ROME, Mardi 3 juin 2008 (ZENIT.org) – En Indonésie, le gouvernement s’interroge sur l’opportunité de suspendre un mouvement islamiste, rapporte « Eglises d’Asie », l’agence des Missions étrangères de Paris (EDA).
Au lendemain d’une manifestation pour la liberté religieuse en Indonésie, perturbée de manière violente par des militants du Front des défenseurs de l’islam, une organisation islamiste active à Djakarta et dans sa région, le président de la République Susilo Bambang Yudhoyono a vivement réagi. Non seulement il a publiquement fait part de sa désapprobation face aux agissements du Front, mais il a promis des « mesures fermes » et des « sanctions » à l’encontre des auteurs des violences.
A l’issue d’une réunion tenue le 2 juin dans les bureaux de la présidence de la République, le ministre pour les Affaires politiques, juridiques et de sécurité, Widodo Adi Sucipto, a déclaré que le gouvernement réfléchissait à une solution juridique. « Nous ne devons pas considérer qu’il s’agit ici d’un simple problème de violence ; les actes commis (par le Front) peuvent ternir la civilisation de ce pays », a-t-il précisé, ajoutant que l’affaire serait menée « sur un strict plan juridique ». Pour agir contre le Front des défenseurs de l’islam, le gouvernement pensait recourir à une loi de 1985 autorisant la suspension des organisations de masse, a-t-il précisé (1).
La veille, dimanche 1er juin, une centaine de militants de l’Alliance nationale pour la liberté de religion et de croyance (AKKBB) s’étaient rassemblés sur la place du Monas (Monument national) afin de commémorer le 63ème anniversaire du Pancasila, le pacte national sur lequel s’est bâtie l’Indonésie indépendante, et, plus concrètement, pour défendre le droit des ahmadiyas à vivre en paix en Indonésie (2). Leur manifestation pacifique fut interrompue par quelque 500 militants du Front des défenseurs de l’islam, armés de cannes ; les islamistes ont fait 34 blessés.
Le Front des défenseurs de l’islam (Front Pembela Islam), qui s’est fait connaître par ses actions, éventuellement violentes, pour veiller au respect des préceptes de la loi islamique, a fait de la lutte contre les ahmadiyas, tenus par eux comme des renégats du vrai islam, son cheval de bataille. Le 2 juin, lors d’une conférence de presse à Djakarta, son chef, Habib Rizieq Shihab, a déclaré avoir « ordonné à tous les membres des forces islamiques de se préparer à la guerre contre les ahmadiyas ». « Nous n’accepterons jamais l’arrestation d’un seul membre de notre groupe avant que le gouvernement ne prononce la dissolution des ahmadiyas. Nous combattrons jusqu’à la dernière goutte de notre sang », a-t-il affirmé.
La tension est allée croissante et, le mardi 2 juin, à Jogyakarta, des membres de la Nahdlatul Ulama, la principale organisation musulmane de masse du pays, ont échangé des coups de poing avec des membres du FPI. Dans deux autres villes de Java, des foules se sont rassemblées devant des bureaux du FPI pour dénoncer les agissements du mouvement islamiste. La Nahdlatul Ulama, tenante d’un islam modéré, s’est prononcée contre les ahmadiyas, mais elle dénonce les actions violentes perpétrées contre les fidèles de ce courant dissident de l’islam ; depuis les incidents du 1er juin de Djakarta, le chef du FPI a tenu des propos désobligeants à l’endroit de ‘Gus Dur’, ancien président de la République (1999-2001) et ancien chef de la Nahdlatul Ulama.
Quant à la question de savoir si les ahmadiyas peuvent ou non vivre librement leur foi en Indonésie, le gouvernement semble peu désireux de prendre position. Sous la double pression des islamistes et des défenseurs de la liberté religieuse, il paraît hésiter sur la conduite à adopter. Un décret confirmant ou, au contraire, limitant la marge de manœuvre des ahmadiyas est en préparation depuis plusieurs semaines, mais, ainsi que l’a précisé Widodo Adi Sucipto lors de sa conférence de presse du 2 juin, le texte de ce décret « est toujours en cours de finalisation au sein des ministères des Affaires religieuses, de la Justice et de l’Intérieur ».
(1) Au titre de cette loi de 1985 (datant du régime Suharto), le gouvernement peut geler les activités du bureau central d’une organisation de masse au cas où est commis un acte contraire à l’ordre et à la sécurité publique, si cette organisation reçoit une aide de l’étranger sans que le gouvernement indonésien y consente, ou encore si cette organisation soutient des étrangers ou des organisations étrangères susceptibles d’agir contre l’intérêt national. Dans l’hypothèse où l’organisation visée poursuit ses activités illégales, la loi autorise le gouvernement à la dissoudre – processus qui suppose d’être confirmé par une décision de la Cour suprême.
(2) Voir EDA 485