ROME, Lundi 26 mars 2007 (ZENIT.org) – Des pas importants ont été faits sur le plan des relations entre le Vietnam et le Saint-Siège même si aucun délai n’est encore fixé pour l’établissement de relations diplomatiques.
C’est ce qu’affirme Mgr Pietro Parolin, sous-secrétaire pour les Relations avec les Etats, dans cet entretien accordé le 17 mars à Radio Vatican, dont nous publions ci-dessous quelques extraits. Mgr Parolin a conduit la délégation du Saint-Siège qui s’est rendue au Vietnam du 5 au 11 mars.
Q : Pouvez-vous nous parler de cette mission ?
Mgr Parolin : Entre l’année 1989, l’année du voyage du cardinal Roger Etchegaray, et aujourd’hui, le Saint-Siège a envoyé 14 fois une délégation au Vietnam, la plupart du temps conduite par les sous-secrétaires pour les Relations avec les Etats, Mgr Claudio Maria Celli et Mgr Celestino Migliore. Quant à moi, il s’agissait de ma deuxième visite, après celle de 2004. En 2005 c’est une délégation vietnamienne qui est venue à Rome. En 2006, je n’ai pas pu y aller pour des raisons contingentes, et cette année je suis parti, accompagné par Mgr Luis Mariano Montemayor, conseiller de la Nonciature auprès de la Secrétairerie d’Etat, et Mgr Barnabé Nguyên Van Phuong, vietnamien, chef de bureau au sein de la congrégation pour l’Evangélisation des Peuples.
Comme on le sait, ces visites avaient deux objectifs essentiel : entrer en contact avec les Autorités vietnamiennes et rencontrer l’Eglise locale. En fait, durant toute cette semaine, la délégation du Saint-Siège, a fait ce que les nonces font généralement dans les autres pays, étant donné qu’au Vietnam il n’y en a pas encore. La délégation entre donc en dialogue avec les autorités sur des questions qui touchent l’Eglise et les relations entre l’Eglise et l’Etat, et effectuent des visites dans plusieurs diocèses, ceci nous donnant l’opportunité de renforcer et de rendre plus efficaces des liens d’unité qui existent déjà entre le Siège apostolique et les Eglises particulières.
Cette année, nous avons été à Quy Nhon et à Kon Tum, dans la Province ecclésiastique de Huê, au centre du pays, les deux derniers diocèses à ne pas avoir eu la possibilité de recevoir la visite d’une délégation du Saint-Siège. La visite de la délégation constitue sans aucun doute une bonne opportunité de contact et de dialogue qui a permis, en presque vingt ans, de faire des pas importants dans cette direction ; nous espérons quant à nous que celle-ci puisse évoluer vers des formes plus stables et fréquentes de présence d’un représentant pontifical dans le pays, jusqu’à bien sûr l’établissement des relations diplomatiques, avec la nomination d’un nonce apostolique.
Q : D’après vous, la récente rencontre entre le premier ministre Nguyên Tân Dung et le pape a-t-elle eu une influence sur cette visite ?
Mgr Parolin : Je dois dire que j’ai trouvé, lors de cette deuxième visite, le même accueil cordial que la première fois, en 2004. Avec les personnes que j’ai rencontrées, on a pu resserrer des liens de respect, d’estime et de confiance, des valeurs qui sont si chères à la société vietnamienne et qui rendent plus agréable tout dialogue, surtout sur des questions épineuses.
D’un autre côté, je crois que l’on a voulu donné un relief particulier à cette visite dans le contexte, effectivement, de la venue au Vatican, en janvier dernier, du premier ministre Nguyên Tân Dung et de sa rencontre avec le Saint-Père et les hautes autorités de la Secrétairerie d’Etat. Plusieurs petits détails nous l’ont fait comprendre : la façon de s’occuper de nous, l’impact médiatique donné à notre venue. Nous en sommes d’ailleurs reconnaissants aux autorités vietnamiennes et il est juste que nous le leur manifestions publiquement. Nous avons parlé de la visite du premier ministre dans divers contextes, dans le contexte ecclésial aussi – je me souviens par exemple que le représentant du laïcat, qui est venu nous saluer à la fin de la messe dans la cathédrale de Ha Noi, l’a mentionnée de façon explicite – . L’accent a été mis sur l’importance de cette visite et sur l’espoir qu’elle puisse vraiment constituer une étape importante pour l’avenir, où la volonté d’aller de l’avant permettra de surmonter les difficultés qui existent encore.
Q : Avez-vous évoqué la possibilité d’un rapide établissement des relations diplomatiques ?
Mgr Parolin : On a parlé des relations diplomatiques, sans, pour le moment, fixer de délais. Certains s’attendaient sans doute à des progrès plus substantiels, vu que, durant la visite du premier ministre, la question avait été évoquée expressément par le cardinal Secrétaire d’Etat et que, quelques temps auparavant, plusieurs personnalités politiques s’y étaient déclarées favorables, et que l’Eglise locale avait exprimé son franc soutien.
En tous cas, je pense qu’un pas important a été franchi, car d’après ce que l’on nous a dit côté vietnamien, le premier ministre, comme il l’avait d’ailleurs promis à Rome, a donné la consigne aux organes compétents d’examiner la question. On nous a également proposé de former, dès les prochains mois, un groupe d’experts chargé d’étudier le temps et les modalités concrètes nécessaires pour engager le processus d’établissement des relations diplomatiques.
A ce propos, je tiens à rappeler que l’établissement de relations diplomatiques ne suppose pas que toutes les questions restées en suspens aient été résolues. Les relations diplomatiques ne sont pas seulement un point d’arrivée, mais aussi et surtout un point de départ. C’est un signal fort ! Signe que l’on veut affronter de manière constructive et réciproque de nouvelles relations, et que l’on est prêt à en surmonter aussi les difficultés. A travers ces relations, et grâce à l’échange de nos représentants, les parties se doteraient de canaux privilégiés favorisant une information mutuelle, correcte et active. Ceci est important pour pouvoir entretenir de bonnes relations réciproques.
Q :Concernant la liberté religieuse, quels sont vos sentiments au sujet des progrès qui ont été faits ?
Mgr Parolin : Je pense que le communiqué de la Salle de presse du Saint-Siège, délivré à l’issue de la visite du premier ministre au Vatican, reflète bien la situation de la liberté religieuse au Vietnam. Dans ce communiqué on parle d’ ‘espaces qui se sont ouverts’ et je peux assurer, sur la base aussi du témoignage des évêques, que certains problèmes ont été résolus et que d’autres sont en voie de résolution. Je pense par exemple au problème de la reconstruction des églises détruites durant la guerre et au problème de la construction de nouveaux édifices de culte pour les populations déplacées. Concernant les problèmes encore en suspens, nous avons l’espoir que, par le dialogue et la bonne volonté, nous parviendrons à trouver une issue satisfaisante.
Comme on le sait, la politique religieuse du gouvernement vietnamien a été fixée par l’Ordonnance sur les croyances et les religions du 18 juin 2004, autour de deux principes selon lesquels les croyants – et donc les catholiques – font partie intégrante des Nations, et l’Etat s’engage à répondre à leurs exigences légitimes. Lors des rencontres avec le Comité pour les Affaires religieuses nous avons été informés sur l’état de l’application de cette loi, qui a d’ailleurs fait l’objet d’un petit livret :Religion and policies regarding religion in Vietnam. Etant donné que bon nombre des compétences relevant du domaine religieux ont été déléguées aux autorités locales, il est important que l’on puisse g
arantir une application uniforme de la loi, afin d’éviter que les régions rurales, isolées et lointaines, ne soient pénalisées par rapport aux zones urbaines qui sont davantage développées. Je pense qu’il est important de tenir compte des observations faites par les communautés religieuses concernant l’application de cette loi. Ces observations naissent de leur expérience et permettent de l’améliorer là où cela s’avère nécessaire, afin que la liberté religieuse, qui est un droit fondamental de chacun et des communautés, puissent toujours être respectée et traduite dans la réalité des faits.
Q : Quelle impression avez-vous de la vie de l’Eglise au Vietnam ?
Mgr Parolin : J’ai dit à plusieurs occasions, lors de mes rencontres avec les fidèles, que ce que nous avons reçu est bien supérieur à ce que nous avons donné. On ne peut en effet rester insensible aux expériences et aux témoignages de ces catholiques vietnamiens.
J’ai encore, devant les yeux et dans mon cœur, l’image des assemblées liturgiques de Quy Nhon, Pleichuet, Hà Nôi, etc. ; l’image de tous ces fidèles, dont beaucoup sont des montagnards issus d’ethnies minoritaires, qui remplissaient le 8 mars au soir la place de la cathédrale de Kon Tum ; j’ai encore devant moi l’image de la fervente communauté paroissiale de Ha Long, une communauté qui a tant souffert.
Leur façon de prier m’a beaucoup impressionné. Ils étaient si recueillis, si attentifs, si fervents et en même temps tellement présents dans leur communauté. Tout le monde, enfants et adultes, jeunes et vieux, hommes et femmes, chantaient et répondaient à l’unisson.
Et comment ne pas mentionner cet amour que les catholiques vietnamiens éprouvent pour le Saint-Père ; cet amour qu’ils n’ont cessé de démontrer durant toute la visite de la délégation du Saint-Siège.
L’Eglise au Vietnam est une Eglise courageuse, dynamique, pleine de vitalité, dont les nombreux candidats au ministère sacerdotal et à la vie religieuse, en sont d’ailleurs le signe. C’est une Eglise qui est également très engagée dans la société. Qui prend soin des plus nécessiteux, et souhaitent se consacrer davantage à l’éducation et aux questions sociales, de manière à offrir une meilleure contribution, plus qualifiée et plus efficace au pays ainsi qu’à tous ses habitants, indépendamment du fait qu’ils soient croyants ou pas, qu’ils appartiennent à tel ou tel autre groupe religieux. C’est enfin une Eglise qui prend conscience des problèmes liés à la rapide industrialisation du pays et au tumulte de l’essor économique (le Vietnam, avec un taux de croissance de 8,4% prévu pour 2007, est la seconde économie du monde à croître le plus rapidement) ; une Eglise qui compte bien se préparer à relever le défi.