ROME, Mardi 22 janvier 2008 (ZENIT.org) – L’évolution de la liberté religieuse en Chine a fait l’objet de la réflexion de la Commission « Justice et Paix » du diocèse catholique de Hongkong, à l’occasion de son trentième anniversaire, indique « Eglises d’Asie » l’agence des Missions étrangères de Paris (EDA du 21 janvier 2008).
Pour le cardinal Zen Ze-Kiun, c’est aux Chinois du continent qu’il appartient de « défendre la liberté religieuse en Chine ».
Pour le trentième anniversaire de sa fondation, la Commission ‘Justice et Paix’ du diocèse catholique de Hongkong a organisé une rencontre sur le thème de « La liberté religieuse à la lumière du développement socio-économique en Chine ». Pour une soixantaine de responsables impliqués dans les paroisses du diocèse de Hongkong et quelques universitaires, la réflexion a porté, durant la journée du 16 décembre dernier, sur les évolutions de la politique religieuse du Parti communiste ces dernières décennies et les perspectives à venir.
Chan Shun-hing, universitaire protestant, enseigne à la faculté de religion et de philosophie de l’université baptiste de Hongkong. A ce titre, il a effectué des recherches sur le continent au sujet de l’impact du développement de l’économie de marché sur les communautés catholiques. Il a constaté que des catholiques, en trouvant un emploi salarié ou en devenant entrepreneurs, ont réduit le temps qu’ils consacraient auparavant à l’Eglise ; cependant, en améliorant leur condition socio-économique, ils ont permis à l’Eglise, localement, de mieux se placer dans les négociations avec les autorités. Sans remonter aux années d’avant les réformes de Deng Xiaoping, il était courant, dans les années 1980 par exemple, de voir des membres du clergé catholique emprisonnés pour des durées allant jusqu’à dix ans. Aujourd’hui, note Chan Shun-hing, ces mêmes membres du clergé « clandestin » sont envoyés non en prison ou en camps de travaux forcés, mais dans des locaux de la police ou de l’armée où ils sont placés en résidence surveillée. Au final, on peut constater que les autorités, soucieuses avant tout de « stabilité sociale », adoptent, de plus en plus souvent, une attitude « pragmatique » face à la religion de manière générale et, plus particulièrement, face aux « clandestins », avec qui il n’est pas rare qu’un dialogue s’instaure.
Sur le terrain, souligne encore l’universitaire, de nouveaux équilibres s’esquissent, dont les parties en présence ont tout à gagner : plus de liberté pour l’Eglise et les communautés « clandestines » et une stabilité sociale renforcée pour les représentants locaux des autorités. Ainsi, dans les diocèses de Mindong et de Wenzhou, deux bastions « clandestins » situés dans les provinces côtières du Fujian et du Zhejiang, la marge de manœuvre dont dispose l’Eglise s’accroît peu à peu. En cherchant à négocier avec les autorités, les responsables de l’Eglise peuvent les amener à passer d’une conception où la religion doit être « contrôlée » à une conception où les religions font l’objet d’une « régulation ».
Pour Anthony Lam Sui-ki, chercheur au Centre d’études du Saint-Esprit, du diocèse de Hongkong, les évolutions qui ont cours en Chine ne doivent pas masquer certains débats de fond. S’il est vrai de dire que la Chine devient un peu plus chaque jour « une puissance mondiale », les transformations sociales qui se produisent aujourd’hui font que certains en bénéficient tandis que d’autres en souffrent. Dans un tel contexte, « où l’Eglise de Chine doit-elle se tenir ? », interroge le chercheur, qui figure parmi les observateurs les plus au fait des réalités catholiques en Chine.
L’Eglise en Chine a aujourd’hui les ressources suffisantes pour vivre dans une bulle, isolée du reste de la société, analyse Anthony Lam. « Si elle fait ce choix, nul besoin pour elle de se battre pour la liberté religieuse et le gouvernement s’en trouvera fort aise », explique-t-il. Mais l’Eglise peut aussi se mettre du côté de ceux qui souffrent et prendre position sur les maux qui minent la Chine d’aujourd’hui. Dans ce cas, les autorités reprocheront certainement à l’Eglise de chercher à s’ingérer dans les affaires du gouvernement. Mais, on peut aussi penser que l’Eglise ne pourra que bénéficier à terme d’un tel « renouveau de la foi, même s’il s’opère dans la douleur ».
Enfin, pour Ying Fuk-tsang, enseignant à la Divinity School de l’Université chinoise de Hongkong, le gouvernement chinois a certainement pris la mesure du réveil religieux en Chine (1), mais, pour utiliser une métaphore micro-économique, il persiste à vouloir maintenir les religions dans le cadre d’« une entreprise d’Etat », exigeant un contrôle total sur les religions ; or, la société se complexifiant, tous les aspects de la vie sociale ne peuvent plus être contrôlés comme auparavant et les autorités, analyse le professeur Ying, se contentent aujourd’hui de gouverner de manière « autoritaire ». Des autorités par ailleurs partagées entre une administration de la Sécurité publique, avant tout soucieuse de stabilité sociale, et le Front uni du Parti communiste, qui cherche par tous les moyens à contenir l’essor des religions.
Présent lors des échanges, le cardinal Zen Ze-kiun, évêque de Hongkong et ardent défenseur des libertés, s’est contenté de dire qu’il appartenait aux Chinois du continent de défendre la liberté religieuse en Chine, car eux seuls sont en mesure d’exercer une influence sur leurs dirigeants ; les gens hors de Chine continentale ne peuvent qu’apporter un soutien et des encouragements.
(1) Au sujet de l’inscription du mot « religion » dans les statuts du Parti communiste chinois, voir EDA 473