ROME, Mardi 11 novembre 2008 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le document « Orientations pour l’utilisation de la psychologie dans l’admission et la formation des candidats au sacerdoce », publié par la Congrégation pour l’éducation catholique.
CONGRÉGATION POUR L’EDUCATION CATHOLIQUE
ORIENTATIONS POUR L’UTILISATION DE LA PSYCHOLOGIE
DANS L’ADMISSION ET LA FORMATION DES CANDIDATS AU SACERDOCE
I. L’Église et le discernement des vocations
1. « Toute vocation chrétienne vient de Dieu, est don de Dieu ; mais elle n’est jamais donnée en dehors ou indépendamment de l’Église. Elle passe toujours dans l’Église et par l’Église […], lumineux et vivant reflet du mystère de la sainte Trinité » [1].
L’Église, « génératrice et éducatrice de vocations » [2], a le devoir de discerner la vocation et l’idonéité des candidats au ministère sacerdotal. En effet, « l’appel intérieur de l’Esprit a besoin d’être confirmé par l’appel authentique de l’évêque » [3].
Dans la promotion de ce discernement et dans la formation complète au ministère, l’Église est conduite par une double attention : sauvegarder le bien de sa mission et celui des candidats. En effet, comme toute vocation chrétienne, la vocation au sacerdoce présente, unie à sa dimension christologique, une dimension ecclésiale essentielle : « non seulement [elle] dérive « de » l’Église et de sa médiation ; non seulement elle se fait reconnaître et s’accomplit « dans » l’Église ; mais – dans le service fondamental qu’elle rend à Dieu – elle se présente aussi et nécessairement comme rendant service « à » l’Église. La vocation chrétienne, dans toutes ses formes, est un don destiné à l’édification de l’Église, à la croissance du Règne de Dieu dans le monde » [4].
Par conséquent, loin d’être opposés, le bien de l’Église et celui du candidat convergent. Les responsables de la formation sont engagés à les harmoniser, les considérant toujours ensemble dans leur interdépendance dynamique : ceci constitue un aspect essentiel de la grande responsabilité de leur service à l’Église et aux personnes [5].
2. Le ministère sacerdotal, entendu et vécu comme configuration au Christ Époux et Bon pasteur, demande des dons ainsi que des vertus morales et théologales, soutenues par un équilibre humain et psychique, particulièrement affectif. Celui-ci dispose le sujet à un don de soi vraiment libre pour les fidèles en une vie célibataire [6].
L’exhortation apostolique post-synodale Pastores dabo vobis traite des diverses dimensions de la formation sacerdotale, humaine, spirituelle, intellectuelle, pastorale. Avant de s’arrêter à la dimension spirituelle qui est « l’élément le plus important dans l’éducation sacerdotale » [7], elle relève que la dimension humaine est le fondement de toute la formation. Elle énumère une série de vertus humaines et de capacités relationnelles qui sont requises pour le prêtre, afin que sa personnalité soit « un «pont» et non un obstacle pour les autres dans la rencontre avec Jésus Christ Rédempteur de l’homme » [8]. Celles-ci vont de l’équilibre général de la personnalité à la capacité de porter le poids des responsabilités pastorales, de la connaissance profonde de l’âme humaine au sens de la justice et de la loyauté [9].
Certaines de ces qualités méritent une attention particulière : une appropriation positive et stable de son identité masculine ; la capacité d’entrer en relation de manière mûre avec d’autres personnes ou des groupes de personnes ; un solide sens de l’appartenance, fondement de la communion future avec le presbytérium et d’une coopération responsable au ministère de l’évêque [10]; la liberté de s’enthousiasmer pour de grands idéaux et la cohérence dans la réalisation du travail quotidien ; le courage de prendre des décisions et d’y rester fidèle ; la connaissance de soi, de ses dons et de ses limites, les intégrant dans une estime de soi devant Dieu ; la capacité de se corriger ; le goût pour la beauté entendue comme « splendeur de la vérité » et l’art de la reconnaître ; la confiance qui naît de l’estime pour autrui et qui porte à l’accueil ; la capacité à intégrer, selon la vision chrétienne, sa sexualité, notamment dans le cadre de l’obligation du célibat [11].
De telles dispositions intérieures se façonneront dans le chemin de formation du futur prêtre, lequel, homme de Dieu et de l’Église, est appelé à édifier la communauté ecclésiale. Amoureux de l’Éternel, il est porté à une valorisation authentique et intégrale de l’homme ; il est appelé à vivre toujours plus la richesse de son affectivité dans le don de soi au Dieu un et trine, ainsi qu’à ses frères, particulièrement à ceux qui souffrent.
Il s’agit, évidemment, d’objectifs qui ne peuvent être atteints que si le candidat cherche à correspondre jour après jour à l’œuvre de la grâce en lui ; il les atteindra progressivement, selon un cheminement long et pas toujours linéaire [12].
Les dynamiques humaines et spirituelles s’entrelacent de manière admirable et exigeante dans la vocation. Conscient de cela, le candidat ne peut que tirer avantage d’un discernement attentif et responsable. Celui-ci cherchera à personnaliser le chemin de formation et à dépasser peu à peu les éventuelles carences spirituelles et humaines. C’est un devoir de l’Église de fournir aux candidats une intégration efficace de la dimension humaine à la lumière de la dimension spirituelle où elles s’ouvrent et se complètent [13].
II. Préparation des formateurs
3. Tout formateur doit être un bon connaisseur de la personne humaine, de ses rythmes de croissance, de ses potentialités et de ses faiblesses, ainsi que de sa manière de vivre la relation avec Dieu. Aussi est-il souhaitable que les évêques, jouissant d’expériences, de programmes et d’institutions bien éprouvées, pourvoient à une préparation idoine des formateurs dans la pédagogie vocationnelle, selon les indications déjà données par la Congrégation pour l’Éducation catholique [14].
Les formateurs ont besoin de préparation adéquate pour opérer un discernement dans le plein respect de la doctrine de l’Église sur la vocation sacerdotale. Ce discernement permettra de décider de manière raisonnablement certaine de l’admission dans un Séminaire ou une maison de formation de religieux clercs ou de la démission de ceux-ci pour motifs de non-idonéité. Il permettra aussi d’accompagner le candidat vers l’acquisition de ces vertus morales et théologales nécessaires pour vivre en cohérence et liberté intérieure la donation totale de sa vie comme « serviteur de l’Église communion » [15].
4. Le document Orientations éducatives pour la formation au célibat sacerdotal, de la Congrégation pour l’Éducation catholique, reconnaît que « les erreurs de discernement des vocations ne sont pas rares, et trop d’inaptitudes psychiques, plus ou moins pathologiques, ne se manifestent qu’après l’ordination sacerdotale. Les discerner à temps permettra d’éviter beaucoup de drames » [16].
Ceci exige que tout formateur ait la sensibilité et la préparation psychologique adéquate [17] pour être en mesure, autant que faire se peut, de percevoir les motivations réelles du candidat, de discerner les obstacles s’opposant à l’intégration humaine et chrétienne, ainsi que les pathologies psychiques éventuelles. Il doit peser avec soin et grande prudence l’histoire du candidat. Toutefois, celle-ci seule ne peut constituer le critère décisif et suffisant pour juger l’admission ou la démission de la formation. Le formateur doit savoir évaluer la personne dans sa globalité et son développement – avec ses points forts et ses points faibles -, la conscience qu’il a de ses problèmes et la maîtrise responsable de son comportement.
Pour cela, chaque fo
rmateur doit être préparé, à l’aide de cours spécifiques, à la compréhension plus profonde de la personne humaine et des exigences de sa formation au ministère ordonné. A cette fin, les rencontres et clarifications avec des psychologues sur certains thèmes peuvent être très utiles.
III. Contribution de la psychologie au discernement et à la formation
5. En tant qu’ils sont le fruit d’un don particulier de Dieu, la vocation au sacerdoce et son discernement échappent aux compétences strictes de la psychologie. Toutefois, pour une évaluation plus assurée de la situation psychique du candidat, de ses aptitudes humaines à répondre à l’appel divin, puis, pour une aide dans sa croissance humaine, le recours à des « psychologues » peut être utile en certains cas. Ceux-ci peuvent offrir aux formateurs non seulement un avis sur le diagnostic et la thérapie éventuelle des perturbations psychiques, mais aussi une contribution pour soutenir le développement des qualités humaines, surtout relationnelles, requises par l’exercice du ministère [18], en suggérant des cheminements qui favorisent une réponse plus libre à la vocation.
De même, la formation au sacerdoce doit prendre en compte les multiples manifestations de cet équilibre qui s’enracine dans le cœur de l’homme [19]: celles-ci se manifestent de manière particulière dans les contradictions entre l’idéal d’oblation auquel le candidat aspire en toute conscience, et sa vie concrète. Elle doit aussi considérer les difficultés liées au développement progressif des vertus morales. L’aide du père spirituel et du confesseur est fondamentale et incontournable pour que, avec la grâce de Dieu, le candidat dépasse ces difficultés. Néanmoins, en certains cas, le développement de ces qualités morales est contrarié par des blessures passées qui ne sont pas encore assimilées.
En effet, ceux qui aujourd’hui demandent d’entrer dans un Séminaire reflètent, de manière plus ou moins aiguë, le malaise d’une mentalité actuelle caractérisée par le consumérisme, l’instabilité dans les relations familiales et sociales, le relativisme moral, les visions erronées de la sexualité, la précarité des choix, un travail systématique de négation des valeurs, surtout de la part des mass media.
Parmi les candidats, certains ont vécu des expériences particulières – humaines, familiales, professionnelles, intellectuelles, affectives – qui, de différentes manières, ont laissé des blessures pas encore guéries. Celles- ci provoquent des perturbations dont le candidat ignore la portée réelle, qu’il attribue souvent de manière erronée à des causes extérieures à lui- même et que, par conséquent, il ne peut affronter adéquatement [20].
Il est évident que tout ceci peut conditionner la capacité de progresser dans le chemin de formation vers le sacerdoce.
« Si casus ferat » [21] – c’est-à-dire dans les cas exceptionnels qui présentent des difficultés particulières -, le recours à des psychologues, soit avant l’admission au Séminaire soit durant le chemin de formation, peut aider le candidat dans le dépassement des blessures, en vue d’une intériorisation toujours plus profonde du style de vie de Jésus Bon Pasteur, Chef et Époux de l’Église [22].
En vue d’une évaluation adéquate de la personnalité du candidat, l’expert pourra recourir à des entrevues ou des tests, qu’il effectuera toujours avec le consentement préalable, informé, explicite et libre du candidat [23].
Du fait de la délicatesse particulière du sujet, les formateurs devront éviter l’emploi de moyens psychologiques trop spécialisés.
6. Il est utile que le Recteur et les autres formateurs puissent compter sur la collaboration de « psychologues ». Quoi qu’il en soit, ceux-ci ne pourront pas faire partie de l’équipe des formateurs. Ils devront avoir acquis une compétence spécifique dans le domaine vocationnel. A la compétence, ils joindront la sagesse de l’Esprit.
Le choix de ces « psychologues » évitera les confusions autant que les oppositions entre formations morale et spirituelle et veillera à leur intégration. Les experts se distingueront par leur solide maturité humaine et spirituelle. Ils s’inspireront d’une anthropologie conforme à la conception chrétienne de la personne humaine, la sexualité, la vocation au sacerdoce et au célibat, afin que leur intervention prenne en compte le mystère de l’homme dans son dialogue personnel avec Dieu selon la vision de l’Église.
Là où de tels experts ne seront pas disponibles, on pourvoira à leur préparation [24].
L’aide de la psychologie doit s’intégrer dans le cadre de la formation globale du candidat ; loin de s’opposer à l’accompagnement spirituel (qui a pour devoir de maintenir le candidat dans la vérité du ministère ordonné selon la vision de l’Église), elle en assurera de manière particulière la valeur. Le climat de foi, prière, méditation de la Parole de Dieu, étude de la théologie et vie communautaire – tous ces points sont fondamentaux pour la maturation d’une réponse généreuse à la vocation reçue de Dieu – aidera le candidat à comprendre correctement la signification et l’intégration du recours à la psychologie dans son chemin vocationnel.
7. Le recours aux « psychologues » devra être régulé, dans les divers pays, par les Rationes institutionis sacerdotalis et, dans chaque Séminaire, par les Ordinaires ou les Supérieurs majeurs compétents, en fidélité et en cohérence avec les principes et les directives du présent Document.
a) Discernement initial
8. À partir du moment où le candidat se présente pour être
accueilli au Séminaire, il est nécessaire que le formateur puisse en connaître avec soin la personnalité, les potentialités, les dispositions et les divers types éventuels de blessures, en en évaluant la nature et l’intensité.
Il ne faut pas oublier la tendance possible de certains candidats à minimiser ou à nier ses faiblesses : craignant de ne pas être compris et acceptés, ceux-ci ne parlent pas aux formateurs de certaines difficultés graves. Ils cultivent ainsi des attentes peu réalistes à l’égard de leur avenir. Tout à l’inverse, certains candidats tendent à gonfler leurs difficultés, les considérant comme des obstacles insurmontables sur le chemin de leur vocation.
Le discernement opportun des problèmes éventuels qui contrarient ce chemin – comme la dépendance affective excessive, l’agressivité disproportionnée, la capacité insuffisante à assumer ses responsabilités et à avoir des relations sereines, ouvertes et confiantes, la difficulté à collaborer avec ses frères et avec l’autorité, une identité sexuelle encore indifférenciée – ne peut qu’être un grand bienfait pour la personne, les institutions vocationnelles et l’Église.
Au début du discernement, l’aide de « psychologues » peut être nécessaire avant tout au plan diagnostic, au cas où il y ait un doute sur la présence de perturbations psychiques. S’il y avait la nécessité d’une thérapie, elle devrait être effectuée avant l’admission au Séminaire ou à la maison de formation.
L’aide d’experts peut aussi être utile aux formateurs pour tracer un chemin de formation personnalisé selon les exigences du candidat.
Dans l’évaluation de la capacité à vivre, dans la joie et la fidélité, le charisme du célibat – ce don total de sa vie à l’image du Christ Chef et Pasteur de l’Église -, on se souviendra qu’il n’est pas suffisant de s’assurer de la capacité à s’abstenir de l’exercice de la génitalité. Il est aussi nécessaire d’évaluer l’orientation sexuelle selon les indications émises par la Congrégation pour l’Éducation catholique [25]. La chasteté pour le Royaume, en effet, est beaucoup plus que la simple absence de relations sexuelles.
A la lumière des finalités indiquées, la consultation d’un psychologue peut, en certains cas, s’avérer utile.
b) Form
ation ultérieure
9. Dans la période de la formation, le recours aux « psychologues » répond aux nécessités engendrées par des crises éventuelles. Il peut aussi être utile pour soutenir le candidat dans son chemin vers une possession plus assurée des vertus morales ; il peut fournir au candidat une connaissance plus profonde de sa personnalité et contribuer à dépasser ou rendre moins rigides les résistances psychiques aux propositions de formation.
Une maîtrise plus grande non seulement de ses faiblesses mais aussi de ses forces humaines et spirituelles [26], permet de se donner avec conscience et liberté à Dieu, dans la responsabilité vis-à-vis de soi-même et de l’Église.
Certes, la maturité chrétienne et vocationnelle qu’il faut atteindre, est aidée par les compétences psychologiques et, plus encore, est illuminée et intégrée par les données de l’anthropologie de la vocation chrétienne, donc de la grâce. On ne doit toutefois pas minimiser le fait qu’elle ne sera jamais exempte de difficultés et de tensions qui requièrent une discipline intérieure, un esprit de sacrifice, une acceptation de la fatigue et de la Croix [27], et une confiance dans l’aide toujours offerte par la grâce [28].
10. Le chemin de formation devra être interrompu quand le candidat, nonobstant ses efforts, le soutien d’un psychologue ou la psychothérapie, continue à manifester une incapacité à affronter de manière réaliste, ou simplement avec la progressivité propre à toute croissance humaine, de graves immaturités (fortes dépendances affectives, manque notable de liberté dans les relations, rigidité excessive de caractère, manque de loyauté, identité sexuelle incertaine, tendances homosexuelles fortement enracinées, etc.).
Il en est de même lorsqu’il apparaît évident que le candidat présente des difficultés à vivre la chasteté dans le célibat, vécue comme une obligation à ce point pesante qu’elle compromet l’équilibre affectif et relationnel.
IV. La demande d’enquêtes spécifiques et le respect de l’intimité du candidat
11. Il appartient à l’Église de choisir les personnes qu’elle estime adaptées au ministère pastoral. Il est de son droit et de son devoir de vérifier la présence des qualités requises chez ceux qu’elle admet au ministère sacré [29].
Le canon 1051, 1º du Code de Droit Canonique prévoit que, pour le scrutin des qualités requis en vue de l’ordination, on pourvoit, entre autres, à une enquête sur l’état de santé physique et psychique du candidat [30].
Le canon 1052 affirme que l’évêque, afin de pouvoir procéder à l’ordination, doit avoir la certitude morale sur l’idonéité du candidat, « prouvée par des arguments positifs » (§ 1) et que, en cas de doute fondé, il ne doit pas procéder à l’ordination (§ 2).
Il s’en suit donc que l’Église a le droit de vérifier, aussi en recourant à la médecine et la psychologie, l’idonéité des futurs prêtres. En effet, il appartient à l’évêque ou au supérieur compétent non seulement de soumettre à l’examen cette idonéité du candidat, mais aussi de la reconnaître. Le candidat au presbytérat ne peut imposer ses conditions personnelles, mais doit accepter avec humilité et gratitude les normes et les conditions que pose l’Église, quant à ce qui concerne sa part de responsabilité [31]. Aussi, en cas de doute sur l’idonéité, l’admission au Séminaire ou à la maison de formation sera-t-elle possible parfois seulement après une évaluation psychologique de la personnalité.
12. Le droit et le devoir de l’institution de formation d’acquérir les connaissances nécessaires pour un jugement prudentiellement certain sur l’idonéité du candidat ne peuvent pas léser le droit à la bonne réputation dont jouit la personne, ni le droit à défendre son intimité, ainsi que le prescrit le can. 220 du Code de Droit Canonique. Cela signifie qu’on pourra procéder à la consultation d’un psychologue seulement avec le consentement préalable, informé, explicite et libre du candidat.
Les formateurs assureront une atmosphère de confiance de telle manière que le candidat puisse s’ouvrir et participer avec conviction à ce travail de discernement et d’accompagnement, offrant « sa collaboration de façon personnelle, convaincue, et de bon cœur » [32]. Il lui revient de s’ouvrir avec sincérité et confiance à ses propres formateurs. C’est seulement en se faisant sincèrement connaître d’eux qu’il peut être aidé dans son chemin spirituel – ce chemin que lui-même cherche en entrant au Séminaire.
Le climat éducatif entre étudiants et formateurs – marqué par l’ouverture et la transparence – ainsi que les motivations et les modalités avec lesquelles les formateurs suggéreront au candidat la consultation d’un psychologue, seront importants et souvent déterminants pour dépasser d’éventuelles incompréhensions.
On évitera l’impression qu’une telle suggestion signifie un prélude à une inévitable démission du Séminaire ou de la maison de formation.
Le candidat pourra librement s’adresser ou à un expert choisi parmi ceux indiqués par les formateurs, ou à quelqu’un qu’il a décidé et accepté de ceux-ci.
Selon les possibilités, le candidat doit toujours avoir la garantie de pouvoir librement choisir entre divers experts présentant les critères requis [33].
Au cas où le candidat, face à une demande motivée de la part des formateurs, refuse d’accéder à la consultation d’un psychologue, ceux-ci ne forceront en rien sa volonté et procéderont avec prudence dans le discernement, se fondant sur les connaissances à leur disposition et tenant compte du can. 1052 § 1 déjà cité.
V. La relation des responsables de la formation avec l’expert
a) Les responsables du for externe
13. En esprit de confiance réciproque et de collaboration à sa formation, le candidat pourra être invité à donner librement son consentement écrit afin que l’expert en psychologie, tenu au secret professionnel, puisse communiquer les résultats de la consultation aux formateurs que le candidat indique. Ceux-ci emploieront des informations ainsi acquises pour élaborer le tableau général de la personnalité du candidat et en tirer les indications opportunes pour son chemin de formation ultérieur ou son admission à l’ordination.
De manière à protéger, dans le présent et dans l’avenir, l’intimité et la bonne réputation du candidat, on prendra un soin particulier à ce que les communications de l’expert soient exclusivement accessibles aux responsables de la formation, avec l’interdiction précise et contraignante qu’ils en fassent un usage autre que pour le discernement vocationnel et la formation du candidat.
b) Le caractère spécifique de la direction spirituelle
14. Le père spirituel a une tâche qui n’est pas légère dans le discernement de la vocation, aussi au plan de la conscience.
L’aide psychologique ne peut en aucune manière se substituer à la direction spirituelle ; d’ailleurs la vie spirituelle favorise par elle-même une croissance dans les vertus humaines. S’il n’y a pas de blocage psychologique [34], mais un besoin de clarifier des doutes autrement insolubles, le père spirituel peut se trouver dans la nécessité de suggérer, sans toutefois jamais l’imposer, la consultation d’un psychologue ; cela lui permettra de procéder avec plus de sécurité dans le discernement et l’accompagnement spirituel [35].
Dans le cas d’une demande de consultation psychologique de la part du père spirituel, il est désirable que le candidat renseigne le père spirituel sur les résultats de cette consultation. Il informera aussi le formateur au for externe, spécialement si le père spirituel l’a invité à agir en ce sens.
Au cas où le père spirituel préfère obtenir directement les informations auprès de l’expert, il procède selon ce qui a été indiqué au n. 13 pour les formateurs au for externe.
A partir des ré
sultats de la consultation psychologique, le père spirituel tirera les indications opportunes pour le discernement concernant sa compétence et pour les conseils à donner au candidat aussi en vue de donner suite ou non au chemin de formation.
c) L’aide de l’expert pour le candidat et les formateurs
15. L’expert – en tant qu’il est requis – aidera le candidat à atteindre une plus grande connaissance de soi, de ses potentialités et vulnérabilités. Il l’aidera aussi à confronter les idéaux vocationnels proclamés par l’Église avec sa personnalité, en vue de stimuler une adhésion personnelle, consciente et libre à sa formation. Ce sera le travail de l’expert de fournir au candidat les indications opportunes sur les difficultés qu’il est en train d’expérimenter et sur leurs conséquences possibles pour sa vie et pour son futur ministère sacerdotal.
Une fois l’enquête effectuée, tenant compte aussi des indications offertes par les formateurs, l’expert, seulement avec le consentement préalable écrit du candidat, leur donnera sa contribution pour comprendre le type de personnalité et les problématiques que le sujet est en train d’affronter ou affrontera.
Le candidat indiquera aussi, selon son évaluation et ses compé- tences, les possibilités de croissance de sa personnalité. En outre, il suggérera, si nécessaire, des formes ou des itinéraires de soutien
psychologique.
VI. Les personnes congédiées ou celles qui quittent libremenr les Séminaires ou les maisons de formation
16. Il est contraire aux normes de l’Église d’admettre au Séminaire ou à la maison de formation des personnes qui sont déjà sorties ou, à plus forte raison, démissionnées d’un autre Séminaire ou d’une autre maison de formation, sans avoir pris les informations nécessaires auprès de leurs évêques ou Supérieurs majeurs, surtout au sujet des causes de la démission ou de la sortie [36].
Les formateurs précédents ont le devoir rigoureux de fournir des informations exactes aux nouveaux formateurs.
On s’arrangera au mieux pour que les candidats quittent l’institution de formation de leur plein gré afin de prévenir une démission forcée.
Dans le cas d’un passage à un autre Séminaire ou à une autre maison de formation, le candidat doit informer les nouveaux formateurs qu’il a précédemment consulté un psychologue. C’est seulement avec le libre consentement écrit du candidat que les nouveaux formateurs pourront avoir accès à ce que l’expert a communiqué.
Au cas où l’on accueille un candidat qui, après sa précédente démission, s’est soumis à une traitement psychologique, on vérifiera d’abord, dans la mesure du possible et avec soin, sa condition psychique ; pour cela, on prendra entre autres, avec le consentement libre et écrit, les informations nécessaires auprès de l’expert qui l’a accompagné.
Au cas où un candidat demande le passage à un autre Séminaire ou une autre maison de formation, après avoir recouru à un expert en psychologie sans accepter que l’expertise soit à disposition des nouveaux formateurs, on fera attention que l’idonéité du candidat soit établie avec des arguments positifs, selon la norme du canon suscité 1052, et donc que tout doute raisonnable soit exclu.
Conclusion
17. Tous ceux qui, à des titres divers, sont impliqués dans la formation, offrent avec conviction leur collaboration dans le respect de leur compétence propre, afin que le discernement et l’accompagnement des vocations des candidats permettent de « mener jusqu’au sacerdoce seulement ceux qui y sont appelés après les avoir adéquatement formés ; elle les dispose ainsi à donner une réponse consciente et libre engageant toute leur personne à Jésus Christ, qui appelle à vivre dans son intimité et dans le partage de sa mission de salut » [37].
Le Souverain Pontife Benoît XVI, au cours de l’audience concédée le 13 juin 2008 au Cardinal Préfet soussigné, a approuvé le présent document et en a autorisé la publication.
Rome, le 29 juin 2008, en la solennité des Saints Apôtres Pierre et Paul.
Zenon Card. Grocholewski
Préfet
+ Jean-Louis Bruguès, o.p.
Archev.-Évêque émérite d’Angers
Secrétaire
[1] Jean Paul II, Exhortation apostolique post-synodale Pastores dabo vobis (25 mars 1992), n. 35b-c : AAS 84 (1992), 714.
[2] Ibid., n. 35d : AAS 84 (1992), 715.
[3] Ibid., n. 65d : AAS 84 (1992), 771.
[4] Ibid., n. 35e : AAS 84 (1992), 715.
[5] Cf. ibid., nn. 66-67 : AAS 84 (1992), 772-775.
[6] Sur ces conditions, une description très ample est fournie dans Pastores dabo vobis,
nn. 43-44 : AAS 84 (1992), 731-736 ; cf. C.I.C., cann. 1029 et 1041, 1º.
[7] Celle-ci, « pour tout prêtre, […] constitue le « cœur » qui unifie et vivifie son « être » et son « agir » de prêtre » : Pastores dabo vobis, n. 45c : AAS 84 (1992), 737.
[8] Pastores dabo vobis, n. 43 : AAS 84 (1992), 731-733.
[9] Cf. ibid. ; cf. aussi Concile Œcuménique Vatican II, Décret sur la formation des prêtres Optatam totius (28 octobre 1965), n. 11 : AAS 58 (1966), 720-721 ; Décret sur le ministère et la vie des prêtres Presbyterorum ordinis (7 décembre 1965), n. 3 : AAS 58 (1966), 993-995; Congrégation pour l’Éducation catholique, Ratio fundamentalis institutionis sacerdotalis
(19 mars 1985), n. 51.
[10] Cf. Pastores dabo vobis, n. 17 : AAS 84 (1992), 682-684.
[11] Paul VI, dans la Lettre encyclique Sacerdotalis cælibatus (24 juin 1967), traite explicitement de cette capacité obligatoire du candidat au sacerdoce aux nn. 63-64 : AAS 59 (1967), 682-683. Il conclut ainsi au n. 64 : « Une vie qui, comme celle du prêtre gardant le célibat, comporte un si total et si intime engagement dans toute sa structure intérieure et extérieure, exclut en effet les sujets insuffisamment équilibrés du point de vue psychophysiologique et moral; et l’on ne peut prétendre que, en ce domaine, la grâce supplée la nature ». Cf. aussi Pastores dabo vobis, n. 44 : AAS 84 (1992), 733-736.
[12] Dans le parcours de formation, la maturité affective requiert, aujourd’hui plus qu’hier, une attention particulière. « On ne grandit dans la maturité affective que lorsque le cœur adhère à Dieu. Le Christ a besoin de prêtres qui soient mûrs, virils, capables de cultiver une authentique paternité spirituelle. Pour que cela se produise, il y a besoin d’honnêteté avec soi-même, d’ouverture envers le directeur spirituel et de confiance dans la miséricorde divine" (Benoît XVI, Discours aux prêtres et aux religieux dans la Cathédrale Saint-Jean à Varsovie [25 mai 2006], in L’Osservatore Romano [26-27 mai 2006], p. 7). Cf. Œuvre Pontificale pour les vocations ecclésiastiques, Nouvelles vocations pour une nouvelle Europe. Document final du Congrès sur les vocations au sacerdoce et à la vie consacrée en Europe, Rome, 5-10 mai 1997, aux soins des Congrégations pour l’Éducation catholique, pour les Églises orientales, pour les Instituts de vie consacrée et les Societés de Vie Apostolique (6 janvier 1998), n. 37,
pp. 111-120.
[13] Cf. Pastores dabo vobis, n. 45a : AAS 84 (1992), 736.
[14] Cf. Congrégation pour l’Éducation catholique, Directive sur la préparation des éducateurs de Séminaires (4 novembre 1993), nn. 36 e 57-59; cf. surtout Optatam totius, n. 5 : AAS 58 (1966), 716-717.
[15] Pastores dabo vobis, n. 16e : AAS 84 (1992), 682.
[16] S. Congrégation pour l’Éducation catholique, Orientations éducatives pour la formation au célibat sacerdotal (11 avril 1974), n. 38.
[17] Cf. Pastores dab
o vobis, n. 66c : AAS 84 (1992), 773; Directive sur la préparation des éducateurs de Séminaires, nn. 57-59.
[18] Cf. Optatam totius, n. 11 : AAS 58 (1966), 720-721.
[19] Cf. Concile Œcuménique Vatican II, Constitution pastorale sur l’Église dans le monde de ce temps Gaudium et spes (7 décembre 1965), n. 10 : AAS 58 (1966), 1032-1033.
[20] Une meilleure compréhension de ces affirmations requiert de faire référence aux affirmations suivantes de Jean Paul II : « L’homme porte donc en lui le germe de la vie éternelle et la vocation à s’approprier les valeurs transcendantes. Pourtant, il demeure intérieurement vulnérable et dramatiquement exposé au risque de manquer sa vocation à cause des résistances et des difficultés qu’il rencontre sur le chemin de son existence, soit au plan conscient, où la responsabilité morale est mise en cause, soit au plan inconscient, et cela, dans la vie psychique ordinaire ou dans celle qui est marquée par des pathologies psychiques, légères ou modérées, qui n’exercent pas une influence essentielle sur la liberté de la personne dans sa tension vers les idéaux transcendants choisis de manière responsable » (Allocution à la Rote romaine [25 janvier 1988] : AAS 80 [1988], 1181).
[21] Cf. Ratio fundamentalis institutionis sacerdotalis, n. 39; Congrégation pour les Évêques, Directoire pour le ministère pastoral des évêques Apostolorum Successores (22 février 2004), n. 88.
[22] Cf. Pastores dabo vobis, n. 29d : AAS 84 (1992), 704.
[23]Cf. S. Congrégation pour les Religieux et les Instituts Séculiers, Istruzione sull’aggiornamento della formazione alla vita religiosa (6 janvier 1969), n. 11 § III : AAS 61 (1969), 113.
[24] Cf. Jean Paul II : « Il sera opportun d’accorder une attention particulière à la préparation de « psychologues », qui devront allier à un bon niveau scientifique, une compréhension profonde de la conception chrétienne à propos de la vie et de la vocation au sacerdoce, de façon à être en mesure de fournir un soutien efficace à la complémentarité nécessaire entre la dimension humaine et la dimension surnaturelle » (Discours aux participants de la Plénière de la Congrégation pour l’Éducation catholique [4 février 2002], n. 2 : AAS 94 [2002], 465).
[25] Cf. Congrégation pour l’Éducation catholique, Instruction sur les critères de discernement vocationnel au sujet des personnes présentant des tendances homosexuelles en vue de l’admission au séminaire et aux Ordres sacrés (4 novembre 2005) : AAS 97 (2005), 1007-1013.
[26] Cf. Orientations éducatives pour la formation au célibat sacerdotal, n. 38.
[27] Cf. Pastores dabo vobis, n. 48d : AAS 84 (1992), 744.
[28] Cf. 2 Co 12, 7-10.
[29] Cf. C.I.C., cann. 1025, 1051 et 1052; Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements, Carta circular Entre las más delicadas a los Exc.mos y Rev.mos Señores Obispos diocesanos y demás Ordinarios canónicamente facultados para llamar a las Sagradas Ordenes, sobre Los escrutinios acerca de la idoneidad de los candidatos (10 novembre 1997) : Notitiæ 33 (1997), 495-506.
[30] Cf. C.I.C., cann. 1029, 1031 § 1 et 1041, 1º ; Ratio fundamentalis institutionis sacerdotalis, n. 39.
[31] Cf. Pastores dabo vobis, n. 35g : AAS 84 (1992), 715.
[32] Ibid., n. 69b : AAS 84 (1992), 778.
33Cf. la note 6 de ce document.
[34] Cf. note 20.
[35] Cf. Pastores dabo vobis, n. 40c : AAS 84 (1992), 725.
[36] Cf. C.I.C., can. 241, § 3; Congrégation pour l’Éducation catholique, Instruction au Conférences épiscopales au sujet de l’admission au Séminaire des candidats provenant d’autres Séminaires ou familles religieuses (8 mars 1996).
[37] Pastores dabo vobis, n. 42c : AAS 84 (1992), 730.