Vie consacrée : « Le service de l’autorité et l’obéissance »

Instruction de la congrégation romaine

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ROME, Dimanche 1er juin 2008 (ZENIT.org) – « Le service de l’autorité et l’obéissance », c’est le titre de cette instruction de la congrégation romaine pour les Instituts de Vie consacrée et les sociétés de vie apostoliques que nous avons présentée brièvement la semaine dernière (cf. Zenit du 28 mai 2008).

LE SERVICE DE L’AUTORITÉ ET L’OBÉISSANCE

Faciem tuam, Domine, requiram

Instruction

INTRODUCTION

« Que ton visage s’éclaire, et nous serons sauvés »

(Ps 79,4)

La vie consacrée témoin de la recherche de Dieu

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1. « Faciem tuam, Domine, requiram » : c’est ta face, Seigneur, que je cherche (Ps 26,8). Pèlerin à la recherche du sens de la vie, enveloppé du grand mystère qui l’entoure, l’homme recherche en réalité, même si souvent inconsciemment, le visage du Seigneur. « Seigneur, enseigne- moi tes voies, fais-moi connaître ta route » (Ps 24,4) : nul ne pourra jamais ôter du cœur de la personne humaine la recherche de Celui dont la Bible dit « Il est le Tout » (Si 43,27) et des chemins pour y parvenir.

La vie consacrée, appelée à rendre visibles dans l’Eglise et dans le monde les traits caractéristiques de Jésus, chaste, pauvre et obéissant,1 fleurit sur le terrain de cette recherche du visage du Seigneur et du chemin qui mène à Lui (cf. Jn 14 ,4-6). Une recherche qui conduit à faire l’expérience de la paix – « dans sa volonté est notre paix » 2 – et qui constitue la peine de chaque jour, parce que Dieu est Dieu, et que ses chemins et ses pensées ne sont pas toujours nos chemins ni nos pensées (cf. Is 55,8). La personne consacrée témoigne donc de l’engagement, joyeux et en même temps difficile, de la recherche assidue de la volonté divine, et pour cela elle choisit d’utiliser tous les moyens disponibles qui l’aident à la connaître et la soutiennent pour y parvenir.

C’est là que trouve aussi son sens la communauté religieuse, communion de personnes consacrées qui font profession de chercher et d’accomplir ensemble la volonté de Dieu : communauté de frères ou de sœurs aux rôles divers, mais partageant le même objectif et la même passion. C’est pourquoi, tandis que dans la communauté tous sont appelés à chercher ce qui plaît à Dieu et à lui obéir, quelques uns sont appelés à exercer, généralement de manière temporaire, la tâche particulière d’être signe d’unité et guide dans la recherche unanime et l’accomplissement personnel et communautaire de la volonté de Dieu. C’est là le service de l’autorité.

Un chemin de libération

2. La culture des sociétés occidentales, fortement centrée sur l’individu, a contribué à diffuser la valeur du respect pour la dignité de la personne humaine, en en favorisant de façon positive le libre développement et l’autonomie.

Une telle reconnaissance constitue un des traits les plus significatifs de la modernité et est un fait providentiel qui nécessite de nouvelles modalités dans la manière de concevoir l’autorité et d’avoir des rapports avec elle. Il ne faut pas oublier d’autre part, que lorsque la liberté tend à se transformer en arbitraire et l’autonomie de la personne en indépendance par rapport au Créateur et à la relation avec autrui, nous nous trouvons confrontés à des formes d’idolâtrie qui ne donnent pas davantage de liberté mais rendent esclaves.

Dans ces cas, les personnes croyant dans le Dieu d’Abraham, d’Isaac, de Jacob, dans le Dieu de Jésus Christ, ne peuvent pas ne pas entreprendre un chemin qui libère la personne de toute ombre de culte idolâtre. C’est un parcours qui peut trouver un exemple stimulant dans l’expérience de l’Exode : chemin de libération qui, de sa reconnaissance à un mode répandu de penser, conduit à la liberté d’adhésion au Seigneur, et qui, du nivellement sur des critères d’évaluation unilatéraux, porte à la recherche de chemins qui mettent en communion avec le Dieu vivant et vrai.

Le voyage de l’Exode est conduit par la nuée, lumineuse et obscure, de l’Esprit de Dieu et même si, parfois, il semble se perdre dans des voies dépourvues de sens, il a pour fin l’intimité béatifique du cœur de Dieu : « Je vous ai portés comme sur les ailes d’un aigle pour vous amener jusqu’à moi » (Ex 19,4). Un groupe d’esclaves se trouve libéré pour devenir peuple saint, qui connaît la joie de servir Dieu librement. Les événements de l’Exode sont un paradigme qui accompagne toute l’histoire biblique et se présente comme l’anticipation prophétique de la vie terrestre de Jésus elle-même, lui qui à son tour libère de l’esclavage à travers l’obéissance à la volonté prévoyante du Père.

Destinataires, objectif et limites du document

3. La Congrégation pour les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique, au cours de sa dernière Assemblée plénière, qui a eu lieu du 28 au 30 septembre 2005, a concentré son attention sur le thème de l’exercice de l’autorité et de l’obéissance dans la vie consacrée. Il a été reconnu que ce thème exige un effort particulier de réflexion surtout en raison des changements survenus ces dernières années au sein des Instituts et des communautés et aussi à la lumière des propositions contenues dans les plus récents documents magistériels sur le renouveau de la vie consacrée.

La présente Instruction, fruit de ce qui est ressorti de cette Assemblée plénière et de la réflexion ultérieure du Dicastère, est adressée aux membres des Instituts de vie consacrée qui pratiqunet la vie fraternelle en communauté, c’est-à-dire à tous ceux, hommes et femmes, qui appartiennent aux Instituts religieux auxquels s’apparentent les membres des Sociétés de vie apostolique. Cependant, même les autres personnes consacrées, du fait de leur genre de vie, peuvent en tirer d’utiles indications. À tous ceux-là, appelés à témoigner du primat de Dieu à travers la libre obéissance à sa sainte volonté, le présent document entend offrir une aide et un encouragement à vivre avec joie leur oui au Seigneur.

En abordant le thème de cette Instruction, nous sommes bien conscients que ses implications sont nombreuses et que, dans le vaste monde de la vie consacrée, il existe aujourd’hui non seulement une grande variété de projets liés au charisme et d’engagements missionnaires, mais aussi une certaine diversité des modèles de gouvernement et des pratiques de l’obéissance, diversité souvent influnecée par divers contextes culturels.3 De plus, il faudrait tenir compte des différences qui caractérisent, aussi sous l’angle psychologique, les communautés féminines et les communautés masculines. Il faudrait aussi prendre en considération les nouvelles problématiques que les nombreuses formes de collaboration missionnaire, en particulier avec les laïcs, posent à l’exercice de l’autorité. De même, le poids différent attribué à l’autorité locale ou à l’autorité centrale, dans les divers Instituts religieux, détermine des modalités qui ne sont pas uniformes dans la façon de pratiquer autorité et obéissance. Enfin, on ne doit pas oublier que la tradition de la vie consacrée voit communément dans la figure « synodale » du Chapitre général (ou de réunions analogues) l’autorité suprême de l’Institut,4 à laquelle tous les membres, à commencer par les supérieurs, doivent faire référence .

À tout cela, s’ajoute la constatation que, durant ces années, la façon de percevoir et de vivre l’autorité et l’obéissance a chan
gé, que ce soit dans l’Église ou dans la société. Cela est dû, entre autres : à la prise de conscience de la valeur de chaque personne, avec sa vocation et ses dons intellectuels, affectifs et spirituels, avec sa liberté et sa capacité relationnelle ; à la place centrale de la spiritualité de communion,5 avec la mise en valeur des instruments qui aident à la vivre ; à une façon différente et moins individualiste de concevoir la mission, dans le partage avec tous les membres du peuple de Dieu, avec les formes qui s’ensuivent de collaboration concrète.

Si l’on considère, cependant, certains éléments de l’influnece culturelle actuelle, il faut se souvenir que le désir de la réalisation de soi peut parfois entrer en conflit avec les projets communautaires ; la recherche du bien-être personnel, tant spirituel que matériel, peut rendre difficile le dévouement total au service de la mission commune ; les visions trop subjectives du charisme et du service apostolique peuvent affaiblir la collaboration et le partage fraternel.

Mais il ne faut pas exclure que, dans certains milieux, prévalent des problèmes inverses, découlant d’une vision déséquilibrée des rapports, qui penche vers la collectivité et une excessive uniformité, avec le risque de faire obstacle à la croissance et à la responsabilité de chacun. Ce n’est pas un équilibre facile que celui qui existe entre personne et communauté et aussi, en conséqunece, entre autorité et obéissance.

La présente Instruction n’a pas pour objectif de traiter toutes les problématiques soulevées par les éléments variés et les diverses sensibilités que nous venons de rappeler. Celles-la demeurent, pour ainsi dire, à l’arrière-plan des réflexions et des indications proposées ici. L’objectif principal de cette Instruction est de réaffirmer qu’obéissance et autorité, quand bien même pratiquées de multiples façons, ont toujours une relation particulière avec le Seigneur Jésus, Serviteur obéissant. En outre, nous nous proposons d’aider l’autorité dans son triple service : aux personnes appelées à vivre leur consécration (première partie) ; à construire des communautés fraternelles (deuxième partie) ; à participer à la mission commune (troisième partie).

Les considérations et indications qui suivent sont dans la continuité de celles qui sont contenues dans les documents qui ont accompagné le chemin de la vie consacrée au cours des années difficiles, surtout les Instructions Potissimum institutioni 6 de 1990, La vie fraternelle en communauté 7 de 1994, l’exhortation apostolique post-synodale Vita consecrata 8 de 1996, et l’Instruction Repartir du Christ 9 de 2002.

PREMIÈRE PARTIE

CONSÉCRATION ET RECHERCHE

DE LA VOLONTÉ DE DIEU

« Afin que, libérés, nous puissions le servir dans la sainteté et la justice » (cf. Lc 1,74-75)

Qui cherchons-nous ?

4. Aux premiers disciples qui, peut-être encore indécis et hésitants, se mettent à la suite d’un nouveau Rabbi, le Seigneur demande: « Qui cherchez-vous? » (Jn 1,38). Dans cette question, nous pouvons lire d’autres questions radicales : que cherche ton cœur ? Pour quoi te tourmentes-tu? Te cherches-tu toi-même ou bien cherches-tu le Seigneur ton Dieu? Poursuis-tu tes désirs ou bien le désir de Celui qui a fait ton cœur et veut le réaliser comme il le sait et le connaît? Cours-tu uniquement après les choses qui passent ou bien cherches-tu Celui qui ne passe pas? « Seigneur Dieu, dans cette terre de dissemblance de quoi devons-nous nous occuper? Du lever au coucher du soleil je vois le genre humain en prise aux tourbillons de ce monde ; les uns recherchent les richesses, d’autres les honneurs, d’autres encore se laissent séduire par la renommée », observait saint Bernard.10

« C’est ta face, Seigneur, que je cherche» (Ps 26,8), telle est la réponse de qui a compris l’unicité et l’infinie grandeur du mystère de Dieu et la souveraineté de sa sainte volonté; mais c’est aussi la réponse, même implicite et confuse, de toute créature humaine en quête de vérité et de bonheur. Quaerere Deum a été de tout temps le programme de toute existence assoiffée d’absolu et d’éternité. Beaucoup ont tendance aujourd’hui à juger humiliante une quelconque forme de dépendance ; mais cela fait partie du statut même de créature d’être dépendant d’un Autre et, en tant qu’être en relation, d’être aussi dépendant des autres.

Le croyant cherche le Dieu vivant et vrai, le Commencement et la Fin de toute chose, le Dieu non pas fait à sa propre image et à sa propre ressemblance, mais le Dieu qui nous a faits à son image et à sa ressemblance, le Dieu qui manifeste sa volonté, qui indique les voies pour le rejoindre : « Tu m’apprends le chemin de la vie : devant ta face, débordement de joie ! À ta droite, éternité de délices » (Ps 15,11). Chercher la volonté de Dieu signifie chercher une volonté amie, bienveillante, qui veut notre réalisation, qui désire surtout la libre réponse d’amour à son amour, pour faire de nous des instruments de l’amour divin. C’est dans cette via amoris que s’épanouit la fleur de l’écoute et de l’obéissance.

L’obéissance comme écoute

5. « Écoute, mon fils » (Pr 1,8). L’obéissance est avant tout attitude filiale. C’est ce genre particulier d’écoute que seul le fils peut prêter à son père, parce qu’illuminé par la certitude que son père n’a que des choses bonnes à dire et à donner à son fils ; une écoute imprégnée de la confiance qui rend le fils accueillant à la volonté du père, assuré qu’elle sera pour son bien.

Cela est infiniment plus vrai quant il s’agit de Dieu. En effet, nous parvenons à notre plénitude uniquement dans la mesure où nous nous inscrivons dans le dessein par lequel il nous a conçus avec un amour de Père. L’obéissance est donc l’unique voie dont dispose la personne humaine, être intelligent et libre, pour se réaliser pleinement. En effet, quand elle dit « non » à Dieu, la personne humaine compromet le projet divin, se rabaisse elle-même et se voue à l’échec.

L’obéissance à Dieu est chemin de croissance et donc de liberté de la personne, parce qu’elle consent à accueillir un projet ou une volonté différente de la sienne qui non seulement n’humilie pas ou n’abaisse pas, mais fonde la dignité humaine. En même temps, la liberté est aussi en soi un chemin d’obéissance parce que c’est en obéissant comme un fils au projet du Père que le croyant réalise son être libre. Il est évident qu’une telle obéissance exige de se reconnaître comme fils et de se réjouir d’être fils, parce que seuls un fils et une fille peuvent se remettre librement dans les mains du Père, exactement comme le Fils-Jésus, qui s’est abandonné au Père. Et si dans sa Passion, il s’est aussi livré à Judas, aux grands prêtres, à ceux qui l’ont flagellé, à la foule hostile et à ceux qui l’ont crucifié, c’est parce qu’il était absolument certain que toute chose trouvait sa signification dans la fidélité totale au dessein de salut voulu par le Père, auquel – comme nous le rappelle saint Bernard – « ce ne fut pas la mort qui a plu, mais la volonté de celui qui mourait de son plein gré ».11

« Écoute, Israël » (Dt 6,4)

6. Fils, pour le Seigneur Dieu, c’est Israël, le peuple qu’il s’est choisi, qu’il a engendré, qu’il a fait grandir en le tenant par la main, qu’il a porté jusqu’à son visage, à qui il a enseigné à marcher (cf. Os 11,1-4), à qui – comme très grande expression d’affection – il a adressé en permanence sa Parole, même si ce peuple ne l’a pas toujours écou
tée, ou l’a vécue comme un poids, comme une « loi ». Tout l’Ancien Testament est une invitation à l’écoute, et l’écoute est une fonction de l’alliance nouvelle, quand, dit le Seigneur, « je mettrai mes lois dans leur pensée ; je les inscrirai dans leur cœur. Je serai leur Dieu et ils seront mon peuple » (He 8,10 ; cf. Jr 31,33).

À l’écoute suit l’obéissance comme réponse libre et libératrice du nouvel Israël à la proposition du nouveau pacte ; l’obéissance fait partie de la nouvelle alliance, plus encore elle en est la caractéristique distinctive. Il en résulte qu’elle peut être comprise en totalité uniquement au sein de la logique d’amour, d’intimité avec Dieu, d’appartenance définitive à Dieu qui rend finalement libres.

L’obéissance à la Parole de Dieu

7. La première obéissance de la créature est celle de venir à l’existence, en accomplissement du fiat divin qui l’appelle à être. Une telle obéissance atteint sa pleine expression dans la créature libre de se reconnaître et de s’accepter comme don du Créateur, de dire « oui » au fait que l’on vient de Dieu. De cette façon, elle accomplit le premier et véritable acte de liberté, qui est aussi le premier acte fondamental d’authentique obéissance.

L’obéissance de la personne croyante est aussi l’adhésion à la Parole par laquelle Dieu se révèle et se communique lui-même, et à travers laquelle il renouvelle chaque jour son alliance d’amour. De cette Parole a jailli la vie qui, chaque jour, continue à être transmise. C’est pourquoi, la personne croyante recherche chaque matin le contact vivant et constant avec la Parole qui en ce jour-là est proclamée, la méditant et la gardant dans son cœur comme un trésor, en en faisant la racine de toute action et le critère premier de tout choix. Et, à la fin de la journée, elle se replace devant cette Parole, louant Dieu comme Siméon pour avoir vu se réaliser la Parole éternelle dans les petits faits de son quotidien (cf. Lc 2,27-32), et s’en remettant à la force de la Parole pour ce qui demeure encore inachevé. En effet, la Parole n’agit pas uniquement de jour, mais toujours, comme l’enseigne le Seigneur dans la parabole du grain qui pousse tout seul (cf. Mc 4,26-27).

L’amoureuse fréqunetation quotidienne de la Parole enseigne à découvrir les chemins de la vie et les modalités à travers lesquels Dieu veut libérer ses fils ; elle nourrit l’instinct spirituel pour les choses qui plaisent à Dieu ; elle transmet le sens et le goût de sa volonté ; elle donne la paix et la joie de lui rester fidèles, rendant sensibles et prêts à toutes les expressions de l’obéissance : à l’Évangile (Rm 10,6 ; 2 Th 1,8), à la foi (Rm 1,5 ; 16,26), à la vérité (Ga 5,7 ; 1 P 1,22).

Nous ne devons cependant pas oublier que l’expérience authentique de Dieu reste toujours expérience d’altérité. «Aussi grande que puisse être la ressemblance constatée entre le Créateur et la créature, la dissemblance est toujours plus grande entre eux ».12 Les mystiques et tous ceux qui ont goûté à l’intimité avec Dieu se souviennent que le contact avec le Mystère souverain est toujours contact avec l’Autre, avec une volonté qui parfois est dramatiquement différente de la nôtre. Obéir à Dieu signifie en fait entrer dans un ordre de valeurs « autre », saisir un sens nouveau et différent de la réalité, faire l’expérience d’une liberté imprévisible, atteindre le seuil du mystère : « Car mes pensées ne sont pas vos pensées, et mes chemins ne sont pas vos chemins, déclare le Seigneur. Autant le ciel est élevé au-dessus de la terre, autant mes chemins sont élevés au-dessus des vôtres, et mes pensées, au-dessus de vos pensées » (Is 55,8-9).

Si cette entrée dans le monde de Dieu peut inspirer de la crainte, une telle expérience, à l’exemple des saints, peut montrer que ce qui pour l’homme est impossible est rendu possible par Dieu ; ainsi cette expérience devient obéissance authentique au Mystère d’un Dieu qui est, en même temps, « interior intimo meo » 13 et radicalement autre.

À la suite de Jésus, le Fils obéissant au Père

8. Sur ce chemin, nous ne sommes pas seuls : nous sommes guidés par l’exemple du Christ, le bien-aimé dans lequel le Père s’est complu (cf. Mt 3,17 ; 17,5), mais aussi Celui qui nous a libérés grâce à son obéissance. C’est Lui qui inspire notre obéissance pour que s’accomplisse aussi à travers nous le dessein divin de salut.

En lui tout est écoute et accueil du Père (cf. Jn 8,28-29), toute sa vie terrestre est expression et continuation de ce que le Verbe fait depuis toute éternité : se laisser aimer du Père, accueillir de manière inconditionnelle son amour, au point de ne rien faire de soi-même (cf. Jn 8,28), mais d’accomplir toujours ce qui plaît au Père. La volonté du Père est l’aliment qui soutient Jésus dans son œuvre (cf. Jn 4,34) et qui lui procure, ainsi qu’à nous, la surabondance de la résurrection, la joie lumineuse d’entrer dans le cœur même de Dieu, dans le groupe bienheureux de ses enfants (cf. Jn 1,12). C’est par cette obéissance de Jésus que « tous deviendront justes » (Rm 5,19).

Lui l’a vécue aussi quand elle lui a présenté un calice difficile à boire (cf. Mt 26,39.42 ; Lc 22,42), et s’est fait « obéissant jusqu’à mourir, et à mourir sur une croix » (Ph 2,8). Tel est l’aspect dramatique de l’obéissance du Fils, enveloppée d’un mystère que nous ne pourrons jamais pénétrer totalement, mais qui est pour nous d’une grande importance parce qu’elle nous révèle encore plus la nature filiale de l’obéissance chrétienne : seul le Fils, qui se sent aimé du Père et qui, en retour, l’aime du plus profond de lui-même, peut parvenir à ce type d’obéissance radicale.

Le chrétien, comme le Christ, se définit comme être obéissant. L’indiscutable primat de l’amour dans la vie chrétienne ne peut pas faire oublier qu’un tel amour a acquis un visage et un nom dans le Christ

Jésus et est devenu Obéissance. L’obéissance, par conséqunet, n’est pas humiliation mais vérité sur laquelle se construit et se réalise la plénitude de l’homme. C’est pour cette raison que le croyant désire si ardemment accomplir la volonté du Père au point d’en faire son aspiration suprême. Comme Jésus, il veut vivre de cette volonté. À l’imitation du Christ et l’apprenant de Lui, la personne consacrée, par un geste de suprême liberté et de confiance inconditionnelle, a déposé sa volonté entre les mains du Père pour lui rendre un sacrifice parfait et agréable (cf. Rm 12,1).

Mais avant encore d’être le modèle de toute obéissance, Christ est celui auquel s’adresse toute vraie obéissance chrétienne. En effet c’est la mise en pratique de ses paroles qui habilite le disciple véritable (cf. Mt 7,24) et c’est l’observance de ses commandements qui rend concret l’amour qu’on lui porte et qui attire l’amour du Père (cf. Jn 14,21). Il est au centre de la communauté religieuse comme Celui qui sert (cf. Lc 22,27), mais aussi comme Celui auquel on confesse sa foi « Croyez en Dieu, croyez aussi en moi » (Jn 14,1) et on donne son obéissance parce que seulement dans cette obéissance se réalise une sequela sûre et persévérante : «En réalité, c’est le Seigneur ressuscité lui-même, à nouveau présent parmi ses frères et soeurs réunis en son nom (cf. Perfectae caritatis, n. 15), qui montre le chemin à parcourir ».14

Obéissants à Dieu à travers des médiations humaines

9. Dieu manifeste sa volonté à travers la motion intérieure de l’Esprit, qui « conduit à la vérité toute entière » (cf. Jn 16, 13) et à travers de multiples médiation
s extérieures. En effet, l’histoire du salut est une histoire de médiations qui rendent en quelque sorte visible le mystère de grâce que Dieu accomplit au plus profond des cœurs. C’est également dans la vie de Jésus que l’on peut reconnaître de nombreuses médiations humaines, à travers lesquelles il a perçu, interprété et écouté la volonté du Père, comme raison d’être et comme aliment permanent de sa vie et de sa mission.

On doit reconnaître les médiations qui communiqunet extérieurement la volonté de Dieu dans les événements de la vie et dans les

exigences propres de la vocation spécifique ; mais, elles s’expriment aussi dans les lois qui règlent la vie en société et dans les dispositions de ceux qui sont appelés à la guider. Dans le contexte ecclésial, lois et dispositions, légitimement données, permettent de reconnaître la volonté de Dieu, devenant réalisation concrète et « ordonnée » des exigences évangéliques, à partir desquelles elles doivent être formulées et perçues.

Les personnes consacrées sont aussi appelées à suivre le Christ obéissant dans un « projet évangélique », ou charismatique, suscité par l’Esprit et authentifié par l’Église. Cette dernière, approuvant un projet charismatique en tant qu’Institut religieux, garantit que les inspirations qui l’animent et les normes qui le régissent peuvent donner lieu à un itinéraire de recherche de Dieu et de sainteté. De même, la Règle et les autres normes de vie deviennent ainsi médiation de la volonté du Seigneur : médiation humaine, mais qui fait toujours autorité, imparfaite mais en même temps contraignante, point de départ pour prendre la route chaque jour, mais à dépasser dans un élan généreux et créatif vers la sainteté que Dieu « veut » pour chaque consacré. Sur ce chemin, l’autorité est investie de la tâche pastorale de guider et de décider.

Il est évident que tout cela ne sera vécu de manière cohérente et fructueuse que si demeurent vivants le désir de connaître et de faire la volonté de Dieu mais aussi la reconnaissance de sa propre fragilité, comme encore l’acceptation de la valeur des médiations spécifiques, même lorsque l’on ne saisit pas pleinement les raisons qu’elles présentent.

Les intuitions spirituelles des fondateurs et des fondatrices, surtout de ceux qui ont marqué le plus le chemin de la vie religieuse au long des siècles, ont toujours donné une grande importance à l’obéissance. Saint Benoît dès le commencement de sa Règle s’adresse au moine en lui disant : « Cette divine exhortation je te l’adresse maintenant, à toi qui, renonçant à tes propres volontés pour militer sous le vrai Roi, le Christ Notre-Seigneur, prends en mains les armes puissantes et glorieuses de l’obéissance ».15

On doit aussi se souvenir que le rapport autorité-obéissance se place dans le contexte plus vaste du mystère de l’Église et qu’il constitue une réalisation particulière de sa fonction médiatrice. À ce propos, le Code de Droit canonique recommande aux supérieurs d’exercer « dans un esprit de service le pouvoir qu’ils ont reçu de Dieu, par le ministère de l’Église ».16

Apprendre l’obéissance au quotidien

10. Il peut donc arriver à la personne consacrée, d' »apprendre l’obéissance » à partir de la souffrance, ou bien de certaines situations particulières et difficiles : lorsque, par exemple, on lui demande d’abandonner certains projets et certaines idées personnelles, de renoncer à la prétention de gérer seule sa vie et sa mission ; ou bien, lorsque ce qui lui est demandé (ou celui qui le demande) apparaît humainement peu convaincant. Que celui qui se trouve dans de telles situations n’oublie pas, alors, que la médiation est par nature limitée et inférieure à ce à quoi elle renvoie, d’autant plus s’il s’agit de la médiation humaine dans ses rapports avec la volonté divine ; mais qu’il se souvienne aussi, chaque fois qu’il se trouve confronté à un ordre légitimement donné, que le Seigneur demande d’obéir à l’autorité qui, à ce moment-là, le représente 17 et que le Christ aussi « a appris l’obéissance par les souffrances de sa Passion » (He 5,8).

Il est utile de rappeler à ce propos les paroles de Paul VI : « Il vous faut donc connaître quelque chose du poids qui attirait le Seigneur vers sa croix, ce « baptême dont il devait être baptisé », où s’allumerait ce feu qui vous embrase à votre tour (cf. Lc 12,49-50) ; quelque chose de la « folie » que saint Paul nous souhaite à tous, car seule elle nous rend sages (cf. 1 Co 3,18-19). Que la croix soit pour vous, comme elle l’a été pour Jésus, la preuve du plus grand amour. N’y a-t-il pas un rapport mystérieux entre le renoncement et la joie, le sacrifice et la dilatation du cœur, la discipline et la liberté spirituelle ? ».18

C’est justement dans ces cas douloureux que la personne consacrée apprend à obéir au Seigneur (cf. Ps 118,71), à l’écouter et à adhérer à lui seul, dans l’attente, patiente et pleine d’espérance, de sa Parole révélatrice (cf. Ps 118,81), dans la disponibilité pleine et généreuse à accomplir sa volonté et non la sienne propre (cf. Lc 22,42).

Dans la lumière et la force de l’Esprit

11. On adhère donc au Seigneur quand on reconnaît sa présence dans les médiations humaines, tout particulièrement dans la Règle, dans les supérieurs, dans la communauté,19 dans les signes des temps, dans les attentes des gens, surtout des pauvres ; quand on a le courage de jeter les filets « sur sa parole » (cf. Lc 5,5) et non pas pour des motivations uniquement humaines ; quand on choisit d’obéir non seulement à Dieu mais aussi aux hommes, mais, dans tous les cas, pour Dieu et non pour les hommes. Saint Ignace de Loyola écrit dans ses Constitutions : « la véritable obéissance ne regarde pas à qui elle est rendue, mais à cause de qui elle est rendue ; et si elle est rendue à cause de notre seul Créateur et Seigneur, c’est à lui, le Seigneur de tous, que l’on obéit ».20

Si, dans les moments difficiles, celui qui est appelé à obéir demande avec insistance au Père l’Esprit (cf. Lc 11,13), le Père le donnera et l’Esprit procurera lumière et force pour être obéissants, fera connaître la vérité et la vérité rendra libres (cf. Jn 8,32).

Jésus lui-même, dans son humanité, a été conduit par l’action de l’Esprit Saint ; conçu dans le sein de la Vierge Marie par l’action de l’Esprit Saint, il reçoit au début de sa mission, dans le baptême, l’Esprit qui descend sur lui et le guide ; ressuscité, il répand l’Esprit sur ses disciples pour qu’ils entrent dans la même mission, annonçant le salut et le pardon qu’il a mérité. L’Esprit qui a oint Jésus est celui-là même qui peut rendre notre liberté semblable à celle du Christ, parfaitement conforme à la volonté de Dieu.21

Il est donc indispensable que chacun se rende disponible à l’Esprit, à commencer par les supérieurs qui reçoivent précisément de l’Esprit l’autorité 22 et qui, « dociles à la volonté de Dieu »,23 doivent l’exercer sous sa conduite.

Autorité au service de l’obéissance à la volonté de Dieu

12. Dans la vie consacrée, chacun doit chercher avec sincérité la volonté du Père car autrement ce serait la raison même de son choix de vie qui disparaîtrait ; mais il est également important de poursuivre ensemble une telle recherche, avec ses frères ou ses sœurs, parce que c’est justement cette recherche qui unit, qui « constitue une famille unie au Christ ».

L’autorité est au service de cette recherche, pour qu’elle se réalise dans la sincérité et dans la vérité. Dans l’homélie du début de son ministère pétrinien, Benoît XVI a affirmé de manière significative : « Mon véritable programme de gouvernem
ent est de ne pas faire ma volonté, ne pas poursuivre mes idées, mais, avec toute l’Église, de me mettre à l’écoute de la Parole et de la volonté du Seigneur, et de me laisser guider par lui, de manière que ce soit lui-même qui guide l’Église en cette heure de notre histoire ».24 D’autre part, on doit reconnaître que la tâche de guider les autres n’est pas facile, tout particulièrement quand le sens de l’autonomie personnelle est excessif ou conflictuel et en compétition avec les autres. Il est donc nécessaire, de la part de tous, d’aiguiser le regard de foi en ce domaine qui doit s’inspirer de l’attitude de Jésus, Serviteur qui lave les pieds de ses apôtres pour qu’ils aient part à sa vie et à son amour (cf. Jn 13,1-17).

Cela nécessite une grande cohérence de la part de ceux qui conduisent les Instituts, les provinces (ou autres circonscriptions de l’Institut), les communautés. La personne appelée à exercer l’autorité doit savoir qu’elle ne pourra le faire que si auparavant elle entreprend le pèlerinage qui conduit à rechercher avec intensité et droiture la volonté de Dieu. Le conseil que saint Ignace d’Antioche adressait à un confrère évêque est valable pour elle : « Que rien ne se fasse sans ton avis, et toi non plus, ne fais rien sans Dieu ».25 L’autorité doit agir en sorte que les frères et les sœurs puissent percevoir que, quand elle commande, elle le fait uniquement pour obéir à Dieu.

La vénération pour la volonté de Dieu maintient l’autorité dans un état d’humble recherche, pour faire en sorte que son action soit le plus possible conforme à cette sainte volonté. Saint Augustin rappelle que celui qui obéit accomplit toujours la volonté de Dieu, non pas parce que l’ordre de l’autorité est nécessairement conforme à la volonté divine, mais parce que c’est la volonté de Dieu que l’on obéisse à qui préside.26 Mais l’autorité, de son côté, doit rechercher assidûment, avec le soutien de la prière, de la réflexion et du conseil d’autrui, ce que Dieu veut vraiment. Dans le cas contraire, le supérieur ou la supérieure, au lieu de représenter Dieu, risqunet de se mettre témérairement à sa place.

Dans le but de faire la volonté de Dieu, autorité et obéissance ne sont donc pas deux réalités distinctes ou même opposées, mais deux dimensions de la même réalité évangélique, du même mystère chrétien, deux façons complémentaires de participer à la même offrande du Christ. Autorité et obéissance se trouvent personnifiées en Jésus : c’est pourquoi elles doivent être en relation directe avec lui et en configuration réelle avec lui. La vie consacrée veut simplement vivre Son autorité et Son obéissance.

Quelques priorités dans le service de l’autorité

13. a) Dans la vie consacrée, l’autorité est avant tout une autorité spirituelle.27 Elle sait qu’elle a été appelée à servir un idéal qui la dépasse infiniment, un idéal dont il n’est possible de s’approcher que dans un climat de prière et d’humble recherche, qui permet d’accueillir l’action de l’Esprit dans le cœur de chaque frère ou de chaque sœur. Une autorité est « spirituelle » quand elle se met au service de ce que l’Esprit veut réaliser à travers les dons qu’il distribue à chaque membre de la fraternité, dans le projet charismatique de l’Institut.

Pour être en mesure de promouvoir la vie spirituelle, l’autorité devra auparavant la cultiver en elle-même, au moyen d’une familiarité priante et quotidienne avec la Parole de Dieu, avec la Règle et les autres normes de vie, en attitude de disponibilité à l’écoute des autres et des signes des temps. «Le service de l’autorité requiert une présence constante, capable d’animer et de proposer, de rappeler la raison d’être de la vie consacrée, d’aider les personnes qui vous sont confiées à correspondre avec une fidélité toujours renouvelée à l’appel de l’Esprit ».28

b) L’autorité est appelée à garantir à sa communauté le temps et la qualité de la prière, veillant sur la fidélité quotidienne à celle-ci, bien conscient qu’on va à Dieu à petits pas, mais avec constance, chaque jour et de la part chacun, et que les personnes consacrées ne peuvent être utiles aux autres que dans la mesure où elles sont unies à Dieu. En outre, elle est appelée à veiller pour que ne soit pas supprimé, à partir de sa personne, le contact quotidien avec la Parole qui « a le pouvoir de construire l’édifice » (Ac 20,32) les personnes et la communauté et

d’indiquer les voies de la mission. Se souvenant du commandement du Seigneur « faites cela en mémoire de moi » (Lc 22,19), elle fera en sorte que le saint mystère du Corps et du Sang du Christ soit célébré et vénéré comme « source et sommet » 29 de la communion avec Dieu et entre les frères et les sœurs. En célébrant et en adorant le don de l’Eucharistie dans une fidèle obéissance au Seigneur, la communauté y puise inspiration et force pour sa donation totale à Dieu, pour être signe de son amour gratuit envers l’humanité et probante pour les biens futurs.30

c) L’autorité est appelée à promouvoir la dignité de la personne, prêtant attention à chaque membre de la communauté et à son cheminement de croissance, faisant don à chacun de sa propre estime et de sa propre considération positive, nourrissant envers tous une affection sincère, gardant avec discrétion les confidences reçues.

Il est opportun de rappeler qu’avant d’invoquer l’obéissance (nécessaire), on doit pratiquer la charité (indispensable). Il est bon, en outre, de faire un usage approprié du mot communion, qui ne peut pas et ne doit pas être entendu comme une sorte de délégation de l’autorité à la communauté (avec l’invitation implicite que chacun « fasse ce qu’il veut »), ni non plus comme l’imposition plus ou moins voilée de son propre point de vue (que chacun « fasse ce que, moi, je veux »).

d) L’autorité est appelée à donner courage et espérance dans les difficultés. De même que Paul et Barnabé encourageaient leurs disciples, leur enseignant « qu’il faut passer par bien des épreuves pour entrer dans le Royaume de Dieu » (Ac 14,22), de même l’autorité doit aider à accueillir les difficultés du moment présent rappelant qu’elles font partie des souffrances dont est souvent jalonnée la route qui conduit au Royaume.

Face à certaines situations difficiles de la vie consacrée, par exemple lorsque sa présence semble s’affaiblir et même disparaître, celui qui guide la communauté rappellera la valeur permanente de ce genre de vie parce que, aujourd’hui comme hier et comme toujours, rien n’est plus important, plus beau et plus vrai que de consacrer sa vie au Seigneur et aux plus petits de ses enfants.

Le guide de la communauté est semblable au bon pasteur qui consacre sa vie à ses brebis, parce que dans les moments difficiles, il ne recule pas, mais il est présent, il partage les préoccupations et les difficultés des personnes qui lui sont confiées, se laissant impliquer personnellement. Et, comme le bon samaritain, il sera prêt à soigner les éventuelles blessures. Il reconnaît, en outre, avec humilité ses limites et le besoin qu’il a de l’aide des autres, sachant aussi profiter de ses échecs et de ses défaites.

e) L’autorité est appelée à garder vivant le charisme de sa famille religieuse. L’exercice de l’autorité implique aussi de se mettre au service du charisme de l’Institut d’appartenance, en le gardant avec soin et le rendant actuel dans la communauté locale ou dans la province ou dans l’Institut tout entier, selon les projets et les orientations proposés, en particulier, par les Chapitres généraux (ou réunions analogues).31 Cela exige que l’autorité ait une connaissance convenable du charisme de l’Institut, l’assumant surtout dans son expérience personnelle, pour en
suite l’interpréter en fonction de la vie fraternelle communautaire et de son insertion dans le contexte ecclésial et social.

f) L’autorité est appelée à garder vivant le « sentire cum ecclesia ». Il revient aussi à l’autorité d’aider à maintenir vivant le sens de la foi et de la communion ecclésiale, au milieu d’un peuple qui reconnaît et loue les merveilles de Dieu, témoignant la joie de lui appartenir dans la grande famille de l’Église une, sainte, catholique et apostolique. L’engagement à la suite du Seigneur ne peut pas être entrepris par des navigateurs solitaires, mais il est accompli dans la barque commune de Pierre, qui résiste aux tempêtes ; et, pour une bonne navigation, la personne consacrée apportera la contribution d’une fidélité laborieuse et joyeuse.32 L’autorité devra donc rappeler que « notre obéissance est une manière de croire avec l’Eglise, de penser et de parler avec l’Eglise, de servir avec elle. Cela recouvre également toujours ce que Jésus a prédit à Pierre : « Tu seras conduit où tu ne voulais pas ». Cette manière de se faire porter là où nous ne voulions pas est une dimension essentielle de notre service, et c’est précisément ce qui nous rend libres ».33

Le sentire cum Ecclesia, qui brille chez fondateurs et fondatrices, implique une authentique spiritualité de communion, c’est-à-dire « un rapport effectif et affectif avec les Pasteurs, avant tout avec le Pape, centre de l’unité de l’Église » : 34 à lui toute personne consacrée doit pleine et confiante obéissance, même en raison du vœu.35 La communion ecclésiale requiert, en outre, une adhésion totale au magistère du Pape et des Evêques, comme témoignage concret de l’amour pour l’Eglise et de la passion pour son unité.36

g) L’autorité est appelée à accompagner le chemin de formation permanente. Un devoir que l’on doit considérer aujourd’hui de la part de l’autorité comme étant toujours plus important est celui d’accompagner sur le chemin de la vie les personnes qui lui ont été confiées. Cela, non seulement en offrant son aide pour résoudre d’éventuels problèmes ou surmonter des possibles crises mais aussi en prêtant attention à la croissance normale de chacun dans chaque phase et chaque période de l’existence, afin que soit garantie la « jeunesse de l’esprit qui demeure dans le temps » 37 et qui rend la personne consacrée toujours plus conforme aux « sentiments qui furent dans le Christ Jésus » (Ph 2,5).

Il sera donc de la responsabilité de l’autorité de maintenir élevé, chez chacun, le niveau de la disponibilité à la formation, de la capacité à apprendre de la vie, de la liberté de se laisser former les uns par les autres et de se sentir chacun responsable du cheminement de croissance d’autrui. Cela sera favorisé par l’utilisation des instruments de croissance communautaire transmis par la tradition et aujourd’hui toujours plus recommandés par ceux qui ont une expérience assurée dans le domaine de la formation spirituelle : partage de la Parole, projet personnel et communautaire, discernement communautaire, révision de vie, correction fraternelle.38

Le service de l’autorité à la lumière des normes ecclésiales

14. Dans les paragraphes précédents le service de l’autorité dans la vie consacrée a été décrit en référence à la recherche de la volonté du Père et quelques priorités ont été indiquées.

Pour que ces priorités ne soient pas comprises comme seulement facultatives, il semble opportun de reprendre les caractères particuliers de l’exercice de l’autorité selon le Code de Droit canonique.39 Les traits évangéliques du pouvoir exercé par les Supérieurs religieux aux différents niveaux y sont traduits en normes.

a) Obéissance du supérieur. Partant de la nature caractéristique de munus de l’autorité ecclésiale, le Code rappelle au supérieur religieux qu’il est avant toute chose appelé à être le premier obéissant. En raison de l’office assumé, il doit obéissance à la loi de Dieu, duquel il tient son autorité et auquel il devra rendre compte en conscience, à la loi de l’Eglise et au Pontife Romain, au droit propre de l’Institut.

b) Esprit de service. Après avoir réaffirmé l’origine charismatique et la médiation ecclésiale de l’autorité religieuse, on répète que, comme toute autorité dans l’Eglise, l’autorité du supérieur religieux aussi doit se caractériser par l’esprit de service, sur l’exemple du Christ qui « n’est pas venu pour être servi, mais pour servir » (Mc 10, 45).

En particulier divers aspects de cet esprit de service sont indiqués, dont la fidèle observance fera que les supérieurs, dans l’exercice de leur charge, seront reconnus comme « dociles à la volonté de Dieu ».40

Tout supérieur donc est appelé à faire revivre visiblement, frère parmi les frères ou sœur parmi les sœurs, l’amour avec lequel Dieu aime ses enfants, évitant d’un côté toute attitude de domination et, de l’autre, toute forme de paternalisme ou de maternalisme.

Tout cela est rendu possible à partir de la confiance dans la responsabilité des frères, « suscitant leur obéissance volontaire dans le respect de la personne humaine »,41 et à travers le dialogue en se souvenant que l’adhésion doit être assumée «en esprit de foi et d’amour à la suite du Christ obéissant »42 et non pour d’autres motifs.

c) Sollicitude pastorale. Le Code indique cette fin première de l’exercice du pouvoir religieux qui est de chercher « à édifier une communauté fraternelle dans le Christ, en laquelle Dieu soit cherché et aimé avant tout ».43 C’est pourquoi dans la communauté religieuse l’autorité est essentiellement pastorale, de par sa nature elle est toute en fonction de la construction de la vie fraternelle en communauté, selon l’identité ecclésiale propre de la vie consacrée.44

Les moyens principaux que le supérieur doit utiliser pour atteindre ce but premier ne peuvent qu’être basés sur la foi : ce sont, en particulier, l’écoute de la Parole de Dieu et la célébration de la Liturgie.

Enfin sont signalés quelques domaines d’exercice de la sollicitude particulière des supérieurs à l’égard de leurs frères ou de leurs soeurs : « qu’ils subviennent à leurs besoins personnels de façon convenable, prennent soin des malades avec sollicitude et les visitent, reprennent les inquiets, consolent les pusillanimes, soient patients envers tous ».45

En mission avec la liberté des fils de Dieu

15. Il n’est pas rare que la mission s’adresse aujourd’hui à des personnes préoccupées de leur autonomie, jalouses de leur liberté, craignant de perdre leur indépendance.

La personne consacrée, par son existence elle-même, a la possibilité d’une voie différente pour la réalisation de sa vie, une voie où Dieu est le but, où sa Parole est la lumière et où sa volonté est le guide, où on avance sereins parce qu’assurés d’être soutenus par les mains d’un Père accueillant et attentionné, où on est accompagné de frères et de sœurs, poussés par le même Esprit, qui veut et qui sait comment satisfaire les désirs semés par le Père dans le cœur de chacun.

Telle est la première mission de la personne consacrée : elle doit témoigner de la liberté des enfants de Dieu, une liberté modelée sur celle du Christ, homme libre de servir Dieu et ses frères ; elle doit, en outre, dire par son être propre que ce Dieu qui a formé la créature humaine avec de la boue (cf. Gn 2,7.22) et l’a tissée dans le sein de sa mère (cf. Ps 138,13) peut façonner sa vie en la modelant sur celle du Christ, homme nouveau et parfaitement libre.

DEUXIÈME PARTIE

AUTORITÉ ET OBÉISSANCE

DANS LA VIE FRATERNELLE

« Vous n’avez qu’un seul maître
et vous êtes tous frères »

(Mt 23,8)

Le commandement nouveau

16. À tous ceux qui cherchent Dieu, avec le commandement « tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit », a été donné le second commandement, « semblable au premier » : « tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Mt 22,37- 39). Plus encore ajoute le Seigneur Jésus : « Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres», car à la qualité de votre amour « tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples » (Jn 13,34-35). La construction d’une communauté fraternelle constitue un des engagements fondamentaux de la vie consacrée à laquelle les membres de la communauté sont appelés à se donner tout entiers mus par le même amour que celui que le Seigneur a répandu dans leurs cœurs. La vie fraternelle en communauté est en effet un élément constitutif de la vie religieuse, signe éloqunet des effets humanisants de la présence du Règne de Dieu.

S’il est vrai qu’il n’existe pas de communautés véritables sans amour fraternel, il est également vrai qu’une vision correcte de l’obéissance et de l’autorité peut offrir une aide valable pour vivre dans le quotidien le commandement de l’amour, spécialement quand il s’agit d’affronter des problèmes relatifs au rapport entre personne et communauté.

L’autorité au service de la communauté, la communauté au service du Royaume

17. « Tous ceux qui se laissent conduire par l’Esprit de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu» (Rm 8,14) : nous sommes donc sœurs et frères dans la mesure où Dieu est le Père qui, par son Esprit, conduit la communauté de sœurs et de frères, les configurant à son Fils.

Dans cette perspective s’insère la fonction de l’autorité. Les supérieurs et les supérieures, en union avec les personnes qui leur sont confiées, sont appelés à édifier dans le Christ une communauté fraternelle où l’on recherche Dieu et où l’on s’aime par-dessus tout, pour réaliser son projet rédempteur.46 L’autorité est donc au service de la communauté, comme le Seigneur Jésus qui a lavé les pieds à ses disciples, pour que, à son tour, la communauté soit au service du Royaume (cf. Jn 13,1-17). Exercer l’autorité parmi ses frères signifie les servir à l’exemple de Celui qui « a donné sa vie en rançon pour la multitude » (Mc 10,45), pour qu’eux aussi donnent leur vie.

Ce n’est que si, de son côté, le supérieur vit dans l’obéissance au Christ et en observant sincèrement la Règle que les membres de la communauté peuvent comprendre que leur obéissance au supérieur non seulement n’est pas contraire à la liberté des fils de Dieu, mais qu’elle la fait mûrir en conformité au Christ, obéissant au Père.47

Dociles à l’Esprit qui conduit à l’unité

18. Un même appel de Dieu a rassemblé les membres d’une communauté ou d’un Institut (cf. Col 3,15) ; une unique volonté de rechercher Dieu continue à les guider. « Dans l’Église et dans la société, la vie de communauté est encore particulièrement le signe du lien que constitue la volonté commune d’obéir au même appel, au-delà de toutes les diversités de race ou d’origine, de langue ou de culture. À l’encontre de l’esprit de discorde et de division, autorité et obéissance donnent un signe lumineux de la paternité unique qui vient de Dieu, de la fraternité née de l’Esprit, de la liberté intérieure des personnes qui s’en remettent à Dieu malgré les limites humaines de ceux qui le représentent ».48

L’Esprit rend chacun disponible pour le Royaume, même dans la différence des dons et des rôles (cf. 1 Cor 12,11). L’obéissance à son action unifie la communauté dans le témoignage de sa présence, elle rend joyeux les pas de tous (cf. Ps 36,23) et elle devient le fondement de la vie fraternelle, où tous obéissent, même avec des tâches différentes. La recherche de la volonté de Dieu et la disponibilité à l’accomplir constitunet le ciment spirituel qui sauve le groupe de l’éclatement qui pourrait découler des nombreuses personnalités quand elles sont privées d’un principe d’unité.

Pour une spiritualité de communion et pour une sainteté communautaire

19. Au cours de ces dernières années, une conception anthropologique renouvelée a mis davantage en évidence l’importance de la dimension relationnelle de l’être humain. Une telle conception trouve de larges confirmations dans l’image de la personne humaine qui ressort de l’Écriture et qui, sans aucun doute, a également influnecé la façon de concevoir la relation à l’intérieur de la communauté religieuse, la rendant plus attentive à la valeur de l’ouverture à autre que soi, à la fécondité du rapport avec la diversité et à l’enrichissement qui en résulte pour chacun.

Une telle anthropologie relationnelle a aussi exercé une influnece, du moins indirecte, comme nous l’avons déjà rappelé, sur la spiritualité de communion, et a contribué au renouvellement du concept de mission, comprise comme engagement partagé avec tous les membres du peuple de Dieu, dans un esprit de collaboration et de coresponsabilité. La spiritualité de communion se présente comme le climat spirituel de l’Église au début du troisième millénaire et, donc, comme une tâche active et exemplaire de la vie consacrée à tous les niveaux. C’est la voie royale d’un avenir de vie de foi et de témoignage chrétien. Elle trouve sa référence décisive dans le mystère eucharistique, toujours plus reconnu comme central, justement parce que « l’Eucharistie est constitutive de l’être et de l’agir de l’Église » et « se montre à la racine de l’Eglise comme mystère de communion ».49

La sainteté et la mission passent par la communauté, parce que le Seigneur ressuscité se fait présent en elle et à travers elle,50 la rendant sainte et sanctifiant les relations. Jésus n’a-t-il pas promis d’être présent là où deux ou trois se trouvent réunis en son nom (cf. Mt 18,20) ? Le frère et la sœur deviennent de cette façon sacrement du Christ et de la rencontre avec Dieu, possibilité concrète de pouvoir vivre le commandement de l’amour réciproque. Le chemin de sainteté devient ainsi parcours que toute la communauté effectue ensemble ; non seulement chemin d’un seul, mais toujours davantage expérience communautaire : dans l’accueil réciproque, dans le partage des dons, surtout des dons de l’amour, du pardon et de la correction fraternelle ; dans la recherche commune de la volonté du Seigneur, riche de grâce et de miséricorde ; dans la disponibilité à prendre en charge, chacun, le chemin de l’autre.

Dans le climat culturel d’aujourd’hui, la sainteté communautaire est témoignage convaincant, peut-être plus encore que le témoignage individuel : il manifeste la valeur permanente de l’unité, don qui nous a été laissé par le Seigneur Jésus. Cela est visible en particulier dans les communautés internationales et interculturelles qui exigent de hauts niveaux d’accueil et de dialogue.

Le rôle de l’autorité pour la croissance de la fraternité

<p>20. La croissance de la fraternité est fruit d’une charité « ordonnée ». Par conséqunet, « il est nécessaire que le droit propre soit le plus précis possible quand il détermine les compétences respectives de la communauté, des différents Conseils, des responsables des divers secteurs, et du supérieur. Le manque de clarté en ce domaine est source de confusion et occasion de conflits. De même, les « projets communautaires », qui favorisent la participation à la vie communautaire et à la mission dans les différents contextes, devraient avoir soin de bien définir le rôle et la compétence de
l’autorité, dans le respect des Constitutions ».51

Dans ce cadre, l’autorité promeut la croissance de la vie fraternelle à travers le service de l’écoute et du dialogue, la création d’un climat favorable au partage et à la coresponsabilité, la participation de tous à ce qui est commun, le service équilibré aux personnes et à la communauté, le discernement, la promotion de l’obéissance fraternelle.

a) Le service de l’écoute

L’exercice de l’autorité comporte qu’elle « écoute volontiers les personnes que le Seigneur lui a confiées ».52 Saint Benoît insiste : « L’abbé réunit toute la communauté » ; « tous les frères sont appelés au conseil », « en effet, souvent, le Seigneur découvre à un frère plus jeune ce qui est le mieux ».53

L’écoute est l’un des principaux ministères du supérieur, pour lequel il devrait être toujours disponible, surtout envers celui qui se sent seul et a besoin d’attention. Écouter, en effet, signifie accueillir inconditionnellement l’autre, lui faire une place dans son cœur. De cette façon, l’écoute fait apparaître l’affection et la compréhension, fait comprendre à l’autre qu’il est apprécié et que sa présence et son avis sont pris en considération.

Le responsable doit se souvenir que celui qui ne sait pas écouter son frère ou sa sœur ne sait pas non plus écouter Dieu, qu’une écoute attentive permet de mieux coordonner les énergies et les dons que l’Esprit a donnés à la communauté, et aussi de garder à l’esprit, dans les décisions, les limites et les difficultés de certains membres. Le temps consacré à l’écoute n’est jamais du temps perdu, et l’écoute peut souvent prévenir des crises et des moments difficiles, au niveau tant individuel que communautaire.

b) La création d’un climat propice au dialogue, au partage et à la coresponsabilité

L’autorité devra se préoccuper de créer un climat de confiance, en promouvant la reconnaissance des capacités et des sensibilités de chacun. De plus, elle nourrira, avec des mots et des faits, la conviction que la fraternité exige participation et donc information.

En plus de l’écoute, elle tiendra en estime le dialogue sincère et libre pour un partage des sentiments, des perspectives et des projets : dans ce climat, chacun pourra se voir reconnaître son identité et améliorer ses capacités relationnelles. Elle n’aura pas peur de reconnaître et d’accepter les problèmes qui peuvent facilement surgir du fait de chercher ensemble, de décider ensemble, de travailler ensemble, d’entreprendre ensemble les voies les meilleures pour réaliser une collaboration féconde. Au contraire, elle recherchera les causes des éventuelles difficultés et incompréhensions, sachant proposer des remèdes, dans la mesure du possible avec l’avis de tous. En outre, elle s’engagera à faire en sorte que soit surmontée toute forme d’infantilisme et à décourager une quelconque tentative d’éviter des responsabilités ou d’écarter de lourds engagements, de se refermer sur son propre monde et ses propres intérêts ou de travailler de manière solitaire.

c) L’incitation à la contribution de tous à ce qui concerne tout le monde

Celui qui préside a la responsabilité de la décision finale,54 mais il ne doit pas y parvenir seul ou seule mais plutôt en mettant en valeur le plus possible la libre contribution de tous ses frères ou de toutes ses sœurs. La communauté est ce qu’en font ses membres : donc, il sera essentiel de stimuler et de susciter l’apport de toutes les personnes pour que chacune ressente le devoir de faire son propre don de charité, de compétence et de créativité. Toutes les ressources humaines doivent en effet être renforcées et converger dans le projet communautaire, en les motivant et en les respectant.

Il ne suffit pas de mettre en commun les biens matériels, mais, est encore plus significative la communion des biens et des capacités personnelles, des dons et des talents, des intuitions et des inspirations, et il est plus fondamental encore de promouvoir la mise en commun des biens spirituels, de l’écoute de la Parole de Dieu, de la foi : « Le lien unissant les frères est d’autant plus fort qu’est plus central et plus vital ce que l’on met en commun ».55

Il est probable que, au début, tous ne seront pas prêts pour ce type de participation : face à d’éventuelles résistances, loin de renoncer au projet, l’autorité cherchera à équilibrer avec sagesse l’incitation à la communion, dynamique et entreprenante, et l’art de patienter, sans prétendre recueillir immédiatement les fruits de ses efforts. Et, elle reconnaîtra que Dieu est l’unique Seigneur qui peut toucher et changer le cœur des personnes.

d) Au service des personnes et de la communauté

En confiant les différentes tâches, l’autorité devra tenir compte de la personnalité de chaque frère ou de chaque sœur, de ses difficultés et de ses prédispositions, de façon à donner à chacun, dans le respect de la liberté de tous, la possibilité d’exprimer ses dons ; en même temps, elle devra nécessairement prendre en considération le bien de la communauté et le service dans l’œuvre qui lui a éventuellement été confiée.

Il ne sera pas toujours facile, dans la pratique, de concilier les finalités. C’est là que deviendra indispensable l’équilibre de l’autorité qui se manifeste aussi bien dans l’aptitude à saisir les aspects positifs de chacun et à utiliser au mieux les forces disponibles que dans la rectitude d’intention qui la rend intérieurement libre, n’étant pas trop préoccupée de faire plaisir ou de plaire, et indiquant clairement la signification véritable de la mission pour la personne consacrée, qui ne peut pas se réduire à la mise en valeur des qualités de chacun.

Mais il sera tout aussi indispensable que la personne consacrée accepte avec un esprit de foi, et des mains du Père, la charge qui lui est confiée, même si elle n’est pas conforme à ses désirs et à ses attentes, ou à sa façon de comprendre la volonté de Dieu. Tout en pouvant exprimer ses difficultés (plus encore, en les manifestant avec sincérité comme contribution à la vérité), obéir en de tels cas signifie s’en remettre à la décision finale de l’autorité, avec la conviction qu’une telle obéissance est une contribution précieuse, bien que douloureuse, à l’édification du Royaume.

e) Le discernement communautaire

« Par la vie fraternelle animée par l’Esprit, chacun entretient avec les autres un dialogue précieux pour découvrir la volonté du Père, et tous reconnaissent en celui qui est responsable l’expression de la paternité de Dieu ainsi que l’exercice de l’autorité reçue de Dieu, mise au service du discernement et de la communion ».56

Parfois, lorsque le droit propre le prévoit ou que la décision à prendre est d’une importance telle que cela s’impose, la recherche d’une réponse juste est confiée au discernement communautaire, qui implique d’écouter ce que l’Esprit dit à la communauté (cf. Ap 2,7).

Si le véritable discernement est réservé aux décisions les plus importantes, l’esprit de discernement devrait caractériser tout processus de décision qui engage la communauté. Et alors, il devrait toujours y avoir, avant toute décision, un temps de prière et de réflexion personnelle, ainsi qu’une série d’attitudes importantes pour décider ensemble ce qui est juste et ce qui plaît à Dieu. Voici quelques unes de ces attitudes :

– la résolution de ne rechercher rien d’autre que la volonté divine, en se laissant inspirer par la façon d’agir de Dieu telle qu’elle est manifestée dans les Saintes Écritures et dans l’histoire du charisme de l’Institut, et en ayant conscience que la logique évangélique est souvent « inversée » face à la logique humaine qui recherche l
e succès, l’efficacité, la reconnaissance ;

– la disponibilité à reconnaître que tout frère ou toute sœur a la capacité de percevoir la vérité, même si c’est partiellement, et, par conséqunet, à accueillir leur avis comme médiation pour percevoir ensemble la volonté de Dieu, au point de savoir reconnaître les idées d’autrui comme meilleures que les siennes ;

– l’attention aux signes des temps, aux attentes des gens, aux exigences des pauvres, aux urgences de l’évangélisation, aux priorités de l’Église universelle et particulière, aux indications données par les Chapitres et les supérieurs majeurs ;

– la liberté par rapport aux préjugés, aux attachements excessifs à ses idées, à des modes de pensée rigides ou erronés, à des dispositions qui exacerbent la diversité des points de vue ;

– le courage de motiver ses idées et ses positions, mais aussi de s’ouvrir à des perspectives nouvelles et de modifier son propre point de vue ;

– la ferme résolution de maintenir l’unité en toutes circonstances, quelle que soit la décision finale.

Le discernement communautaire ne remplace pas la nature et la fonction de l’autorité, à qui revient la décision finale ; cependant, l’autorité ne peut ignorer que la communauté est le lieu privilégié pour reconnaître et accueillir la volonté de Dieu. Dans tous les cas, le discernement est un des moments les plus hauts de la fraternité consacrée, où se détache avec une particulière clarté le caractère central de Dieu, en tant que fin ultime de la recherche de tous, de même que la responsabilité et l’apport de chacun dans le cheminement de tous vers la vérité.

f) Discernement, autorité et obéissance

L’autorité fera preuve de patience dans le délicat processus de discernement, qu’elle cherchera à garantir dans toutes ses phases et à soutenir dans les moments les plus critiques et elle devra montrer de la fermeté quant à l’application de ce qui a été décidé. Elle sera attentive à ne pas abdiquer ses responsabilités, même par amour de la tranquillité ou par peur de heurter la susceptibilité de quelques uns. Elle se sentira la responsabilité de ne pas fuir devant les situations qui exigent de prendre des décisions claires et qui, parfois, peuvent déplaire.57 L’amour vrai envers la communauté est justement ce qui rend l’autorité capable de concilier fermeté et patience, écoute de chacun et courage dans la prise de décision, en surmontant la tentation d’être sourd et muet.

Il faut noter, pour terminer, qu’une communauté ne peut pas être en état de discernement continu. Au temps du discernement succède le temps de l’obéissance, c’est-à-dire le moment de l’exécution de la décision : tous deux sont des temps pendant lesquels il faut vivre avec un esprit obéissant.

g) L’obéissance fraternelle

Saint Benoît, à la fin de sa Règle affirme : « Cette bonne chose qu’est l’obéissance n’est pas due seulement par tous à l’abbé, mais les frères s’obéiront aussi les uns aux autres, sachant que c’est par cette voie de l’obéissance qu’ils iront à Dieu».58 «Ils s’honoreront mutuellement de prévenances ; ils supporteront entre eux avec la plus grande patience les infirmités physiques et morales ; ils s’obéiront à l’envi les uns aux autres ; nul ne recherchera ce qu’il juge utile à soi-même mais ce qui l’est à autrui».59 Et saint Basile le Grand se demande : « Comment doit-on obéir les uns aux autres ? ». Et il répond : « comme des serviteurs à leurs maîtres, selon ce qu’a prescrit le Seigneur : Celui qui voudra être grand parmi vous se fera le dernier et le serviteur de tous (cf. Mc 1,44) ; et il ajoute ces paroles encore plus impressionnantes : « Comme le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir » (Mc 10,45) ; et selon ce que dit l’Apôtre : « Dans l’amour de l’Esprit, soyez serviteurs les uns des autres » (Gal 5,13) ».60

La vraie fraternité se fonde sur la reconnaissance de la dignité de son frère ou de sa sœur, et se réalise dans l’attention à l’autre et à ses besoins, dans la capacité à se réjouir de ses dons et de ses réalisations, dans la consécration de son temps pour écouter et se laisser éclairer. Mais ceci exige d’être intérieurement libres.

Il n’est certainement pas libre celui qui est convaincu que ses idées et ses solutions sont toujours les meilleures ; celui qui considère pouvoir décider seul sans aucune médiation pour connaître la volonté divine ; celui qui se considère toujours dans le vrai et qui est convaincu que ce sont les autres qui doivent changer ; celui qui pense uniquement à ses affaires et qui ne porte aucune attention aux besoins des autres ; celui qui pense qu’obéir est une valeur dépassée, qui ne peut pas être proposée dans un monde plus évolué.

Est libre, au contraire, la personne qui vit constamment profondément attentive à recueillir dans toute situation de l’existence, et surtout chez toute personne qui vit à coté d’elle, une médiation de la volonté du Seigneur, même si elle est mystérieuse. Par conséqunet, « si le Christ nous a libérés, c’est pour que nous soyons vraiment libres » (Gal 5,1). Il nous a libérés pour que nous puissions rencontrer Dieu tout au long des innombrables chemins qui jalonnent notre existence quotidienne.

« Celui qui veut être le premier sera votre esclave » (Mt

21. Même si aujourd’hui la prise de responsabilité propre de l’autorité peut sembler un fardeau particulièrement lourd, et si elle requiert d’être dans l’humilité pour se faire serviteur et servante des autres, il est cependant toujours bon de se rappeler les paroles sévères que le Christ Jésus adresse à ceux qui sont tentés de revêtir leur autorité d’un prestige mondain : « Celui qui veut être le premier sera votre esclave. Ainsi, le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude » (Mt 20,27-28).

Celui qui recherche dans son office un moyen pour apparaître ou pour s’affirmer, pour se faire servir ou pour asservir, se place manifestement en dehors du modèle évangélique de l’autorité. Il convient de prêter attention aux paroles que saint Bernard adressait à l’un de ses disciples devenu Successeur de Pierre : « Considère si tu as fait quelques progrès en vertu, en sagesse, en intelligence et en mansuétude ; … si tu es plus orgueilleux ou plus humble, plus bienveillant ou plus hautain ? plus indulgent ou plus intransigeant ? Qu’as-tu développé en toi : la crainte de Dieu ou une dangereuse effronterie ? ».61

L’obéissance, même dans les meilleures conditions, n’est pas facile ; mais elle est facilitée lorsque la personne consacrée voit l’autorité se mettre au service humble et actif de la fraternité et de la mission : une autorité qui, même avec toutes les limites humaines, essaie de représenter dans sa façon d’agir les attitudes et les sentiments du Bon Pasteur.

« Je prie aussi celle qui sera chargée des sœurs – affirmait sainte Claire d’Assise dans son testament – de s’étudier à être la première par la vertu et la sainteté de sa vie plus que par sa charge, afin que les sœurs, stimulées par son exemple, lui obéissent plus par affection que par devoir ».62

La vie fraternelle comme mission

22. Les personnes consacrées, guidées par l’autorité, sont appelées à se confronter souvent au commandement nouveau, le commandement qui renouvelle tout : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jn 15,12).

S’aimer les uns les autres comme le Seigneur a aimé signifie aller au- delà du mérite personnel de ses frères et de ses sœurs, signifie obéir non pas à ses propres désirs mais à Dieu qui parle à travers la condit
ion et les besoins de ses frères et de ses sœurs. Il est nécessaire de rappeler que le temps consacré à améliorer la qualité de la vie fraternelle n’est pas du temps perdu, parce que, comme l’a répété à maintes reprises le regretté Pape Jean Paul II, « toute la fécondité de la vie religieuse dépend de la qualité de la vie fraternelle menée en commun ».63

L’effort intense pour réaliser des communautés fraternelles n’est pas seulement préparation à la mission, mais en fait intégralement partie, à partir du moment où « la communion fraternelle en tant que telle est déjà un apostolat ».64 Etre en mission comme communautés qui cons

truisent chaque jour la fraternité, dans la recherche continue de la volonté de Dieu, signifie affirmer que, en suivant le Seigneur Jésus, il est possible de réaliser la convivence humaine, d’une manière nouvelle et humanisante.

TROISIÈME PARTIE

EN MISSION

« De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie »

(Jn 20, 21)

En mission, avec tout son être, comme Jésus, le Seigneur

23. Le Seigneur Jésus nous fait comprendre, par sa forme de vie elle- même, que mission et obéissance sont intimement liées. Dans les Évangiles, Jésus se présente toujours comme « l’envoyé du Père pour faire sa volonté » (cf. Jn 5,36-38 ; 6,38-40 ; 7,16-18) ; il accomplit toujours ce qui plaît au Père. On peut dire que toute la vie de Jésus est mission du Père. Lui-même est la mission du Père.

Comme le Verbe est venu en mission, s’incarnant dans une humanité qui s’est laissée totalement assumer, de même nous collaborons à la mission du Christ et nous lui permettons de l’accomplir pleinement surtout en l’accueillant lui-même, en nous faisant lieu de sa présence et donc continuation de sa vie dans l’histoire, pour donner aux autres la possibilité de le rencontrer.

Considérant que le Christ, dans sa vie et dans ses œuvres, a été l’amen (cf. Ap 3,14), le oui (cf. 2 Cor 1,20) parfait dit au Père, et que de dire oui signifie tout simplement obéir, il est impossible de concevoir la mission, si ce n’est en relation avec l’obéissance. Vivre la mission implique toujours d’être envoyés et comporte la référence aussi bien à celui qui envoie qu’au contenu de la mission à accomplir. C’est pourquoi, sans référence à l’obéissance, le terme même de mission devient difficilement compréhensible et s’expose au risque d’être réduit à quelque chose qui fait uniquement référence à soi-même. Il existe toujours le danger de réduire la mission à une profession à exercer en vue de sa propre réalisation, et donc de la gérer plus ou moins seul.

En mission pour servir

24. Dans ses Exercices spirituels Saint Ignace de Loyola écrit que le Seigneur appelle et dit : « Qui veut venir avec moi doit travailler avec moi, parce qu’en me suivant dans la peine et dans les souffrances, il me suivra aussi dans la gloire ».65 La mission doit faire face, aujourd’hui comme hier, à de considérables difficultés, qui ne peuvent être affrontées qu’avec la grâce qui nous vient du Seigneur, dans la conscience, humble et forte, d’être envoyés par Lui et de pouvoir, justement pour cela, compter sur son aide.

Grâce à l’obéissance, on a la certitude de servir le Seigneur, d’être « serviteurs et servantes du Seigneur » dans l’action et dans la souffrance. Une telle certitude est source d’engagement inconditionnel, de fidélité tenace, de sérénité intérieure, de service désintéressé, de dévouement des meilleures énergies. « Celui qui obéit est assuré d’être vraiment en mission, à la suite du Seigneur et non porté par ses propres désirs ou ses propres aspirations. Il est ainsi possible de se savoir conduit par l’Esprit du Seigneur et soutenu par sa main ferme, même au milieu de grandes difficultés » (cf. Ac 20,22).66

On est en mission quand, loin de rechercher l’affirmation de soi, on est avant tout conduits par le désir d’accomplir l’adorable volonté de Dieu. Un tel désir est l’âme de l’oraison (« que ton Règne vienne, que ta volonté soit faite ») et la force de l’apôtre. La mission nécessite l’engagement de tous les dons et de tous les talents humains, qui concourent au salut quand ils sont mis dans le fleuve de la volonté de Dieu, qui porte les choses qui passent dans l’océan des réalités éternelles, où Dieu, bonheur sans fin, sera tout en tous (cf. 1 Cor 15,28).

Autorité et mission

25. Tout cela implique que soit reconnue à l’autorité une tâche importante à l’égard de la mission, dans la fidélité à son propre charisme. Tâche qui n’est pas simple, ni exempte de difficultés et d’équivoques. Par le passé, le risque pouvait venir d’une autorité orientée en général vers la gestion des œuvres, avec le danger de délaisser les personnes ; aujourd’hui, au contraire, le risque peut venir de la crainte excessive, de

la part de l’autorité, de heurter les susceptibilités personnelles, ou d’une dilution de compétence et de responsabilité qui affaiblit la convergence vers l’objectif commun et rend vain le rôle même de l’autorité.

Cependant, l’autorité n’est pas seulement responsable de l’animation de la communauté, elle a aussi une fonction de coordination des diverses compétences en vue de la mission, dans le respect des rôles et selon les normes internes de l’Institut. Si l’autorité ne peut pas (et ne doit pas) tout faire, elle est cependant l’ultime responsable de tout.67

Les défis que le temps présent pose à l’autorité sont multiples face à la tâche de coordonner les énergies en vue de la mission. Énumérons ici quelques unes des tâches importantes dans le service de l’autorité :

a) L’autorité encourage à assumer les responsabilités et à les respecter quand elles sont assumées

Les responsabilités peuvent effrayer certains. Il est donc nécessaire que l’autorité transmette à ses collaborateurs la force chrétienne et le courage pour affronter les difficultés, dépassant peurs et tentations à renoncer.

Elle s’empressera de partager non seulement les informations, mais aussi les responsabilités, s’engageant ensuite à respecter chacun dans sa juste autonomie. Cela comporte de la part de l’autorité un patient travail de coordination et, de la part de la personne consacrée, une sincère disponibilité à collaborer.

L’autorité doit « être présente » quand c’est nécessaire, pour favoriser chez les membres de la communauté le sens de l’interdépendance, qui est aussi éloignée de la dépendance infantile que de l’indépendance autosuffisante. Cela est le fruit de la liberté intérieure qui permet à chacun de travailler et de collaborer, de remplacer et d’être remplacé, d’être protagoniste et de donner sa propre contribution, même en se tenant en retrait.

Celui qui exerce le service de l’autorité se gardera de céder à la tentation de l’autosuffisance personnelle, de croire que tout dépend de lui ou d’elle ou qu’il n’est pas important ni utile de favoriser la participation communautaire, parce qu’il est mieux de faire un pas ensemble plutôt que deux (ou même plus) seul.

b) L’autorité invite à affronter les diversités dans un esprit de communion

Les rapides changements culturels actuels, non seulement provoqunet des transformations structurelles qui ont des effets sur les activités et sur la mission, mais peuvent donner lieu à des tensions à l’intérieur des communautés où différents modes de formation culturelle ou spirituelle orientent vers des lectures différentes des signes des temps et donc vers des propositions de projets différents, pas t
oujours conciliables. De telles situations peuvent se présenter de nos jours plus fréquemment qu’autrefois du fait du nombre croissant de communautés constituées de personnes issues d’ethnies ou de cultures diverses et les différences de génération s’accentunet. L’autorité est appelée à servir aussi, dans un esprit de communion, ces communautés composites, les aidant à offrir, dans un monde marqué par de nombreuses divisions, le témoignage qu’il est possible de vivre ensemble et de s’aimer même si l’on est différents. Elle devra alors maintenir avec fermeté certains principes aussi bien théoriques que pratiques :

– rappeler que, dans l’esprit de l’Évangile, le conflit d’idées ne devient jamais conflit de personnes ;

– rappeler que la pluralité des perspectives favorise l’approfondissement des questions ;

– favoriser la communication de façon à ce que le libre échange des idées clarifie les positions et fasse émerger la contribution positive de chacun ;

– aider à se libérer de l’égocentrisme et de l’ethnocentrisme, qui tendent à reverser sur les autres les causes des maux, pour arriver à une compréhension mutuelle ;

– faire prendre conscience que l’idéal n’est pas d’avoir une communauté exempte de conflits, mais une communauté qui accepte d’affronter ses propres tensions pour les résoudre de façon positive, en cherchant des solutions qui n’ignorent aucune des valeurs auxquelles il est nécessaire de se référer.

c) L’autorité maintient l’équilibre entre les différentes dimensions de la vie consacrée

En effet, elles peuvent connaître des tensions entre elles. L’autorité doit veiller à ce que l’unité de vie soit préservée et que de fait soit le plus possible respecté l’équilibre entre temps consacré à la prière et temps consacré au travail, entre individu et communauté, entre engagement et repos, entre attention à la vie commune et attention au monde et à l’Église, entre formation personnelle et formation communautaire.68

L’un des équilibres les plus délicats à trouver est l’équilibre entre communauté et mission, entre vie ad intra et vie ad extra.69 Étant donné que, normalement, l’urgence des choses à faire peut conduire à délaisser les choses qui concernent la communauté, et que, de plus en plus souvent, on est appelé à agir seul, il sera nécessaire de respecter certaines règles, dont on ne peut s’affranchir, qui garantissent en même temps un esprit de fraternité dans la communauté apostolique et une sensibilité apostolique dans la vie fraternelle.

Il sera important que l’autorité soit garante de ces règles et rappelle à tous et à chacun que, lorsqu’une personne de la communauté est en mission ou accomplit un service d’apostolat quel qu’il soit, même si elle agit seule, elle agit toujours au nom de l’Institut ou de la communauté ; plus encore, elle agit grâce à la communauté. Souvent, en effet, si elle peut mener cette activité bien déterminée, c’est parce quelqu’un de la communauté lui a donné un peu de son temps ou l’a conseillée ou lui a transmis un certain esprit ; souvent, en outre, celle qui reste dans la communauté remplace dans certains travaux de la maison la personne qui est occupée dehors, ou prie pour elle, ou la soutient par sa propre fidélité.

Alors, l’apôtre a le devoir non seulement d’être profondément reconnaissant mais aussi de rester étroitement uni à sa communauté dans tout ce qu’il fait, qu’il n’a pas à se l’approprier mais qu’il s’efforce à tout prix de cheminer avec les autres, attendant, si cela est nécessaire, celui qui avance plus lentement, mettant en valeur l’apport de chacun, partageant le plus possible joies et peines, intuitions et incertitudes, pour que chacun ressente comme sien l’apostolat de l’autre, sans envie, ni jalousie. Que l’apôtre soit sûr que ce qu’il donnera de lui-même à la communauté n’arrivera jamais à la hauteur de ce qu’il en a reçu et de ce qu’il en reçoit.

d) L’autorité a un cœur miséricordieux

Saint François d’Assise, dans une lettre émouvante à un ministre (supérieur) donnait les instructions suivantes à propos d’éventuelles faiblesses personnelles de ses frères : « Voici à quoi je reconnaîtrai que tu aimes le Seigneur, et que tu m’aimes, moi, son serviteur et le tien : si n’importe quel frère au monde, après avoir péché autant qu’il est possible de pécher, peut rencontrer ton regard, demander ton pardon, et te quitter pardonné. S’il ne demande pas pardon, demande-lui, toi, s’il veut être pardonné. Et même si après cela il péchait encore mille fois contre toi, aime-le plus encore que tu m’aimes, et cela pour l’amener au Seigneur. Aie toujours pitié de ces malheureux ».70

L’autorité est appelée à développer une pédagogie du pardon et de la miséricorde, et à être pour cela instrument de l’amour de Dieu qui accueille, corrige et donne toujours une nouvelle possibilité au frère ou à la sœur qui se trompe et tombe dans le péché. Surtout, elle devra rappeler que, sans l’espérance du pardon, la personne a du mal à reprendre la route et tend inévitablement à rajouter le mal au mal, et les chutes aux chutes. La perspective de la miséricorde, au contraire, affirme que Dieu est capable de tirer du bien même des situations de péché.71 L’autorité s’emploiera donc à faire en sorte que toute la communauté apprenne ce comportement miséricordieux.

e) L’autorité a le sens de la justice

Si l’on peut considérer l’invitation de saint François d’Assise à pardonner au frère qui a péché comme une règle générale précieuse, il faut reconnaître qu’il existe des comportements, de la part des membres de certaines fraternités de consacrés, qui nuisent gravement au prochain et qui impliqunet une responsabilité à l’égard des personnes extérieures à la communauté et à l’égard de l’institution à laquelle ils appartiennent. S’il convient de faire preuve de compréhension envers les fautes des personnes, il est cependant nécessaire d’avoir un sens rigoureux de responsabilité et de charité envers ceux qui ont éventuellement eu à souffrir du comportement incorrect de personnes consacrées.

Que celui ou celle qui commet une erreur sache qu’il doit répondre personnellement des conséquneces de ses actes. La compréhension à l’égard d’un confrère ne doit pas exclure la justice, tout spécialement envers les personnes sans défense et les victimes d’abus. Accepter de reconnaître son propre tort et en assumer la responsabilité et les conséquneces est déjà un premier pas sur le chemin de la miséricorde : comme pour Israël qui s’est éloigné du Seigneur, accepter les conséquneces du mal (c’est le cas de l’expérience de l’exil) est le premier moyen de reprendre le chemin de conversion et de redécouvrir plus profondément son rapport à Dieu.

f) L’autorité promeut la collaboration avec les laïcs

La collaboration croissante avec les laïcs dans le cadre des œuvres et des activités menées par les personnes consacrées pose, à la communauté comme à l’autorité, des questions nouvelles qui exigent des réponses nouvelles : « La participation des laïcs suscite souvent des approfondissements inattendus et féconds de certains aspects du charisme » du fait que les laïcs sont invités à offrir « aux familles religieuses la précieuse contribution de leur caractère séculier et de leur service spécifique ».72

Il a été utilement rappelé que, pour atteindre l’objectif d’une collaboration mutuelle entre religieux et laïcs, « il est nécessaire d’avoir des communautés religieuses ayant une claire identité charismatique assimilée et vécue, capables par conséqunet de la communiquer aux autres et disponibles au partage ; des communautés religieuses, vivant une intense spiritualité et
un esprit missionnaire enthousiaste, pour transmettre le même esprit et le même élan évangélisateur ; des communautés religieuses qui sachent animer et encourager les laïcs à partager le charisme de leur Institut selon leur caractère séculier et leur style de vie différent, les invitant à découvrir de nouvelles formes de mise en œuvre de ce charisme et de la mission. Ainsi la communauté religieuse peut devenir un centre d’irradiation, de force spirituelle, d’animation, de fraternité qui crée la fraternité, de communion et collaboration ecclésiale, les apports différents contribuant à la construction du Corps du Christ qui est l’Église ».73

Il est nécessaire, en outre, que soit bien défini l’organigramme des compétences et des responsabilités, aussi bien des laïcs que des religieux, ainsi que des organismes intermédiaires (Conseils d’administration et instances similaires). En tout cela, celui qui a la responsabilité dans la communauté des consacrés a un rôle irremplaçable.

Les difficiles obéissances

26. Dans le déroulement concret de la mission, certaines obéissances peuvent apparaître particulièrement difficiles étant donné que les perspectives et les modalités de l’action apostolique ou diaconale peuvent être perçues et pensées de manières différentes. Face à certaines obéissances difficiles, qui paraissent de prime abord vraiment « absurdes », on peut être tenté de perdre confiance et même d’abandonner : est-ce que cela vaut la peine de continuer ? Ne pourrais-je pas réaliser de meilleure façon mes idées, dans un autre contexte ? Pourquoi s’user à des désaccords stériles ?

Déjà saint Benoît se posait la question d’une obéissance « très lourde ou même impossible à exécuter » ; et saint François d’Assise évoquait le cas où un sujet croit voir « des choses meilleures et plus utiles à son âme que celles que le supérieur lui ordonne » ; le Père du monachisme répond en demandant un dialogue libre, ouvert, humble et confiant entre moine et abbé ; à la fin cependant, si on le lui demande, le moine « obéira par amour, confiant en l’aide de Dieu ».74 Le saint d’Assise invite à réaliser une « obéissance de charité » pour laquelle le frère sacrifie volontairement ses idées et suit le commandement prescrit et ainsi « elle satisfait à Dieu et au prochain» ; 75 et il voit une « obéissance parfaite » là où, bien que ne pouvant pas obéir parce que lui est demandé « quelque chose contre son âme », le religieux ne rompt pas l’unité avec le supérieur et la communauté, disposé même à supporter des persécutions à cause de cela. « Car – observe saint François – celui qui supporte la persécution plutôt que vouloir être séparé de ses frères demeure vraiment dans l’obéissance parfaite, parce qu’il livre son âme pour ses frères ».76 Il nous est ainsi rappelé que l’amour et la communion représentent des valeurs suprêmes, auxquelles l’exercice de l’autorité et de l’obéissance est aussi subordonné.

Si l’on doit reconnaître que, d’une part, un certain attachement à des idées et à des convictions personnelles, fruits de réflexion et d’expérience et mûries avec le temps, est compréhensible, c’est aussi une bonne chose que de chercher à les défendre et à les réaliser, toujours dans la perspective du Royaume, dans un dialogue franc et constructif. D’autre part, on ne doit pas oublier que le modèle est toujours Jésus de Nazareth, qui même dans sa Passion demande à Dieu d’accomplir sa volonté de Père, et ne recule pas face à la mort sur la croix (cf. Ph 2,8).

La personne consacrée, lorsqu’il lui est demandé de renoncer à ses idées ou à ses projets, peut faire l’expérience de perte et de tentation de refus de l’autorité, ou ressentir en elle « une violente clameur et des larmes » (He 5,7) et implorer que s’éloigne le calice amer. Mais c’est aussi le moment où l’on doit s’en remettre au Père pour que s’accomplisse sa volonté et pour pouvoir ainsi participer activement, de tout son être, à la mission du Christ « pour que le monde ait la vie » (Jn 6,51).

C’est dans le fait de prononcer ces « oui » difficiles que nous pouvons comprendre vraiment le sens de l’obéissance comme acte suprême de liberté, exprimé dans un abandon total et confiant de soi au Christ, Fils librement obéissant au Père ; et nous pouvons comprendre le sens de la mission comme offrande obéissante de soi qui attire la bénédiction du Très Haut : « Je te comblerai de bénédictions … Puisque tu m’as obéi, toutes les nations de la terre s’adresseront l’une à l’autre la bénédiction » (Gn 22,17-18). Dans cette bénédiction la personne consacrée obéissante sait qu’elle trouvera tout ce qu’elle a laissé avec le sacrifice de son détachement ; dans cette bénédiction, est cachée aussi la pleine réalisation de son humanité elle-même (cf. Jn 12,25).

Obéissance et objection de conscience

27. Une question peut surgir ici : existe-il des situations dans lesquelles la conscience personnelle semble ne pas permettre de suivre les indications données par l’autorité ? Peut-il arriver en réalité que la personne consacrée doive déclarer, en ce qui concerne les normes ou ses supérieurs : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes » (Ac 5,29) ? C’est le cas de ce qu’on appelle l’objection de conscience dont a déjà parlé Paul VI,77 et qui doit être prise dans sa signification authentique.

S’il est vrai que la conscience est le lieu où résonne la voix de Dieu, qui nous indique comment nous comporter, il est également vrai qu’il faut apprendre à écouter cette voix avec grande attention pour savoir la reconnaître et la distinguer des autres voix. En effet, il ne faut pas confondre cette voix avec celles qui proviennent d’un subjectivisme qui ignore ou néglige les sources et les critères auxquels on ne peut renoncer et qui sont contraignants dans la formation du jugement de conscience : « C’est le « cœur » tourné vers le Seigneur et vers l’amour du bien qui est la source des jugements vrais de la conscience »,78 et « la liberté de conscience n’est jamais une liberté affranchie « de » la vérité, mais elle est toujours et seulement « dans » la vérité ».79

La personne consacrée devra donc réfléchir longuement avant de conclure que ce n’est pas l’obéissance reçue mais ce qu’elle perçoit au plus profond d’elle-même qui représente la volonté de Dieu. En outre, elle devra se rappeler que la loi de la médiation doit être gardée en mémoire dans tous les cas, en se gardant de prendre des décisions graves sans procéder à des confrontations et à des vérifications. Il est indiscutable, que ce qui compte c’est d’arriver à connaître et à accomplir la volonté de Dieu, mais il devrait être tout autant indiscutable que la personne consacrée s’est engagée par vœu à accueillir cette sainte volonté à travers des médiations déterminées. Dire que ce qui compte c’est la volonté de Dieu et non les médiations et les refuser ou les accepter seulement à discrétion, peut ôter sa signification à son propre vœu, et vider sa propre vie d’une de ses caractéristiques essentielles.

Par conséqunet, « À l’exception d’un ordre qui serait manifestement contraire aux lois de Dieu ou aux constitutions de l’institut, ou qui entraînerait un mal grave et certain, auquel cas l’obligation d’obéir n’existe pas, les décisions du supérieur concernent un domaine où l’appréciation du meilleur bien peut varier selon les points de vue. Conclure, dès qu’un ordre donné apparaît objectivement moins bon, qu’il est de ce fait illégitime et contraire à la conscience, serait méconnaître d’une manière peu réaliste l’obscurité et l’ambivalence de nombre de réalités humaines. De plus, le refus d’obéissance entraîne une atteinte souvent grave au bien commun. Un religieux ne sa
urait facilement accepter qu’il y ait contradiction entre le jugement de sa conscience et celui de son supérieur. Cette situation exceptionnelle entraînera parfois une authentique souffrance intérieure, à l’imitation du Christ lui-même, « qui apprit par la souffrance ce que c’est qu’obéir » (He 5, 8) ».80

La difficile autorité

28. Mais l’autorité peut aussi connaître le découragement et le désenchantement : face aux résistances de certaines personnes ou de certaines communautés, face à certaines questions qui semblent impossibles à résoudre, elle peut être tentée d’abandonner et de considérer comme inutile tout effort pour améliorer la situation. Il y a là alors le danger de devenir des gestionnaires de la routine, résignés à la médiocrité, ayant peur d’intervenir, manquant de courage pour indiquer les objectifs de la vie consacrée authentique et courant le risque de perdre l’amour des origines et le désir d’en témoigner.

Quand l’exercice de l’autorité pèse et devient difficile, il est bon de se rappeler que le Seigneur Jésus considère cette tâche comme un acte d’amour envers Lui (« Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? » Jn 21,16) ; il devient salutaire d’écouter à nouveau les paroles de Paul : « Aux jours d’espérance, soyez dans la joie ; aux jours d’épreuve tenez bon ; priez avec persévérance ; partagez avec les fidèles qui sont dans le besoin » (Rm 12,12-13).

Le silencieux travail intérieur, qui accompagne la fidélité à sa tâche, qui est parfois marqué par la solitude et l’incompréhension de ceux auxquels on se donne, devient chemin de sanctification personnelle et médiation de salut pour les personnes à cause desquelles on souffre.

Obéissants jusqu’à la fin

29. Si la vie du croyant est en totalité une recherche de Dieu, alors, chaque jour de l’existence devient un apprentissage continuel de l’art d’écouter sa voix pour réaliser sa volonté. Il s’agit, assurément, d’une école exigeante, presque un combat entre le « moi » qui tend à être patron de soi et de son histoire, et Dieu qui est « le Seigneur » de toute histoire ; école où on apprend avant tout à faire confiance à Dieu et à sa paternité jusqu’à faire aussi confiance aux hommes, ses fils et nos frères.

Et ainsi peut grandir la certitude que le Père ne nous abandonne jamais, même pas dans les moments où il est nécessaire de remettre le soin de sa propre vie entre les mains de ses frères dans lesquels il faut reconnaître le signe de sa présence et la médiation de sa volonté.

C’est par un acte d’obéissance, bien qu’ inconscient, que nous sommes venus à la vie, accueillant la Volonté bonne qui nous a préférés à notre non-existence. Nous conclurons notre chemin par un autre acte d’obéissance, que nous voudrions le plus possible conscient et libre, mais surtout, expression d’abandon envers le Père bon qui nous appellera définitivement à Lui dans son Royaume de lumière infinie, où prendra fin notre recherche, et où nos yeux le verront, en un dimanche sans fin. Alors nous serons pleinement obéissants et accomplis, parce que nous dirons pour toujours oui à l’Amour qui nous a faits pour que nous soyons heureux avec Lui et en Lui.

Une prière de l’autorité

30. « O bon pasteur Jésus, pasteur si bon, pasteur plein d’indulgence et de tendresse, un pauvre et misérable pasteur crie vers vous, un pasteur faible, malhabile et inutile, mais pasteur quand même, et comme il peut, de vos brebis.

« Apprenez-moi donc, à moi votre serviteur, Seigneur, apprenez- moi par votre Esprit Saint, à me donner à eux et à me dépenser pour eux. Donnez-moi, Seigneur, par votre grâce ineffable, de supporter leurs faiblesses avec patience, de compatir avec bonté et de les aider avec discernement. Que j’apprenne à l’école de votre Esprit à consoler ceux qui sont tristes, à réconforter les pusillanimes, à relever ceux qui sont tombés, à être faible avec ceux qui sont faibles, à m’indigner avec ceux qui s’indignent, à être tout à tous pour les gagner. Mettez sur mes lèvres une parole exacte et claire pour qu’ils en soient édifiés en foi, espérance et charité, en chasteté et humilité, en patience et obéissance, en ferveur d’esprit et dévotion du cœur.

« Je les remets entre vos mains saintes et je les confie à votre tendre providence ; que personne ne les ravisse de votre main, ni de la main de votre serviteur à qui vous les avez confiés. Qu’ils persévèrent joyeusement dans leur désir de sainteté, et qu’en persévérant ils obtiennent la vie éternelle, moyennant votre secours, notre doux Seigneur, vous qui vivez et régnez dans les siècles des siècles. Amen ».81

Prière à Marie

31. O douce et sainte Vierge Marie, Toi qui, à l’annonce de l’Ange, par ton obéissance croyante et interrogatrice, nous a donné le Christ. À Cana, tu as montré, avec un cœur attentif, comment agir avec responsabilité. Tu n’as pas attendu passivement que ton Fils intervienne, mais tu l’as devancé, le rendant conscient de ce qui était nécessaire et prenant, avec une discrète autorité, l’initiative d’envoyer vers lui les serviteurs.

Au pied de la croix, l’obéissance a fait de Toi la Mère de l’Église et des croyants, tandis qu’au Cénacle tous les disciples ont reconnu en Toi la douce autorité de l’amour et du service.

Aide-nous à comprendre que toute vraie autorité, dans l’Église et dans la vie consacrée, trouve son fondement dans la docilité à la volonté de Dieu et que chacun de nous devienne, en réalité, autorité pour les autres, par sa propre existence vécue dans l’obéissance à Dieu.

O Mère clémente et pieuse, « Toi qui as fait la volonté du Père, empressée dans l’obéissance »,82 rends notre vie attentive à la Parole, fidèle à la suite de Jésus Seigneur et Serviteur dans la lumière et avec la force de l’Esprit Saint, joyeuse dans la communion fraternelle, généreuse dans la mission, pressée par le service des pauvres, tendue vers le jour où l’obéissance de la foi se jettera dans la fête de l’Amour sans fin.

Le 5 mai 2008, le Saint-Père a approuvé la présente Instruction de la Congrégation pour les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique et en a ordonné la publication.

Rome, le 11 mai 2008, Solennité de la Pentecôte.

Franc Card Rodé, C.M.

Préfet

+ Gianfranco A. Gardin, OFM Conv.

Secrétaire

TABLE DES MATIÈRES

Introduction

1. La vie consacrée témoin de la recherche de Dieu

2. Un chemin de libération

3. Destinataires, objectifs et limites du document.

PREMIÈRE PARTIE

CONSÉCRATION ET RECHERCHE

DE LA VOLONTÉ DE DIEU

4. Qui cherchons-nous ?

5. L’obéissance comme écoute

6. « Écoute, Israël » (Dt 6,4).

7. L’obéissance à la Parole de Dieu.

8. À la suite de Jésus, le Fils obéissant au Père

9. Obéissants à Dieu à travers des médiations humaines

10. Apprendre l’obéissance au quotidien.

11. Dans la lumière et la force de l’Esprit

12. Autorité au service de l’obéissance à la volonté de Dieu.

13. Quelques priorités dans le service de l’autorité

a) Dans la vie consacrée, l’autorité est avant tout une autorité spirituelle

b) L’autorité est appelée à garantir à sa communauté le temps et la qualité de la prière.

c) L’autorité est appelée à promouvoir la dignité de la personne.

d) L’autorité est appelée à donner courage et espérance dans les difficultés

e) L’autorité est appelée à garder vivant le charisme de sa famille religieuse

f) L’autorité est appelée à garder vivant le « sentire cum ecclesia ».

g) L’autorité est appelée à accompagner le chemin de formation permanente.

14. Le service de l’autorité à la lumière de normes ecclésiales

15. En mission avec la liberté des fils de Dieu.

DEUXIÈME PARTIE

AUTORITÉ ET OBÉISSANCE

DANS LA VIE FRATERNELLE

16. Le commandement nouveau

17. L’autorité au service de la communauté, la communauté au service du Royaume.

18. Dociles à l’Esprit qui conduit à l’unité.

19. Pour une spiritualité de communion et pour une sainteté communautaire

20. Le rôle de l’autorité pour la croissance de la fraternité

a) Le service de l’écoute.

b) La création d’un climat propice au dialogue, au partage et à la coresponsabilité

c) L’incitation à la contribution de tous à ce qui concerne tout le monde

d) Au service des personnes et de la communauté.

e) Le discernement communautaire.

f) Discernement, autorité et obéissance.

g) L’obéissance fraternelle.

21. « Celui qui veut être le premier sera votre esclave » (Mt 20,27)

22. La vie fraternelle comme mission.

TROISIÈME PARTIE

EN MISSION

23. En mission, avec tout son être, comme Jésus, le Seigneur

24. En mission pour servir.

25. Autorité et mission.

a) L’autorité encourage à assumer les responsabilités et à les respecter quand elles sont assumées.

b) L’autorité invite à affronter les diversités dans un esprit de communion.

c) L’autorité maintient l’équilibre entre les différentes dimensions de la vie consacrée

d) L’autorité a un coeur miséricordieux.

e) L’autorité a le sens de la justice.

f) L’autorité promeut la collaboration avec les laïcs.

26. Les difficiles obéissances.

27. Obéissance et objection de conscience.

28. La difficile autorité.

29. Obéissants jusqu’à la fin.

30. Une prière de l’autorité.

31. Prière à Marie.

1 Cf. Jean Paul II, Exhortation apostolique post-synodale Vita consecrata (25 mars 1996), n. 1.

2 Dante Alighieri, La Divine Comédie, Le Paradis, III, 85.

3 Cf. Congrégation pour les Instituts de Vie consacrée et les Sociétés de Vie apostolique, Instruction La vie fraternelle en communauté (2 février 1994), n. 5 ; Congrégation pour les Religieux et les Instituts séculiers, Instruction Éléments essentiels de l’enseignement de l’Église sur la vie religieuse (31 mai 1983), n. 41.

4 Cf. Code de Droit canonique, can. 631,§1. Vita consecrata, n. 42.

5 Cf. Jean-Paul II, Lettre apostolique Novo millennio ineunte (6 janvier 2001), nn. 43-45 ; Vita consecrata, n. 46, 50.

6 Congrégation pour les Instituts de Vie consacrée et les Sociétés de Vie apostolique, Instruction Potissimum institutioni (2 février 1990), en particulier les nn. 15, 24-25, 30-32.

7 En particulier les nn. 47-52.

8 En particulier les nn. 42-43, 91-92.

9 Congrégation pour les Instituts de Vie consacrée et les Sociétés de Vie apostolique, Instruction Repartir du Christ (19 mai 2002), en particulier les nn. 7 et 14.

10 Saint Bernard, De diversis, 42, 3 : PL 183,662B.

11 Saint Bernard, De errore Abelardi, 8, 21 : PL 182,1070A.

12 Benoît XVI, Encyclique Spe salvi (30 novembre 2007), n. 43 ; Conc. Ecum. Lateranense IV, in DS 806 : FC, n.225.

13 « Plus intime à moi-même que moi-même »: Saint Augustin, Confessions, III, 6, 11.

14 Benoît XVI, Lettre au préfet de la Congrégation pour les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique à l’occasion de la Plenaria, 27 septembre 2005, in L’Osservatore Romano, édition française, 4 octobre 2005, p. 2.

15 Saint Benoît, Règle, Prologue, 3 ; cf. aussi Saint Augustin, Règle, 7 ; Saint François d’Assise, Regula non bullata, I,1 ; Regula bullata, I,1 ; cf. Vita consecrata, 46.

16 Code de Droit canonique, can. 618.

17 Cf. Conc. œcum. Vat. II, Décret sur la rénovation et l’adaptation de la vie religieuse Perfectae caritatis, n. 14 ; cf. Code de Droit canonique, can. 601.

18 Paul VI Exhortation apostolique Evangelica testificatio (29 juin 1971), n. 29.

19 Cf. Evangelica testificatio, n. 25.

20 Saint Ignace de Loyola, Constitutions de la Compagnie de Jésus, 84.

21 Cf. Benoît XVI, Exhortation apostolique post-synodale Sacramentum caritatis (22 février 2007), n. 12.

22 Cf. Congrégation des Religieux et des Instituts séculiers et Congrégation pour les Évêques, Directive pour les rapports entre les Évêques et les Religieux dans l’Église Mutuae relationes (14 mai 1978), n. 13.

23 Perfectae caritatis, n. 14.

24 Benoît XVI, Homélie de la messe inaugurale du pontificat, 24 avril 2005, AAS 97 (2005), p. 709 : La Documentation catholique (102) 2005, p. 547.

25 Saint Ignace d’Antioche, Lettre à Polycarpe 4,1 : SCh 10, p.149.

26 Cf. Saint Augustin, Enarrationes in Psalmos 70. I. 2. : PL 36,875.

27 Cf. La vie fraternelle en communauté, n. 50.

28 Benoît XVI, Discours aux supérieurs généraux, 22 mai 2006 : La Documentation catholique 103 (2006), p. 606 ; cf. Repartir du Christ, nn. 24-26.

29 Cf. Conc. œcum. Vat. II, Constitution Lumen gentium n. 11 ; Repartir du Christ, n. 26.

30 Cf. Sacramentum caritatis 8 ; 37 ; 81.

31 Cf. Vita consecrata, n. 42.

32 Cf Mutuae relationes, nn. 34-35.

33 Benoit XVI, Homélie de la Messe chrismale, 20 mars 2008, in L’Osservatore Romano, édition française, 25 mars 2008, p. 2.

34 Repartir du Christ, n. 32.

35 Cf. Code de Droit canonique, can. 590, §2.

36 Cf. Vita consecrata, n. 46.

37 Vita consecrata, n. 70.

38 Cf. La vie fraternelle en communauté, n. 32.

39 Cf. Code de Droit canonique, cc. 617-619.

40 Code de Droit canonique, c. 618.

41 Code de Droit canonique, c. 618.

42 Code de Droit canonique, c. 601.

43 Code de Droit canonique, c. 619.

44 En effet la communauté religieuse tend à atteindre et manifester le primat de l’amour de Dieu, qui est la fin même de la vie consacrée, et donc aussi son premier devoir et le premier apostolat des membres de la communauté. Cf. Code de Droit canonique, c. 573 ; 607 ; 663, §1 ; 673.

45 Code de Droit canonique, c. 619.

46 Cf. Code de Droit canonique, cc. 619 ; 602 ; 618.

47 Cf. Perfectae caritatis, n. 14.

48 Vita consecrata, n. 92.

49 Sacramentum caritatis, n. 15.

50 Cf. Vita consecrata, n. 42.

51 La vie fraternelle en communauté, n. 51.

52 Perfectae caritatis, 14.

53 Saint Benoît, Règle 3, 1.3.

54 Cf. Vita consecrata, n. 43 ; La vie fraternelle en communauté, n. 50 c ; Repartir du Christ, n. 14.

55 La vie fraternelle en communauté, n. 32.

56 Vita consecrata, n. 92.

57 Cf. Vita consecrata, n. 43.

58 Saint Benoît, Règle 71, 1-2.

59 Saint Benoît, Règle, 72, 4-7.

60 S
aint Basile, Les Petites Règles, 115 : PG 31,1161.

61 Cf. Saint Bernard, De consideratione, II, XI, 20 : PL 182,754D.

62 Sainte Claire d’Assise, Testament, 19, 61-62.

63 Jean-Paul II à l’Assemblée plénière de la Congrégation pour les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique (20 novembre 1992) in L’Osservatore Romano, 21 novembre 1992, 3 ; cf. La vie fraternelle en communauté, nn. 54 ; 71.

64 La vie fraternelle en communauté, n. 54.

65 Saint Ignace de Loyola, Exercices spirituels, 95, 4-5.

66 Vita consecrata, n. 92.

67 Cf. Vita consecrata, n. 43.

68 Cf. La vie fraternelle en communauté, n. 50.

69 Cf. La vie fraternelle en communauté, n. 59.

70 Saint François d’Assise, Lettre à un Ministre, 9-11.

71 Cf. Jean-Paul II, Encyclique Dives in misericordia (30 novembre 1980), n. 6.

72 Vita consecrata, n. 55; cf. Repartir du Christ, n. 31.

73 La vie fraternelle en communauté, n. 70.

74 Saint Benoît, Règle 68, 1-5.

75 Saint François d’Assise, Admonitions III, 5-6.

76 Saint François d’Assise, Admonitions III, 9.

77 Cf. Paul VI, Evangelica testificatio, nn. 28-29.

78 Jean-Paul II, Encyclique Veritatis splendor (6 août 1993), n. 64.

79 Veritatis splendor, n. 64.

80 Evangelica testificatio, 28.

81 Aelred de Rievaulx, La prière pastorale, 1 ; 7 ; 10. SCh 76, pp. 185.195-196.203.

82 Vita consecrata, n. 112.

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ZENIT Staff

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