ROME, Mardi 13 janvier 2009 (ZENIT.org) – Nous reprenons ci-dessous le texte intégral de l’entretien que l’évêque de Téhéran des Chaldéens et président de la Conférence épiscopale iranienne a accordé à Radio Vatican à quelques jours de la visite ad limina des évêques iraniens au Vatican.
RV – Les chrétiens en Iran représentent une petite minorité. Que peut-on dire de cette communauté ?
Mgr Garmou – Il serait bon de dire un mot sur l’histoire de l’Eglise en Iran. Selon les informations dont nous disposons, l’Eglise en Iran est le fruit de l’œuvre d’évangélisation de l’Apôtre Thomas et de ses disciples. Ses origines peuvent donc remonter au Ier siècle après J.C. Durant les premiers siècles, cette Eglise a connu une expansion extraordinaire. Ses missionnaires ont été les premiers à annoncer l’Evangile à des peuples très éloignés comme en Chine, en Corée et au Japon. Elle a aussi connu de dures persécutions au temps des Sassanides, en particulier sous le règne de Shapur II (IV siècle ap. J.C) qui fit persécuter les chrétiens pendant 40 ans. C’est ce sang des martyrs qui a permis à l’Eglise en Iran et en Orient de trouver la force et le courage de continuer sa mission dans cette région. Aujourd’hui, c’est une petite communauté. Sur 70 millions d’habitants, on compte près de 100 000 chrétiens. Environ 80 000 appartiennent à l’Eglise arménienne orthodoxe. Les catholiques appartiennent à trois rites : chaldéen, arménien et latin. Mais ‘minorité’ ne signifie pas ‘manque de clairvoyance’. Une minorité peut grandir et avoir des racines dans le pays. Il suffit de penser aux paroles de Jésus : ‘Vous êtes le sel de la terre et la lumière du monde’. On peut donner du goût à beaucoup d’aliments avec un peu de sel. Nous aussi, malgré les limites de notre communauté, nous espérons dans la grâce de Dieu et le témoignage de nos fidèles pour continuer la mission de l’Eglise dans ce pays. Nous rendons grâce à Dieu, parce que le sentiment religieux est encore vivant dans notre communauté. Nous avons des jeunes engagés dans la pastorale et nous avons quelques vocations sacerdotales et religieuses. Tout ceci est le signe que Dieu travaille dans notre Eglise, malgré les limites qui nous sont imposées. Ce qui caractérise notre Eglise et notre population chrétienne, c’est l’émigration. Au cours des trente dernières années, une bonne partie de nos fidèles ont quitté le pays et, malheureusement, l’émigration continue. Seul Dieu sait quel sera l’avenir de notre pays, mais nous croyons que si celui qui reste est fidèle à sa vocation chrétienne, nous aurons un avenir éclatant.
RV – L’Eglise a vécu des moments difficiles. Quelle est sa situation aujourd’hui ? Et quels sont aujourd’hui les principaux défis pastoraux ?
Mgr Garmou – L’Eglise vit des situations difficiles dans tous les pays, même en Europe où elle a, face à elle, des défis comme la sécularisation et l’indifférence religieuse, la perte des valeurs morales et spirituelles. Nous aussi, comme les autres Eglises, nous avons des difficultés : cela est normal pour des personnes qui veulent vivre leur foi et en témoigner. Malgré tout, selon la Constitution de la République islamique d’Iran, les chrétiens sont officiellement reconnus comme minorité religieuse. Nous avons donc la liberté, au sein de nos églises, de pratiquer notre culte et de donner une formation chrétienne à nos fidèles. Nos églises sont ouvertes pour le culte et la formation chrétienne. Selon moi, l’un des défis auquel nous devons faire face aujourd’hui est celui d’aider les fidèles à passer d’une foi sociologique, ethnique, transmise par les parents à une foi qui soit une expérience spirituelle authentique, un témoignage de vie, et donc, avant tout, un don de l’Esprit Saint. Ce passage est nécessaire et nous cherchons à le mettre en pratique à travers des rencontres, des réunions, des prédications. Il y a un autre défi qui est celui de travailler pour l’unité des chrétiens. Nous sommes une petite communauté divisée en plusieurs communautés, et c’est encore aujourd’hui un scandale pour nous, chrétiens. Il faut donc faire tout notre possible pour que les chrétiens puissent vivre en communion, pour que leur témoignage soit plus crédible auprès des autres. Nous devons aussi prendre conscience que nous sommes une petite minorité mais que Dieu peut faire de grandes œuvres à travers nous. L’importance d’une Eglise ne réside pas dans sa visibilité, dans sa grandeur visible, mais dans la qualité de sa foi, et dans le témoignage de ses fidèles. Il faut donc croire que, en dépit du nombre, Dieu peut réaliser des merveilles pour nous, à condition que nous écoutions sa voix et que nous fassions sa volonté.
RV – Quelles sont les relations que vous entretenez avec les autres Eglises dans le pays ?
Mgr Garmou – Nous avons des relations fraternelles entre évêques et prêtres, mais malheureusement, le dialogue œcuménique n’a pas assez été poussé. Nous nous contentons d’une rencontre de prière pour l’unité des chrétiens, une fois par an. Mais à mon avis, cela ne suffit pas. Il faut donc intensifier et approfondir le dialogue œcuménique pour répondre à la volonté de Jésus, afin que tous ceux qui croient en Lui « soient un, afin que le monde croie ».
RV – Qu’attendez vous de cette visite Ad limina et de la rencontre avec le Saint Père ?
Mgr Garmou – Cette visite traditionnelle manifeste, avant tout, la communion des évêques du monde entier avec l’Evêque de Rome qui est aussi le Pasteur universel de l’Eglise catholique. Ainsi, nous aussi, évêques catholiques d’Iran, nous venons pour manifester cette communion avec le Saint Père. Nous attendons par ailleurs qu’il nous confirme dans la foi, dans la profonde conviction que nous avons une mission à accomplir en Iran. Nous souhaitons aussi que le Saint-Siège soit plus informé sur la situation des chrétiens en Iran : nous espérons que cette visite nous aidera à être mieux compris par les différents dicastères (…) pour établir une collaboration plus utile et fructueuse pour l’Eglise.