conscience et la sensibilité, de l'autre à affronter les causes de ce phénomène ».

Pour le représentant du Saint-Siège, une telle approche devrait également prévoir l'intégration des victimes dans la société qui les accueille, « en particulier lorsque celles-ci collaborent avec les autorités contre les trafiquants », prévoyant pour elles « une assistance sanitaire et un suivi psychosocial, des solutions de logement, un permis de séjour et l'accès à l'emploi ».

Il faudrait aussi considérer, selon Mgr Marchetto, la possibilité d'un « retour au pays d'origine, avec une proposition de micro projet et/ou de prêts à l'appui pour éviter que ces victimes ne retournent dans le même milieu dangereux sans ressources ».

Mgr Marchetto a également proposé l'introduction de  mesures permettant la création d'un « système de compensation » selon lequel les victimes pourraient être aidées financièrement en utilisant le fruit des biens confisqués aux trafiquants, le gain de leurs activités criminelles.

Un phénomène à plusieurs facettes

Le trafic d'êtres humains, a rappelé le secrétaire du Conseil pontifical, est « un problème pluridimensionnel, souvent lié à la migration, mais qui va bien au-delà de l'industrie du sexe, comprenant également le travail forcé d'hommes, de femmes et d'enfants dans divers secteurs du monde industriel par exemple dans le bâtiment, les restaurants et les hôtels, l'agriculture et le service domestique ».

« Si d'une part le travail forcé est lié à la discrimination et la pauvreté, aux usages locaux, au manque de terre et à l'analphabétisme de la victime, de l'autre il a un rapport avec le travail flexible, à bon marché, d'où dérivent souvent des bas prix à la consommation, rendant la chose plus attirante pour les employeurs ».

Les diverses formes de trafic exigent des mesures et des approches distinctes visant à redonner de la dignité aux victimes, a-t-il déclaré. La communauté internationale a adopté en 2000 un protocole pour prévenir, réprimer et punir le trafic des êtres humains, surtout des femmes et des enfants, mais, a-t-il déploré, « son application au niveau national varie beaucoup en fonction du type d'approche que chaque Etat adopte vis-à-vis de cette question, selon qu'il s'agit pour lui d'un « acte criminel », d'un problème lié à « la migration ou aux droits de l'homme ».

Bien que beaucoup de pays permettent aux victimes d'exploitations sexuelles, prises dans un trafic d'êtres humains, de rester sur leur territoire le temps d'enquêter sur les trafiquants, a poursuivi Mgr Marchetto, en général une fois que les vérifications judiciaires sont finies, on procède à leur rapatriement, « avec ou sans ‘enveloppe' de soutien ».

« Seuls quelques pays ont pris des mesures visant à garantir la protection de ces victimes, leur donnant la possibilité de rester dans la société d'accueil et de s'y intégrer, du moins à certaines conditions ».

La tentative de prévenir la traite humaine par des politiques d'immigrations plus sévères est « une approche restreinte et limitée », a poursuivi Mgr Marchetto qui estime nécessaire de s'attaquer aux « vraies causes du phénomène » car, a-t-il expliqué, « tant que les victimes rapatriées se retrouveront dans les mêmes conditions qu'elles ont cherché à fuir, le trafic ne s'interrompra pas facilement ».

C'est pourquoi, a-t-il conclu, les initiatives anti-trafic doivent aussi penser à développer et offrir « des possibilités concrètes d'échapper à ce cycle de pauvreté-abus-exploitation ».

Roberta Sciamplicotti

Traduit de l'italien par Isabelle Cousturié