Chers frères et soeurs,
En ces jours de repos que, grâce à Dieu, je passe ici à Cadore, je sens de manière encore plus intense l’impact douloureux des nouvelles qui me parviennent concernant les conflits sanglants et les épisodes de violence qui se déroulent dans de nombreuses parties du monde. Ceci m’amène à réfléchir encore une fois sur le drame de la liberté humaine dans le monde. La beauté de la nature nous rappelle que nous avons été placés ici par Dieu pour « cultiver et sauvegarder » ce « jardin » qui est la Terre (cf. Gn 2, 8-17). Si les hommes vivaient en paix avec Dieu et entre eux, la Terre ressemblerait vraiment à un « paradis ». Le péché a malheureusement miné ce projet divin, en entraînant des divisions et en faisant entrer la mort dans le monde. C’est ainsi que les hommes cèdent aux tentations du Malin et se font la guerre les uns aux autres. La conséquence de cela est que dans ce magnifique « jardin » qui est le monde, s’ouvrent des espaces d’ « enfer ».
Avec son lot de deuils et de destructions, la guerre est depuis toujours, à juste titre, considérée comme une calamité qui contraste avec le projet de Dieu qui a tout créé pour la vie et qui veut en particulier faire du genre humain, une famille. Je ne peux pas ne pas revenir, par la pensée, à une date significative : le 1er août 1917 – il y a exactement 90 ans – mon vénéré prédécesseur, le pape Benoît XV, adressa sa célèbre Note aux puissances belligérantes leur demandant de mettre fin à la première guerre mondiale (cf. AAS 9 [1917], 417-420). Alors que sévissait cet effroyable conflit, le pape eut le courage d’affirmer qu’il s’agissait d’un « massacre inutile ». Cette expression est restée gravée dans l’histoire. Elle était justifiée dans la situation concrète de cet été 1917, particulièrement sur le front vénitien. Mais les paroles « massacre inutile » possèdent également un sens plus large, prophétique, et on peut les appliquer à de nombreux autres conflits qui ont brisé d’innombrables vies humaines.
La région où nous nous trouvons précisément, qui en soi parle de paix et d’harmonie, a été le théâtre de la première guerre mondiale, comme le rappellent tant de témoignages et certains chants alpins émouvants. Ce sont des événements que nous ne devons pas oublier ! Il faut tirer les leçons des expériences négatives que nos pères ont malheureusement vécues, pour ne pas les répéter. La Note de Benoît XV ne se limitait pas à condamner la guerre ; elle indiquait, sur un plan juridique, les chemins pour bâtir une paix juste et durable : la force morale du droit, le désarmement équilibré et contrôlé, l’arbitrage dans les controverses, la liberté des mers, l’annulation réciproque des dépenses de guerre, la restitution des territoires occupés, des négociations justes pour trancher dans les questions qui se posaient. La proposition du Saint-Siège était orientée vers l’avenir de l’Europe et du monde. Il s’agissait d’un projet d’inspiration chrétienne, mais tous pouvaient le partager car celui-ci était fondé sur le droit des nations. Les Serviteurs de Dieu, Paul VI et Jean-Paul II, ont adopté la même formulation dans leurs mémorables discours à l’Assemblée des Nations unies, répétant, au nom de l’Eglise : « Plus jamais la guerre ! ».
De ce lieu de paix, où l’on perçoit l’horreur des « massacres inutiles » comme plus inacceptable encore, je renouvelle l’appel à poursuivre avec persévérance le chemin du droit, à refuser avec détermination la course aux armements, de manière plus générale, à refouler la tentation de faire face à de nouvelles situations avec de vieux systèmes.
Avec ces pensées et ces vœux dans le cœur, élevons à présent une prière spéciale pour la paix dans le monde, en la confiant à la Très Sainte Vierge Marie, Reine de la Paix.
© Copyright du texte original en italien : Librairie Editrice Vaticane
Traduction réalisée par Zenit