ROME, Lundi 18 août 2008 (ZENIT.org) – « Attendons-nous à être surpris », explique Mgr Jacques Perrier, évêque de Tarbes et Lourdes, qui invite aussi à « surprendre » le pape en venant nombreux lors de sa visite en France du 12 au 15 septembre 2008 et de l’ouverture, le 11 août du 135e pèlerinage national français, en cette année jubilaire des 150 ans des apparitions de la Vierge Marie à Bernadette Soubirous.
Voici en effet ce qu’écrit Mgr Perrier dans L’Osservatore Romano en langue française, dans l’édition des 12-19 août 2008, sous ce titre évocateur :
« Benoît, celui qui vient au nom du Seigneur »
« Benedictus qui venit in nomine Domini ! ». Ces mots du psaume repris par la foule de Jérusalem le jour des Rameaux, sont repris à chaque Eucharistie : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur! ». Benedictus se traduit aussi par Benoît.
Jacques Perrier
L’élection du cardinal Ratzinger avait été diversement accueillie. L’opinion commune, complaisamment véhiculée, voyait en lui un homme rigide, un théoricien inflexible, étranger aux affaires de ce monde, perdu dans ses principes. Ceux qui l’avaient côtoyé essayaient de faire entendre un écho différent: le cardinal était un homme simple, aisément accessible, aimant écouter, clair dans ses réponses, reconnaissant que, parfois, il n’y avait pas de réponse, respecté en dehors des cercles catholiques. Mais leur voix peinait à se frayer un passage sur les ondes.
Personnellement, dans le quart d’heure qui précéda l’annonce du résultat de l’élection, je me surpris à dire: « Pourvu qu’il prenne le nom de Benoît! ». Je ne savais pas que l’élu était le cardinal Ratzinger. Je savais encore moins son estime pour saint Benoît. Je pensais peut-être vaguement à Benoît XV, le pape qui tâcha d’être artisan de paix durant la guerre de 1914 et qui fut, pour cela, calomnié par les deux camps.
Je pensais surtout que le Pape devait être un signe de bénédiction pour le monde. En cela, j’étais fidèle à la dévotion du Pape Jean-Paul II envers la divine miséricorde. C’est lui qui avait béatifié et canonisé soeur Faustine, l’apôtre de la divine miséricorde. C’est lui qui avait instauré la fête de la divine miséricorde le deuxième dimanche de Pâques. Lui-même avait rencontré définitivement cette divine miséricorde aux premières vêpres de sa fête.
Le monde est anxieux de son avenir. Nos sociétés sont incertaines de leur solidité. Notre culture du divertissement cache mal un déficit de sens qui peut coexister avec un certain bonheur. A ce monde, il est important que quelqu’un dise qu’il n’est ni maudit ni oublié mais, au contraire, que Dieu l’aime et le bénit, malgré ses blessures. La bénédiction originelle de la Genèse n’est pas retirée à l’homme.
Que « l’homme en blanc » soit un signe de bénédiction, alors que les religions se laissent trop facilement enrôler dans de nombreux conflits!
Que « l’homme en blanc » soit un signe de bénédiction, alors que des prêtres ont commis des crimes contre les enfants, ceux que Jésus, lui, bénissait!
Que » l’homme en blanc » soit un signe de bénédiction, alors qu’il faut refuser certaines prouesses de la technique qui deviendraient une malédiction pour l’humanité!
II fallait une grande foi et beaucoup d’humilité pour accepter de pareils défis. Dans le Chemin de Croix qu’il avait prêché le Vendredi Saint 2005, quelques jours avant la mort du Pape, et dans les discours tenus avant l’ouverture du conclave, le cardinal Ratzinger n’avait pas enjolivé la situation spirituelle de l’Eglise, surtout en Occident. C’est donc en connaissance de cause qu’il accepta la charge, alors qu’il espérait pouvoir retourner à ses chères études.
Deux béatitudes s’appliqueraient particulièrement au Pape Benoît XVI. « Bienheureux les doux »: la douceur est peut-être dans son caractère mais ce qui est un don naturel peut aussi devenir un charisme au service du Royaume. Dans ce monde de violence, non seulement terroriste, mais aussi économique, voire culturelle, la douceur à la manière du Christ n’est-elle pas une manière de faire signe ?
L’autre béatitude serait celle des artisans de paix. Benoît XVI cherche l’unité. Il sait que l’unité est indissociable de la vérité. C’est pourquoi il se montre exigeant dans le dialogue, qu’il soit oecuménique ou interreligieux: c’est une façon d’honorer ses interlocuteurs.
Peut-être grâce à sa douceur, il dégage les voies du dialogue avec l’orthodoxie. En Chine, il tâche de réconcilier. Dans la décision de célébrer une « Année saint Paul » après avoir tenu un synode sur la Parole de Dieu, il est raisonnable de voir une intention oecuménique en direction des Réformés.
Dans l’Eglise catholique, il ne voudrait pas que des fidèles vivent séparés, au prétexte d’une manière ancienne de célébrer. Mais là encore la vérité ne doit pas être sacrifiée à une unité qui ne serait que de surface: le Concile Vatican Il doit être correctement interprété, mais ne peut être annulé.
Les Français et d’autres aussi ont, sans doute, découvert un peu mieux le Pape Benoît XVI à la faveur de son voyage aux Etats-Unis. Nous avons pu voir avec quel courage il affrontait les scandales, avec quelle délicatesse il écoutait les victimes, avec quelle aisance il se mouvait dans cette société si éloignée de sa propre culture, avec quelle autorité amicale il encourageait ses frères évêques, avec quelle sobriété liturgique il célébrait dans les stades, avec quelle hauteur de vues il s’adressait aux délégués des Nations unies, avec quelle émotion il communiait à la douleur, encore vive, de la ville de New York frappée par les attentats du 11 septembre.
Au long des jours de son voyage, nous avons constaté un changement de ton dans les commentaires des médias. Il les a surpris. Attendons-nous à être surpris. Nous pourrions, nous aussi, le surprendre en venant très nombreux pour lui montrer que nous l’aimons et que nous faisons corps avec lui, en Eglise.
(© L’Osservatore Romano – 12/19 août 2008)