Conférence de presse de Benoît XVI sur l’Airbus Rome-Amman

« Nous ne sommes pas un pouvoir politique, mais une force spirituelle » 

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ROME, Vendredi 8 mai 2009 (ZENIT.org) – « Nous ne sommes pas un pouvoir politique, mais une force spirituelle » : le pape Benoît XVI rappelle ce que beaucoup ont du mal à comprendre, au moment où commence son « pèlerinage  de paix » dans une région soumise à de fortes tensions. Il indique la prière, la formation des consciences et le dialogue raisonnable comme trois forces de l’Eglise dans sa promotion de la paix.

Voici la transcription de la Conférence de presse de Benoît XVI sur l’Airbus A 320 de l’Alitalia qui l’a conduit de Rome à Amman ce 8 mai 2009.

Après concertation avec les journalistes présents sur le vol, le pape Benoît XVI est interviewé par le directeur de la salle de presse du Vatican, le P. Federico Lombardi, sj.

P. Federico Lombardi – Sainteté, nous vous remercions beaucoup de nous donner cette fois encore l’occasion d’une rencontre avec vous au début d’un voyage si important et si exigeant. Il nous donne aussi l’occasion de vous souhaiter un bon voyage et de vous dire que nous collaborerons à la diffusion des messages que vous nous confierez. Comme c’est la coutume, les questions que je pose maintenant sont le résultat des questions des collègues ici présents. Je les pose pour des motifs de facilité mais en réalité c’est le fruit d’un travail commun.

Sainteté, ce voyage survient à un moment très délicat pour le Moyen Orient : il y a de fortes tensions – à l’occasion de la crise de Gaza, on avait aussi pensé que vous alliez peut-être y renoncer. En même temps, quelques jours après votre voyage, les principaux responsables politiques d’Israël et l’Autorité palestinienne rencontreront aussi le président Obama. Vous pensez apporter une contribution au processus de paix qui semble actuellement enlisé ?

Benoît XVI – Bonjour ! Je voudrais avant tout vous remercier pour le travail que vous faites et nous nous souhaitons ensemble un bon voyage, un bon pèlerinage, un bon retour. Pour ce qui est de la question, je cherche certainement à contribuer à la paix non en tant qu’individu, mais au nom de l’Eglise catholique, du Saint-Siège. Nous ne sommes pas un pouvoir politique, mais une force spirituelle et cette force spirituelle est une réalité qui peut contribuer aux progrès du processus de paix. Je vois trois niveaux : en tant que croyants, nous sommes convaincus que la prière est une vraie force. Elle ouvre le monde à Dieu : nous sommes convaincus que Dieu écoute et peut agir dans l’histoire. Je pense que si des millions de personnes, de croyants, prient, c’est réellement une force qui influe et qui peut contribuer à faire progresser la paix.

Second point : nous cherchons à aider à la formation des consciences. La conscience est cette capacité de l’homme à percevoir la vérité, mais cette capacité est souvent contrecarrée par des intérêts particulier. Et libérer de ces intérêts, ouvrir davantage à la vérité, aux vraies valeurs est une grande tâche : c’est la tâche de l’Eglise d’aider à connaître les vrais critères, les vraies valeurs, et de nous libérer d’intérêts particuliers.

Et ainsi, troisième point, nous parlons aussi – il en est vraiment ainsi – à la raison : c’est justement parce que nous ne sommes pas une « partie » politique que nous pouvons peut-être plus facilement, aussi à la lumière de la foi, voir les vrais critères, aider à comprendre ce qui contribue à la paix et parler à la raison, soutenir les positions vraiment raisonnables. Ceci nous l’avons déjà fait, et nous voulons le faire encore maintenant, et à l’avenir.

P. Federico Lombardi – Merci, Sainteté. La deuxième question est : En tant que théologien, vous avez réfléchi en particulier sur l’unique racine qui rapproche les chrétiens et les juifs. Comment donc, en dépit des efforts de dialogue, y a-t-il souvent des occasions de malentendus ? Comment voyez-vous l’avenir du dialogue entre les deux communautés ?

Benoît XVI – C’est important qu’en réalité nous ayons la même racine, les mêmes Livres de l’Ancien Testament qui sont – pour les juifs comme pour nous – Livre de la Révélation. Mais, naturellement, après deux mille ans d’histoires distinctes, et même séparées, il ne faut pas s’étonner s’il y a des malentendus, parce que se sont formées des traditions d’interprétation, de langage, de pensée, très différentes, en quelque sorte un « cosmos sémantique », très différent, si bien que les mêmes mots signifient des choses différentes d’un côté et de l’autre. Et en utilisant des mots qui, au cours de l’histoire, ont formé des significations différentes, naissent évidemment des malentendus.

Nous devons tout faire pour apprendre chacun le langage de l’autre, et il me semble que nous faisons de grands progrès. Nous avons aujourd’hui la possibilité que des jeunes, futurs professeurs de théologie, étudient à Jérusalem, à l’Université Hébraïque, et les juifs ont des contacts académiques avec nous : ainsi, il y a une rencontre entre ces « cosmos sémantiques » différents.

Nous apprenons les uns et les autres et nous avançons sur la voie du vrai dialogue, nous apprenons l’un de l’autre, et je suis sûr et convaincu que nous faisons des progrès. Et ceci aidera aussi la paix, et même l’amour réciproque.

P. Federico Lombardi – Sainteté, ce voyage a deux dimensions essentielles pour le dialogue interreligieux : avec l’islam et avec le judaïsme. Ce sont deux directions complètement séparées : y aura-t-il aussi un message commun concernant les trois religions qui se réclament d’Abraham ?

Benoît XVI – Certainement, il existe un message commun et ce sera l’occasion de le faire et en dépit de la diversité des origines, nous avons des racines communes parce que, comme je l’ai déjà dit, le christianisme naît de l’Ancien Testament, et l’écriture du Nouveau Testament n’aurait pas existé sans l’Ancien, parce qu’il se réfère en permanence à l’Ecriture, c’est-à-dire à l’Ancien Testament. Mais l’islam aussi est né dans un milieu où étaient présents et le judaïsme et différentes branches du christianisme – judéo-christianisme, christianisme antiochien byzantin – , et toutes ces circonstances se reflètent dans la tradition coranique si bien que nous avons tant en commun depuis les origines et dans la foi dans le Dieu unique. C’est pour cela qu’il est important d’une part d’avoir les dialogues bilatéraux – avec le judaïsme et avec l’islam – et puis le dialogue trilatéral.

J’ai moi-même été le co-fondateur d’une fondation pour le dialogue entre les trois religions dans laquelle il y avait ensemble des personnalités comme le métropolite Damaskinos et le grand rabbin de France, René Samuel Sirat, etc : cette fondation a aussi fait une édition des livres des trois religions, le Coran, le Nouveau testament et l’Ancien Testament. Le dialogue trilatéral doit donc se poursuivre et il est aussi très important pour la paix et, disons, pour bien vivre sa propre religion.

P. Federico Lombardi – Une dernière question : Sainteté, vous avez souvent rappelé le problème de la diminution du nombre des chrétiens au Moyen Orient et en particulier en Terre Sainte. C’est un phénomène qui a différentes causes de caractère politique, économique et social. Que peut-on faire concrètement pour aider la présence chrétienne dans la région ? Quelle contribution espérez-vous apporter par votre voyage ? Y a-t-il une espérance pour ces chrétiens à l’avenir ? Vous avez un message particulier aussi pour les chrétiens de Gaza qui viendront vous rencontrer à Bethléem ?

Benoît XVI – Bien sûr qu’il y a une espérance ! Comme vous l’avez dit, le moment actuel est difficile mais c’est aussi un moment d’espérance en un nouveau début, un nouvel élan sur le chemin de la paix et nous voulons surtout encourager les chrétiens
de Terre Sainte et de tout le Moyen Orient à rester, à apporter leur contribution aux pays de leurs origines : ils sont une composante importante de la vie de ces régions. Concrètement, l’Eglise, à côté des paroles d’encouragement, de la prière commune, a surtout des écoles et des hôpitaux. Dans ce sens, nous avons la présence de réalités très concrètes. Nos écoles forment une génération qui aura la possibilité d’être présente dans la vie d’aujourd’hui, dans la vie publique.

Nous sommes en train de créer cette Université catholique de Jordanie, il me semble que c’est une grande perspective où les jeunes, musulmans ou chrétiens, se rencontrent, apprennent ensemble, où se forme une élite chrétienne qui soit justement préparée à travailler pour la paix.

Mais, en général, nos écoles sont un moment très important pour ouvrir un avenir aux chrétiens et les hôpitaux manifestent notre présence. En outre, il existe de nombreuses associations chrétiennes qui aident de différentes façons les chrétiens et par des aides concrètes, les encouragent à rester. J’espère qu’ainsi les chrétiens puissent réellement trouver le courage, l’humilité, la patience d’être dans ces pays, d’offrir leur contribution à l’avenir de ces pays.

P. Federico Lombardi – Merci, Sainteté. Par ces réponses, vous nous avez aidés à situer notre voyage d’un point de vue spirituel, d’un point de vue culturel et je renouvelle nos souhaits, y compris de la part de tous les collègues qui sont sur ce vol, et aussi les autres qui sont en vol pour la Terre sainte, en ce moment, justement pour participer et aider du point de vue de l’information au résultat positif de cette mission si exigeante. Bon voyage à vous, et à tous vos collaborateurs, et bon travail aussi aux collègues.

Transcription en italien : Radio Vatican

Traduction : Zenit (Anita S. Bourdin)

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ZENIT Staff

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