ROME, Vendredi 6 juin 2008 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le commentaire de l’Evangile du dimanche 8 juin proposé par le père Raniero Cantalamessa OFM Cap, prédicateur de la Maison pontificale.
Evangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 9, 9-13
Jésus, sortant de Capharnaüm, vit un homme, du nom de Matthieu, assis à son bureau de publicain (collecteur d’impôts). Il lui dit : « Suis-moi. » L’homme se leva et le suivit. Comme Jésus était à table à la maison, voici que beaucoup de publicains et de pécheurs vinrent prendre place avec lui et ses disciples.
Voyant cela, les pharisiens disaient aux disciples : « Pourquoi votre maître mange-t-il avec les publicains et les pécheurs ? » Jésus, qui avait entendu, déclara : « Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin du médecin, mais les malades. Allez apprendre ce que veut dire cette parole : C’est la miséricorde que je désire, et non les sacrifices. Car je suis venu appeler non pas les justes, mais les pécheurs. »
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C’est la miséricorde que je désire et non les sacrifices
Il y a quelque chose d’émouvant dans l’Evangile d’aujourd’hui. Matthieu ne nous raconte pas ce que Jésus a dit ou fait un jour à quelqu’un, mais ce qu’il a dit et fait pour lui personnellement. C’est une page autobiographique, l’histoire de la rencontre avec le Christ qui a changé sa vie. « Jésus, sortant de Capharnaüm, vit un homme, du nom de Matthieu, assis à son bureau de publicain (collecteur d’impôts). Il lui dit : ‘Suis-moi’. L’homme se leva et le suivit ».
Mais l’épisode n’est pas repris dans les Evangiles en raison de l’importance personnelle qu’il revêtait pour Matthieu. Son intérêt est dans ce qui suit le moment de l’appel. Matthieu voulut offrir un grand banquet chez lui, pour dire au revoir à ses anciens collègues de travail, « publicains et pécheurs ». Réaction immanquable des pharisiens et réponse de Jésus : « Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin du médecin, mais les malades. Allez apprendre ce que veut dire cette parole : C’est la miséricorde que je désire, et non les sacrifices ». Que signifie cette phrase du prophète Osée reprise par le Christ ? Peut-être que tout sacrifice et toute mortification sont inutiles et qu’il suffit d’aimer pour que tout soit en ordre ? Ce raisonnement peut conduire au rejet de tout l’aspect ascétique du christianisme, comme les résidus d’une mentalité afflictive ou manichéenne, aujourd’hui dépassée.
Il faut d’abord noter un profond changement de perspective dans le passage de Osée au Christ. Dans Osée, l’affirmation se réfère à l’homme, à ce que Dieu attend de lui. Dieu attend de l’homme amour et connaissance, et non des sacrifices extérieurs ou des holocaustes d’animaux. En revanche, dans la bouche de Jésus, cette affirmation se réfère à Dieu. L’amour dont on parle n’est pas celui que Dieu exige de l’homme mais celui qu’il donne à l’homme. « C’est la miséricorde que je désire et non les sacrifices », signifie : je veux faire preuve de miséricorde, pas condamner. Son équivalent biblique est la phrase qu’on lit dans Ezéchiel : « Je ne prends pas plaisir à la mort du méchant, mais à la conversion du méchant qui change de conduite pour avoir la vie ». Dieu ne veut pas « sacrifier » sa créature, mais la sauver.
Avec cette précision on comprend aussi mieux l’affirmation d’Osée. Dieu ne veut pas le sacrifice « à tout prix », comme s’il aimait nous voir souffrir ; il ne veut pas non plus le sacrifice pour faire valoir des droits et des mérites devant Dieu, ou à cause d’un malentendu sur le sens du devoir. Mais il veut le sacrifice demandé par son amour et l’observance des commandements. « On ne vit pas dans l’amour sans souffrance », dit l‘Imitation de Jésus Christ, et l’expérience de la vie de tous les jours le confirme. Il n’y a pas d’amour sans sacrifice. En ce sens, saint Paul nous exhorte à « offrir (nos) personnes en hostie vivante, sainte, agréable à Dieu » (Rm 12, 1).
Le sacrifice et la miséricorde sont toutes deux de bonnes choses mais l’une comme l’autre peut devenir mauvaise si elles ne sont pas bien réparties. Ce sont de bonnes choses si (comme le Christ) on choisit le sacrifice pour soi et la miséricorde pour les autres ; elles deviennent toutes deux mauvaises si l’on fait le contraire, si l’on choisit la miséricorde pour soi et le sacrifice pour les autres. Si nous sommes indulgents avec nous-mêmes et rigoureux avec les autres, toujours prêts à nous excuser et impitoyables dans le jugement des autres, n’avons-nous vraiment rien à revoir, à cet égard, dans notre comportement ?
Nous ne pouvons pas conclure le commentaire de l’appel de Matthieu sans une pensée affectueuse et reconnaissante pour cet évangéliste qui nous accompagne, par son Evangile, durant toute cette première année liturgique. Merci, Matthieu dit aussi Lévi. Sans toi, notre connaissance du Christ serait tellement plus pauvre !
Traduit de l’italien par Zenit