ROME, Jeudi 27 novembre 2008 (ZENIT.org) – Face à la crise financière actuelle, le Saint-Siège propose de « repenser le système financier international » de manière à ce que la finance retrouve sa vraie nature qui consiste à servir le développement et le bien commun.
Cette proposition constitue le cœur de la Note rendue publique par le Saint-Siège en vue de la conférence de Doha (Qatar), organisée par les Nations unies sur le financement au développement, qui se tiendra du 29 novembre au 2 décembre.
Dans ce document, le Conseil pontifical justice et paix, qui en est l’auteur, se demande s’il ne faudrait pas que les Nations se posent la question : « Comment en est-on arrivé à cette situation désastreuse, après une décennie pendant laquelle se sont multipliés les discours sur l’éthique des affaires et de la finance et que s’est répandue l’adoption de codes éthiques ? ».
Partageant l’avis de nombreux experts, le Saint-Siège estime que « la crise financière actuelle est essentiellement une crise de confiance », et que l’une de ses causes principales est « l’utilisation excessive du ‘levier’ financier par les opérateurs, et le manque de considération accordée aux éléments de risque que cela implique ». Mais le Saint-Siège reconnaît surtout « un écart plus marqué entre la nécessité que la finance exerce sa fonction ‘réelle’ de pont entre le présent et l’avenir, et l’horizon temporel de référence des opérateurs, substantiellement collé au présent ».
En d’autres termes, la recherche du gain, à brève échéance, fait que la finance n’exerce plus sa fonction qui consiste à promouvoir le développement économique. Ainsi, plus qu’une révision, le Saint-Siège réclame la nécessité d’une refonte totale du système.
Paradis fiscaux
Parmi les causes de la crise actuelle, le Saint-Siège dénonce l’existence de « paradis fiscaux » ou « marchés financiers offshore », coupables d’avoir alimenté la crise et d’avoir provoqué son développement.
Ce type de marchés, affirme le document, a « permis un réseau de pratiques économiques et financières démentes : fuites de capitaux aux proportions gigantesques, flux ‘légaux’ motivés par des objectifs d’évasion fiscale et canalisés à travers la sur /sous facturation des flux commerciaux internationaux, recyclage de fonds issus d’activités illégales ».
L’utilisation de ces marchés a produit un double effet négatif : d’un côté elle a favorisé les revenus les plus élevés, qui peuvent échapper au contrôle fiscal dans leurs propres pays, et pénalisé les petits revenus, soit les travailleurs et les petites entreprises. De l’autre, elle a entraîné « un report de la taxation du capital sur la taxation du travail ».
Dans ces marchés, une série de personnes et institutions gèrent « environ 860 milliards de dollars par an, ce qui correspondrait à un manque à gagner fiscal d’environ 255 milliards de dollars : plus de trois fois le montant de l’aide au développement public de la part des pays de l’Organisation pour la coopération et le développement économique, l’OCDE ».
Le Saint-Siège pense que la situation actuelle est due au fait que « certaines questions importantes n’aient pas été affrontées tout de suite et correctement : traçabilité des mouvements financiers, vérification des comptes et des opérations relatifs aux nouveaux instruments financiers, estimation du facteur risque ».
« Certaines autorités, en particulier dans les pays financièrement plus développés, ont renvoyé des choix ponctuels, sous prétexte d’avantages économiques, dus à l’existence d’une industrie financière forte sur leur sol, qui ne durent que le temps de l’euphorie financière ».
Une nouvelle morale économique
Pour le Saint-Siège, la solution de la crise passe par un pacte international en matière de finance et de fiscalité, pour favoriser le retour à la confiance et à la transparence.
« Les marchés financiers ne peuvent opérer sans la confiance ; et sans la transparence et sans règles il ne peut y avoir de confiance. Le bon fonctionnement du marché exige une intervention importante de l’Etat, et le cas échéant, celle de la communauté internationale, qui doit fixer et faire respecter des règles de transparence et de prudence ».
Toutefois, il ne pourra y avoir de solutions tant que ne s’affirmera pas une « conscience morale bien formée », vu que les normes, à elles seules, ne peuvent garantir le fonctionnement de l’économie.
« Aucune intervention de régulation ne peut ‘garantir’ son efficacité en faisant abstraction de la conscience morale bien formée et de la responsabilité quotidienne des opérateurs du marché, en particulier celles des entrepreneurs et des grands agents financiers », prévient le Saint-Siège.
« Jamais l’homme ne pourra changer ou trouver son salut simplement de l’extérieur ».
C’est pourquoi, « il faut atteindre l’être moral plus profond des personnes, il faut une réelle éducation à l’exercice de la responsabilité vis-à-vis du bien de tous, de la part de tous les sujets, à tous les niveaux : agents financiers, familles, entreprises, institutions financières, autorités publiques, société civile ».
Cette éducation à la responsabilité « peut trouver un fondement solide dans certains principes de la doctrine sociale de l’Eglise, un patrimoine qui est commun à tous et constitue la base de toute la vie sociale : le bien commun universel, la destination universelle des biens, la priorité du travail sur le capital ».
A ce propos, l’Eglise estime qu’il faudrait repenser au travail des opérateurs financiers, les premiers soumis à l’ « absolue ‘priorité du capital’ », celle-ci les pliant à « de très longues et exténuantes heures de travail, et à des limites de temps très courtes pour prendre des décisions ».
Inma Álvarez