ROME, Lundi 18 mai 2009 (ZENIT.org) – Alors que l’ONU dénonçait, la semaine dernière, « un bain de sang », la caritas venait en aide aux blessés, mutilés et déplacés de la guerre civile, rapportait « Eglises d’Asie » (EDA), l’agence des Missions étrangères de Paris, le 12 mai dernier, avant la reddition des rebelles intervenue hier. Mais la situation humanitaire reste dramatique.
Mardi 12 mai, l’armée sri-lankaise a fait une nouvelle brèche dans les défenses des rebelles tamouls (Tigres de Libération de l’Eelam tamoul, LTTE), dont le territoire se réduit désormais à une zone de 2 km2 dans laquelle sont toujours pris au piège des dizaines de milliers de civils. Le nombre de ces derniers est estimé entre 50 000 à 150 000, des chiffres impossibles à vérifier, les médias et les observateurs de l’ONU n’étant pas autorisés à approcher de la zone des combats.
A la suite des bombardements des 9 et 10 mai derniers, qui auraient fait plus d’un millier de morts dont une centaine d’enfants, les Nations unies ont dénoncé le « bain de sang » en cours, dont les belligérants se rejettent mutuellement la responsabilité (1). « La tuerie de civils, parmi lesquels 100 enfants durant le week-end, démontre que le scénario du bain de sang est avéré », a déclaré à l’AFP, Gordon Weiss, porte-parole de l’ONU. Restées sourdes aux appels et propositions de la communauté internationale qui réclame depuis des mois un cessez-le-feu afin de sauver les civils, les deux parties semble résolues à combattre jusqu’au bout, malgré les pertes humaines de plus en plus lourdes au fil des jours et de l’avancée des troupes armées.
Les Nations unies ont évalué à plus 6 500 le nombre des civils tués et à plus de 14 000 les blessés, durant les trois derniers mois (2). Quant aux réfugiés, parqués dans des camps près de Vavuniya, leur nombre dépasserait les 200 000. Les conditions de vie dans les camps sont de plus en plus l’objet des critiques de la communauté internationale et les Eglises chrétiennes, qui font partie des rares organismes pouvant pénétrer dans la zone des déplacés (3), ont dénoncé elles aussi la discrimination dont souffrent ces civils, déjà traumatisés par la guerre. Le 7 mai dernier, dans une lettre envoyée au président du Sri Lanka, Mahinda Rajapaksa, Mgr Duleep de Chickera, évêque anglican de Colombo, a demandé « une réponse politique rapide et efficace en réponse aux injustices commises envers les Tamouls » et averti du danger de « placer une communauté entière sous surveillance ». « Il faut cesser de voir le fantôme du LTTE en chaque Tamoul », a-t-il ajouté (4).
Dans ces camps, entourés de barbelés et gardés par l’armée, les représentants de la caritas distribuent de la nourriture et dispensent des soins médicaux. Ils recensent également les blessés dont le nombre ne cesse de croître, et font l’inventaire des besoins, surtout en matériel de réhabilitation, pour les très nombreux mutilés. Leurs rapports, comme ceux que transmettent les bénévoles qui visitent les hôpitaux et centres de soins, sont effrayants. « Cela fait peser une lourde pression sur nous car tous ces mutilés ont besoin de notre aide dans des proportions qui dépassent nos possibilités », déclare le directeur de caritas-Mannar, le père Santhia Joyce Peppi Sosai. Il ajoute qu’il a commandé plusieurs centaines de prothèses de jambe, des appareils orthopédiques divers, des béquilles, des brancards, des fauteuils roulants, des minerves et des attelles, pour des malades de tous âges (5). « Jusqu’ici, nous n’avons pu appareiller que 200 personnes sur toutes celles qui ont été mutilées par la guerre », déclare Manjulavathy Peter, qui travaille également pour le programme de la caritas du diocèse de Mannar.
Parmi ces nombreux civils mutilés de guerre, le cas de la petite Vathani n’est malheureusement pas isolé. La fillette, qui venait tout juste de fêter ses 8 ans, a perdu sa jambe lors de bombardements aériens au-dessus de son village de Visvamadhu, dans le nord de l’île. Elle courrait, terrifiée, à travers les champs de riz, lorsqu’elle a été touchée par un éclat d’obus qui a pulvérisé sa jambe. Vathani et sa mère Arunthati, évacuées par le ferry du CICR (Comité international de la Croix-Rouge), ont été transportées à l’hôpital public de Trincomalee. Elles ont ensuite été transférées au camp de réfugiés de Chettikulam où la caritas a pu appareiller la petite fille. Arunthati est reconnaissante à l’ONG d’avoir pu redonner espoir à sa fille : « Maintenant, avec sa prothèse, Vathani peut marcher comme les autres ».
Mais la caritas-Sri Lanka, dont une cinquantaine de membres sont toujours en zone de conflit et viennent en aide aux populations, a payé elle aussi un lourd tribut à la guerre civile : le 8 mai dernier, un tir d’artillerie a emporté un bénévole qui conduisait un véhicule de la caritas, Anthonipillai Uthayaraj Raj, dans la zone pourtant déclarée « sécurisée » du district de Mullaitivu. Il était âgé de 25 ans et, selon les paroles du directeur de la caritas de Jaffna, « c’était un homme courageux qui travaillait depuis des années en zone en guerre ».
Deux prêtres de la caritas, le père Vasanthaseelan, directeur de la section de Vanni, et le père James Pathinathan, membre de la commission nationale justice, paix et développement, ont été, quant à eux, grièvement blessés fin avril par des tirs d’obus, alors qu’ils dispensaient des soins dans les églises du district de Mullaitivu (6). « Cette catastrophe est bien pire que celle du tsunami, déplore Aloysius John, responsable du département Asie au Secours catholique, la caritas-France. Il s’agit de toute une région à reconstruire, marquée d’une cicatrice profonde. Deux générations de Tamouls n’ont connu que la guerre. Il est urgent de leur redonner goût à la vie » (7).
(1) Associated Press, 11 mai 2009 ; AFP, 11 mai 2009.
(2) Reuters, 12 mai 2009.
(3) Voir EDA 506.
(4) AsiaNews, 8 mai 2009.
(5) Ucanews, 11 mai 2009.
(6) Voir EDA 506.
(7) Secours Catholique, 23 avril 2009.
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