ROME, Mardi 16 septembre 2008 (ZENIT.org) - Un bibliste, dominicain, français, le Fr Luc Devillers, à peine remis de sa surprise d'être appelé par Benoît XVI à participer au synode des évêques sur la Parole de Dieu (5-26 octobre 2008), en tant qu'expert, souligne combien le travail des exégètes prend tout son sens « pour que l'apostolat biblique porte des fruits ».

Zenit - Fr Luc Devillers, vous êtes nommé expert au synode sur la parole de Dieu: quel est le rôle d'un expert ?

Fr Luc Devillers - N'ayant pour le moment reçu aucune information sur mon rôle pendant le Synode, je ne peux pas parler avec précision de ce qu'on attend d'un expert ! Disons simplement que le Synode est une assemblée d'évêques : donc seuls les évêques ont droit à la parole dans les réunions générales. Il y aura aussi, probablement, quelques invités à qui l'on demandera une intervention particulière, comme Jean Vanier l'avait fait je crois lors du dernier Synode. À partir de leur compétence en matière biblique, les experts travaillent dans les coulisses, ils aident les évêques à formuler leur réflexion sur ce sujet, à produire des textes.

Zenit - Comment se déroule un synode ?

Fr Luc Devillers - Comme beaucoup d'évêques, les experts nommés pour ce synode seront (pour la plupart) novices en la matière. Je ne sais que ce que vous savez déjà : le Synode débutera par une célébration à la basilique Saint-Paul-Hors-Les-Murs le dimanche 5 octobre, et s'achèvera le dimanche 26 par une célébration à la Basilique Saint-Pierre.

Zenit - Comment se prépare-t-on à un tel événement ?

Fr Luc Devillers - Je tâche de vivre mon travail quotidien avec sérénité, en faisant confiance. Pour le mois de septembre, je suis au Canada, au Collège universitaire dominicain d'Ottawa, pour de l'enseignement biblique intensif ; j'en profite aussi pour continuer ma recherche personnelle : je prépare un commentaire sur l'évangile de Jean.

Zenit - Quelle urgence y a-t-il pour notre monde à faire réfléchir les évêques du monde entier sur ce thème de la Parole de Dieu ?

Fr Luc Devillers - Quarante ans après Vatican II, et donc après le magnifique document « Dei Verbum » (la « Parole de Dieu ») sur la Révélation divine, le Saint-Père a souhaité que les évêques fassent en quelque sorte le point sur la réception de ce document, en particulier sur l'élan qu'il avait suscité en faveur d'une meilleure connaissance de la Bible par les croyants : connaissance technique ou scientifique (avec l'appui de spécialistes : livres, articles, cours et groupes bibliques, etc.) mais aussi connaissance « par le coeur » (lectio divina, méditation personnelle de la Parole de Dieu, etc.). Sur ce plan-là, il y a certainement eu beaucoup de positif depuis Vatican II, mais il reste bien du travail à faire, bien des vides à combler, des défauts à corriger.

À l'heure actuelle, il est plus que jamais important que les chrétiens sachent à quel Dieu ils croient, et donc à quelles Écritures ils peuvent et doivent se référer pour vivre au quotidien leur foi, avec toutes ses implications dans les différents domaines de la vie (éthique ; spiritualité ; témoignage et évangélisation, etc.).

Zenit - Qu'est-ce que vous attendez de cette assemblée dite « ordinaire » mais non moins exceptionnelle ?

Fr Luc Devillers - Que cette assemblée redonne un souffle à l'Église universelle et aux Églises locales à partir d'une meilleure prise en compte de l'Écriture, pour que celle-ci ne soit plus seulement un livre de papier (ou de signes informatiques !), mais soit toujours plus la trace précieuse de la Parole de Dieu qui donne la vie et la joie.

J'aimerais aussi que le travail des chercheurs (exégètes, historiens, biblistes) soit mieux reconnu et davantage encouragé. Pour cela, il faudrait que notre assemblée reprenne et médite à nouveau les mots de « Dei Verbum » (d'ailleurs empruntés à une encyclique de Léon XIII) : que le travail des spécialistes aide l'Église à mûrir son jugement sur toute sorte de questions. Si on la prend au sérieux, l'Écriture - la Bible - nous invite sans cesse à la conversion.

Zenit - Comment nos lecteurs peuvent-ils s'unir au travail du synode, semaine après semaine ?

Fr Luc Devillers - Je crois, bien sûr, que la première manière pour les lecteurs de Zenit de s'unir au travail du Synode est la prière. Ce n'est pas un vain mot, une formule pieuse. Il n'y a pas d'Église sans prière, une réflexion de pasteurs et d'experts ne portera du fruit que si elle est animée par la prière : leur prière personnelle et communautaire, au cours des grands moments liturgiques que ce Synode suscitera, mais aussi la prière de toute la communauté catholique, et je suis sûr aussi que bien des chrétiens non catholiques prieront pour le succès de cette rencontre unique.

Peut-on encore suggérer une autre manière pour les chrétiens de s'unir au travail du Synode ? Il s'agirait pour eux de profiter de ce mois d'octobre pour lire l'Écriture, pour approfondir une question, étudier un livre biblique, par exemple une lettre de saint Paul - c'est l'année paulinienne - ou un évangile. Pourquoi ne pas relire aussi le document « Dei Verbum » de Vatican II ? Il reste une pièce maîtresse du dernier Concile. On pourra encore lire le document de travail - « Instrumentum laboris » - préparé pour ce Synode (le seul document que j'aie pour le moment à son sujet !).

Zenit - Pour mieux comprendre qui le Saint-Père appelle à cette assemblée, qui est le Fr Luc Devillers ?

Fr Luc Devillers - Né en 1954, je suis un dominicain français de la Province de Toulouse. J'ai fêté mes 30 ans de profession religieuse et 25 ans de sacerdoce. Docteur en Écriture sainte, j'ai publié un gros ouvrage à partir de ma thèse : « La fête de l'Envoyé. La section johannique de la fête des Tentes [Jean 7,1-10,21] et la christologie » (Paris, Gabalda, 2002). J'en ai ensuite donné une version plus courte, accessible à un public soucieux de formation biblique : « La saga de Siloé. Jésus et la fête des Tentes [Jean 7,1-10,21] » (Paris, Éd. du Cerf, 2005).

De 1986 à 1995 j'ai enseigné au premier cycle du couvent des Dominicains de Bordeaux le grec biblique et une introduction aux évangiles, ainsi qu'au Séminaire interdiocésain de Bordeaux, sur la littérature johannique.

De 1995 à 2008 j'ai enseigné à l'École biblique et archéologique française de Jérusalem, toujours sur la littérature johannique. Pendant plusieurs années j'ai été aussi Secrétaire pour le Nouveau Testament de la « Revue biblique », la revue scientifique des Dominicains.

Durant ces temps à Bordeaux et à Jérusalem, j'ai aussi exercé dans mon couvent la charge de chantre, responsable de la liturgie quotidienne. J'aime beaucoup la liturgie, le lieu où la Parole de Dieu est célébrée, pour mieux en vivre.

Au mois de novembre, juste après le Synode, je vais prêcher la retraite des moniales puis des moines de Solesmes, renouant avec un exercice de prédication que j'aime beaucoup et que j'ai souvent pratiqué.

De même, j'ai souvent animé des sessions bibliques dans des monastères, des communautés, ou pour des groupes diocésains ou des paroisses.

Avant Noël, je vais quitter Jérusalem pour aller vivre au couvent Saint-Albert de Fribourg, en Suisse. En effet, dès février 2009 je serai professeur d'exégèse et de théologie du Nouveau Testament à la Faculté de théologie de l'Université de Fribourg.

Vous voyez que, pour moi, la Bible n'est pas qu'un objet d'étude en chambre ! Mais ce travail de spécialiste est indispensable pour que l'apos tolat biblique porte des fruits.

Propos recueillis par Anita S. Bourdin