ROME, Vendredi 5 septembre 2008 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le commentaire de l’Evangile du dimanche 7 septembre proposé par le père Raniero Cantalamessa OFM Cap, prédicateur de la Maison pontificale.
Evangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 18, 15-20
Jésus disait à ses disciples : « Si ton frère a commis un péché, va lui parler seul à seul et montre-lui sa faute. S’il t’écoute, tu auras gagné ton frère. S’il ne t’écoute pas, prends encore avec toi une ou deux personnes afin que toute l’affaire soit réglée sur la parole de deux ou trois témoins. S’il refuse de les écouter, dis-le à la communauté de l’Église ; s’il refuse encore d’écouter l’Église, considère-le comme un païen et un publicain. Amen, je vous le dis : tout ce que vous aurez lié sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous aurez délié sur la terre sera délié dans le ciel. Encore une fois, je vous le dis : si deux d’entre vous sur la terre se mettent d’accord pour demander quelque chose, ils l’obtiendront de mon Père qui est aux cieux. Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d’eux. »
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Si ton frère commet un péché…
Dans l’Evangile de ce dimanche nous lisons : « Si ton frère a commis un péché, va lui parler seul à seul et montre-lui sa faute. S’il t’écoute, tu auras gagné ton frère ». Jésus parle de n’importe quel type de péché ; pas seulement du péché commis contre nous. Dans ce cas, en effet, il est pratiquement impossible de savoir si ce qui nous pousse, c’est le zèle pour la vérité, ou notre amour propre blessé. Ce serait en tout cas davantage de l’autodéfense que de la correction fraternelle. Lorsque la faute est commise contre nous, le premier devoir n’est pas la correction mais le pardon.
Pourquoi Jésus dit-il : « Va lui parler seul à seul et montre-lui sa faute » ? Tout d’abord par égard pour la réputation de ton frère, pour sa dignité. Le pire serait de vouloir corriger un mari en présence de sa femme ou une femme en présence de son mari, un père devant ses enfants, un maître devant ses élèves, ou un supérieur devant ceux qui dépendent de lui. C’est-à-dire en présence des personnes dont on tient particulièrement au respect et à l’estime. La chose se transforme immédiatement en procès public. Ce sera bien difficile pour la personne d’accepter la correction de bon gré. Il en va de sa dignité.
Il dit « seul à seul » aussi pour donner à la personne la possibilité de se défendre et d’expliquer son action en toute liberté. Très souvent en effet, ce qui peut apparaître comme une faute à un observateur extérieur, ne l’est pas dans les intentions de celui qui l’a commise. Une explication franche dissipe beaucoup de malentendus. Mais cela n’est plus possible lorsque les faits sont portés à la connaissance de plusieurs.
Lorsque, pour différentes raisons, il n’est pas possible de corriger fraternellement, seul à seul, la personne qui a commis la faute, il y a une chose qu’il faut absolument éviter de faire à sa place, c’est divulguer inutilement la faute de ce frère, parler mal de lui, voire même le calomnier, en faisant comme si ce qui n’est pas prouvé l’était, ou en exagérant sa faute. « Ne médisez pas les uns des autres », dit l’Ecriture (Jc 4, 11). Ce n’est pas parce qu’on désigne maintenant le « bavardage » par un autre terme, celui de « gossip » (1) qu’il devient une chose moins laide et moins déplorable.
Un jour, une femme alla se confesser auprès de saint Philippe Neri, s’accusant d’avoir mal parlé de quelques personnes. Le saint lui donna l’absolution mais également une étrange pénitence. Il lui demanda de rentrer chez elle, de prendre une poule et de revenir le voir, en la plumant soigneusement tout le long du chemin. Lorsqu’elle fut de retour devant lui, il lui dit : « Maintenant rentre chez toi et ramasse une à une les plumes que tu as laissé tomber en venant ici ». La femme lui fit observer que cela était impossible : le vent les avait sûrement dispersées un peu partout depuis. Mais c’est précisément là que l’attendait saint Philippe Neri. « Tu vois, lui dit-il, de même qu’il est impossible de ramasser les plumes une fois dispersées par le vent, il est impossible de retirer des commérages et des calomnies une fois qu’ils ont été prononcés ».
En revenant au thème de la correction, il faut reconnaître que le fait de réussir à donner une correction ne dépend pas toujours de nous (malgré nos meilleures dispositions, l’autre peut ne pas l’accepter, il peut se raidir) ; en revanche, le fait de réussir à recevoir une correction dépend toujours et exclusivement de nous. En effet, je pourrais très bien être la personne qui « a commis le péché » et l’autre pourrait être le « correcteur » : le mari, la femme, l’ami, le confrère ou le père supérieur.
En somme, il n’y a pas que la correction active, mais aussi la correction passive ; il n’y a pas que le devoir de corriger mais aussi celui de se laisser corriger. Et c’est d’ailleurs là que l’on voit si une personne est suffisamment mûre pour corriger les autres. Celui qui veut corriger les autres doit aussi être prêt à se laisser corriger à son tour. Lorsque vous voyez que l’on fait une observation à une personne et que vous l’entendez répondre avec simplicité : « Tu as raison, merci de me l’avoir fait remarquer ! », vous pouvez exprimer votre respect, vous êtes devant un vrai homme ou une vraie femme.
Il faudrait toujours lire l’enseignement du Christ sur la correction fraternelle en même temps que ce qu’il dit à une autre occasion : « Qu’as-tu à regarder la paille qui est dans l’œil de ton frère ? Et la poutre qui est dans ton œil à toi, tu ne la remarques pas ! Comment peux-tu dire à ton frère : ‘frère, laisse-moi ôter la paille qui est dans ton œil’, toi qui ne vois pas la poutre qui est dans ton œil ? » (Lc 6, 41 s.).
Ce que Jésus nous a enseigné concernant la correction peut être également très utile dans l’éducation des enfants. La correction est l’un des devoirs fondamentaux des parents. « Quel est le fils que ne corrige son père ? », dit l’Ecriture (He 12, 7) ; et encore : « Redresse la plante tant qu’elle est encore tendre si tu ne veux pas qu’elle grandisse de travers pour toujours ». Le renoncement total à toute forme de correction est l’un des pires services que l’on puisse rendre aux enfants et malheureusement, cela est très fréquent aujourd’hui.
Il faut seulement éviter que la correction se transforme en acte d’accusation ou en critique. Il faut plutôt circonscrire le reproche à la faute commise, ne pas la généraliser en blâmant en bloc toute la personne et sa conduite. Il faut au contraire profiter de la correction pour souligner tout le bien que l’on reconnaît chez l’enfant et le fait qu’on attend beaucoup de lui, afin que la correction apparaisse davantage comme un encouragement que comme une disqualification. C’est la méthode qu’utilisait saint Jean Bosco avec les jeunes.
Dans les cas concrets, ce n’est pas facile de comprendre s’il vaut mieux corriger ou laisser courir, parler ou se taire. Pour cela, il est important de tenir compte de la règle d’or, valable dans tous les cas, que l’Apôtre donne dans la deuxième lecture : « Frères, ne gardez aucune dette envers personne, sauf la dette de l’amour mutuel… l’amour ne fait rien de mal au prochain ». Saint Augustin a tout synthétisé dans le dicton « Aime et fais ce que tu veux ». Il faut s’assurer avant tout qu’il y a dans notre cœur une disposition fondamentale d’accueil de la personne. Ensuite, peu importe ce que nous déciderons de faire, que ce soit corriger ou nous taire, ce sera bien, car l’amour « ne fait rien de mal a
u prochain ».
(1) Terme anglais utilisé fréquemment en italien, ndlr
Traduit de l’italien par Zenit