ROME, Lundi 9 mars 2009 (ZENIT.org) – Le 26 février, le pape Benoît XVI a rencontré les curés et les prêtres du diocèse de Rome, comme il le fait chaque année en début de carême. Les prêtres ont posé huit questions, sur différents thèmes, au pape.
Nous publions ci-dessous une synthèse de la sixième question, et la réponse de Benoît XVI.
Le P. Lucio Maria Zappatore, carmélite, a posé une question sur le ministère pétrinien.
« Vous avez parlé du ministère singulier et spécifique de l’évêque de Rome, qui préside à la communion universelle de la charité. Je vous demande de poursuivre cette réflexion, en l’élargissant à l’Eglise universelle : quel est le charisme singulier de l’Eglise de Rome et quelles sont les caractéristiques qui font qu’elle est, par un don mystérieux de la Providence, unique au monde ? L’Eglise de Rome a pour évêque le pape de l’Eglise universelle : quelles en sont les conséquences sur sa mission, aujourd’hui en particulier ?… nous voulons savoir comment vivre ce charisme, ce don de vivre comme prêtres à Rome et ce que vous attendez de nous, prêtres romains. Dans quelques jours, vous vous rendrez au Capitole pour rencontrer les autorités civiles de Rome et vous parlerez des problèmes matériels de notre ville : aujourd’hui, nous vous demandons de nous parler des problèmes spirituels de Rome et de son Eglise. Et, à propos de votre visite au Capitole, je me suis permis de vous dédier un sonnet en dialecte romain, en vous demandant d’avoir la patience de l’écouter : le Pape qui monte au Capitole / c’est quelque chose à couper le souffle / parce que cette fois-ci s’il sort de son siège / c’est qu’il pense du bien de ses voisins. / Le maire et le conseil municipal avec fierté / l’ont invité, de tout leur cœur, / parce qu’à Rome, c’est bien connu, que tu le veuilles ou non, / pas moyen de se passer de la papauté. / Rome, tu as eu dans le cœur / la force d’apporter la civilisation. / Quand Pierre t’a imposé la barrette sur la tête / Dieu t’a fait devenir éternelle. / Accueille donc le Pape Benoît / qui monte pour te bénir et te remercier ! »
Benoît XVI – Merci. Nous avons entendu parler le cœur romain, qui est un cœur de poésie. Il est beau d’entendre un peu parler en dialecte romain et d’entendre que la poésie est profondément enracinée dans le cœur romain. C’est peut-être un privilège naturel que le Seigneur a donné aux romains. C’est un charisme naturel qui précède les charismes ecclésiaux.
Votre question, si j’ai bien compris, est composée de deux parties. Tout d’abord, quelle est la responsabilité concrète de l’évêque de Rome aujourd’hui ? Mais ensuite, vous étendez à juste titre le privilège pétrinien à toute l’Eglise de Rome – c’est également ainsi qu’il était considéré dans l’Eglise antique – et vous demandez quels sont les devoirs de l’Eglise de Rome pour répondre à cette vocation.
Il n’est pas nécessaire de développer ici la doctrine du primat, vous la connaissez tous très bien. Il est important de s’arrêter sur le fait que le Successeur de Pierre, le ministère de Pierre, garantit réellement l’universalité de l’Eglise, cette transcendance des nationalismes et d’autres frontières qui existent dans l’humanité d’aujourd’hui pour être vraiment une Eglise dans la diversité et dans la richesse des si nombreuses cultures.
Nous constatons que les autres communautés ecclésiales également, les autres Eglises ressentent le besoin d’un point d’unité pour ne pas tomber dans le nationalisme, dans l’identification d’une culture déterminée, pour être réellement ouvertes, toutes pour toutes et pour être en quelque sorte contraintes à s’ouvrir toujours vers toutes les autres. Il me semble que c’est là le ministère fondamental du Successeur de Pierre : garantir cette catholicité qui implique la multiplicité, la diversité, la richesse de cultures, le respect des diversités et qui, dans le même temps exclut l’absolutisation et les unit toutes, les oblige à s’ouvrir, à sortir de l’absolutisation de soi pour se trouver dans l’unité de la famille de Dieu que le Seigneur a voulue et pour laquelle il garantit le Successeur de Pierre, comme unité dans la diversité.
Naturellement, l’Eglise du Successeur de Pierre doit porter, avec son évêque, ce poids, cette joie du don de sa responsabilité. Dans l’apocalypse, l’évêque apparaît en effet comme l’ange de son Eglise, c’est-à-dire un peu comme l’intégralité de son Eglise, à laquelle doit répondre l’être même de l’Eglise. Par conséquent, l’Eglise de Rome, avec le Successeur de Pierre et en tant que son Eglise particulière, doit précisément garantir cette universalité, cette ouverture, cette responsabilité pour la transcendance de l’amour, cette suprématie de l’amour qui exclut les particularismes. Elle doit aussi garantir la fidélité à la Parole du Seigneur, au don de la foi, que nous n’avons pas inventée, mais qui est réellement le don qui ne pouvait venir que de Dieu seul. C’est et ce sera toujours le devoir, mais aussi le privilège, de l’Eglise de Rome, contre les modes, contre les particularismes, contre l’absolutisation de certains aspects, contre des hérésies qui sont toujours des absolutisations d’un aspect. C’est également le devoir de garantir l’universalité et la fidélité à l’intégralité, à la richesse de sa foi, de son chemin dans l’histoire qui s’ouvre toujours à l’avenir. Et avec ce témoignage de la foi et de l’universalité, naturellement elle doit donner l’exemple de la charité.
C’est ce que nous dit saint Ignace, en voyant dans ce mot un peu énigmatique, le sacrement de l’Eucharistie, l’action de l’amour pour les autres. Et cela, pour revenir au point précédent, est très important : à savoir cette identification avec l’Eucharistie qui est agapè, qui est charité, qui est la présence de la charité qui s’est donnée dans le Christ. Elle doit toujours être charité, signe et cause de charité dans l’ouverture vers les autres, de ce don de soi aux autres, de cette responsabilité envers les plus démunis, les plus pauvres, les oubliés. C’est là une grande responsabilité.
Présider dans l’Eucharistie conduit à présider dans la charité, qui ne peut être témoignée que par la communauté elle-même. Tel me semble le grand devoir, la grande question posée à l’Eglise de Rome : être réellement un exemple et un point de départ de la charité. En ce sens elle est une citadelle de la charité.
Au sein du presbyterium de Rome nous sommes de tous les continents, de toutes les races, de toutes les philosophies et de toutes les cultures. Je suis heureux que le presbyterium de Rome exprime justement l’universalité, se trouve dans l’unité de la petite Eglise locale la présence de l’Eglise universelle. Le plus difficile et le plus exigeant est d’être aussi et réellement porteurs du témoignage de la charité, d’être parmi les autres avec notre Seigneur. Nous ne pouvons que prier le Seigneur qu’il nous aide dans les paroisses particulières, dans les communautés particulières, et que tous ensemble nous puissions être réellement fidèles à ce don, à ce mandat : présider à la charité.
© Copyright du texte original en italien : Librairie Editrice du Vatican
Traduction : Zenit