ROME, Jeudi 19 juillet 2007 (ZENIT.org) – L’oecuménisme n’est pas en crise. Il se trouve « au contraire dans une situation de maturité plus grande : nous voyons aujourd’hui plus clairement ce qui nous unit et ce qui nous sépare ».
C’est ce qu’affirme Jutta Burggraf, professeur de théologie systématique et d’œcuménisme à la faculté de théologie de l’Université de Navarra, en Espagne, dans cet entretien à Zenit dont nous publions ci-dessous la première partie.
Le récent document « Réponses à des questions concernant certains aspects de la doctrine sur l’Eglise », publié par la Congrégation pour la Doctrine de la foi « a mis le doigt sur la plaie et en même temps montré la direction que doit prendre le dialogue théologique à l’avenir », précise la théologienne allemande.
Zenit : Le nouveau texte de la Congrégation pour la Doctrine de la foi précise qu’il n’apporte aucune nouveauté, qu’il ne fait que souligner la doctrine de l’Eglise face à certaines interprétations erronées. Quel genre d’erreur commet-on, dans ce sens, dans le mouvement œcuménique ?
J. Burggraf – On peut effectivement considérer l’œcuménisme comme un mouvement unique, suscité par l’Esprit Saint lui-même, dont l’objectif est de promouvoir l’unité entre les chrétiens du monde entier. Chaque communauté chrétienne participe à ce moment de sa propre perspective. Et chacune comprend à sa manière ce qu’est l’unité désirée.
Actuellement, la fameuse « théorie des branches » (branch-theory) est en train de devenir très influente. Elle fut élaborée par l’Association pour la Promotion de l’unité des chrétiens au XIXe siècle et développée au XXe siècle. Selon cette théorie, le christianisme est vu comme un arbre. Ce que les différentes confessions ont en commun, c’est le tronc, d’où partent diverses branches parfaitement identiques : l’Eglise catholique, les Eglises orthodoxes et les Eglises issues, directement ou indirectement, de la Réforme protestante.
Les catholiques ne peuvent accepter cette théorie. Ils ne cherchent pas une super-Eglise (avec une conception « fédéraliste » de l’unité).
Selon notre foi, l’unité de l’Eglise du Christ n’est pas une réalité future, inexistante aujourd’hui, que nous devrions créer tous ensemble. Il ne s’agit pas non plus d’une chose répartie entre différentes communautés qui soutiennent des doctrines parfois contradictoires.
Il s’agit au contraire de quelque chose qui, au niveau de son noyau essentiel, existe déjà et a toujours existé, et subsiste dans l’Eglise catholique : elle est réalisée dans l’Eglise catholique, en dépit de toutes les faiblesses de ses enfants, à travers la fidélité du Seigneur tout au long de l’histoire.
Zenit : On peut donc affirmer que l’unité de l’Eglise existe déjà ?
J. Burggraf – Le terme oecuménisme vient des mots grecs oikéin (habiter) et oikós (maison) qui ont eu différentes significations au cours de l’histoire. Les chrétiens les ont utilisés pour parler de l’Eglise, la grande maison du Christ.
La porte pour entrer dans l’Eglise est le Baptême valide qui doit être administré selon le rite établi et dans la foi reçue du Christ. Cette foi doit embrasser au moins les deux plus grands mystères qui nous ont été révélés : la Très Sainte Trinité et l’Incarnation. Toutes les personnes baptisées dans ces conditions ont donc été « incorporées » au Christ et sont « entrées » formellement dans sa maison. Elles peuvent tomber malades ou même mourir (spirituellement), personne ne pourra jamais les chasser.
Pour cette raison, rappelle le Concile Vatican II, non seulement les catholiques sont « chrétiens », mais tous les baptisés, dans la mesure où leurs communautés respectives conservent au moins cette foi minimale dans les deux grands mystères mentionnés. « Ce sont nos frères, dit saint Augustin, et ils le seront tant qu’ils ne cesseront pas de dire : ‘Notre Père’ ».
La grâce de Dieu agit de la même manière chez un enfant nouveau-né baptisé dans l’Eglise catholique que dans une Eglise orthodoxe ou évangélique.
Zenit : En quoi consiste par conséquent le travail œcuménique de la perspective catholique ?
J. Burggraf – L’Eglise nous invite à considérer nos frères dans la foi, non seulement de la perspective négative de ce qu’ils ne « sont pas » (les non catholiques) mais du prisme positif de ce qu’ils « sont » (les baptisés). Ce sont les « autres chrétiens », auxquels nous sommes profondément unis : nous sommes dans la même maison !
La tâche œcuménique ne consiste donc pas à créer l’unité mais à la rendre visible à tous les hommes en surmontant les divisions qui empêchent l’Eglise de se montrer au monde dans toute sa splendeur réelle.
Pour cette raison, il est nécessaire de rechercher une forme ecclésiale qui englobe, de la manière la plus complète possible, les diversités légitimes en matière de théologie, spiritualité et culte. Dans la mesure où nous réussirons à réaliser une pluralité bonne et saine, l’Eglise resplendira – affirmait le pape Jean XXIII – encore plus belle en raison de la diversité des rites et, semblable à la fille du Roi souverain, elle apparaîtra vêtue d’un vêtement multicolore.
Partant de ce principe positif, un chrétien ne condamne pas et ne rejette pas « les autres », mais cherche à mettre en lumière la racine commune de toutes les croyances chrétiennes, et se réjouit lorsqu’il découvre dans les autres Eglises des vérités et des valeurs dont il n’avait peut-être pas suffisamment tenu compte dans sa vie personnelle. On comprend qu’en partant de cette perspective, le Concile Vatican II ait ouvert la voie à une grande vitalité et fécondité. Il l’a ouverte en engageant d’abord l’Eglise catholique elle-même qui a pris à nouveau conscience de se purifier et de se renouveler constamment.
L’unité, le jour où elle deviendra réalité, sera une œuvre de Dieu « un don qui vient d’en haut ». Il est important de ne jamais oublier que le véritable acteur du mouvement œcuménique est l’Esprit Saint.
Zenit : Comment réagissent les protestants au fait que l’Eglise catholique les voie non pas comme une Eglise mais comme des communautés ecclésiales ?
Fin de la première partie