ROME, Dimanche 18 février 2007 (ZENIT.org) –Le pape Benoît XVI appelle au respect de droits de l’homme en Guinée Conakry : après l’angélus de ce dimanche, le pape a en effet relayé l’appel des évêques de cette nation.
« En demandant le respect des droits humains et civils, je vous assure de ma prière pour que l’engagement commun à marcher sur la voie du dialogue permette de surmonter la crise », a dit Benoît XVI en italien devant une place Saint-Pierre noire de monde, en dépit de la pluie.
« Je désire exprimer ma proximité spirituelle à un pays africain qui est en train de vivre des moments de difficulté particulière : la Guinée », avait annoncé le pape.
« Les évêques de cette Nation, précisait le pape, m’ont exprimé leur appréhension pour la situation de paralysie sociale – avec grève générale et réactions violentes – qui ont fait de nombreuses victimes ».
L’Eglise de Guinée a donné au pape un proche collaborateur au service de la mission universelle : Mgr Robert Sarah, archevêque émérite de Conakry et actuellement secrétaire général de la congrégation romaine pour l’Evangélisation des Peuples.
Selon l’agence missionnaire italienne Misna, les médias guinéens qualifient de « dialogue de sourds » la rencontre tenue vendredi dernier au Palais du peuple de Conakry entre des représentants syndicaux, du patronat, des religieux, de l’armée et des institutions républicaines (Assemblée nationale, Cour suprême, Conseil économique et social, Conseil national de la Communication) pour discuter de la crise.
La presse, rapporte Misna, note l’absence à ces colloques d’Ibrahima Fofana, secrétaire général de l’Union syndicale des travailleurs de Guinée (Usgt). Pour les représentants des travailleurs, l’état de siège imposé depuis lundi dernier par le président Lansana Conté ne permet pas la tenue d’un dialogue sérieux. Ils ont demandé que le chef de l’État lève cette mesure et ont manifesté leur désaccord sur la nomination d’Eugène Camara au poste de premier ministre. Les colloques ont repris samedi. La capitale en est au 6 e jour de couvre-feu.
La presse revient encore, ajoute Misna, sur des exactions qui seraient commises par les militaires sur les civils, profitant de la loi martiale qui leur donne tous les pouvoirs. Un bilan diffusé par le Bureau de coordination des Affaires humanitaires de l’Onu (Ocha), dont la Misna a pris connaissance, indique que plus de 110 personnes ont été tuées depuis le début de la grève générale le 10 janvier, dans des manifestations antigouvernementales réprimées par les forces de l’ordre.
La Commission de crise guinéenne, rapporte encore l’Ocha, a dénombré 60 morts et 512 blessés entre le 9 et le 13 février, suite à l’annonce de la nomination d’Eugène Camara au poste de premier ministre, car il est considéré trop proche du général Conté (au pouvoir depuis 23 ans).
« Tout le monde doit s’impliquer, chacun à son niveau, au sein de communauté internationale pour que l’état de droit soit rétabli en Guinée. Il est désolant de voir que les médias en général ne parlent de l’Afrique que quand il y a des centaines de morts. En ce moment nos droits sont bafoués, nous sommes privés de libertés, nous sommes muselés. Il est temps de tourner le regard vers notre continent, vers le peuple guinéen » a par ailleurs déclaré à Misna Mariama Penda Diallo, représentante de l’Union syndicale des Travailleurs de Guinée (Ustg) et de l’Intercentrale syndicale élargie, contactée à Cannes où elle s’est rendue pour attirer l’attention des leaders européens et africains réunis au sommet France-Afrique et pour se faire porte-parole des organisations guinéennes, bloquées dans leur pays.
« Je n’ai pas pu accéder directement aux discussions car je n’étais pas attendue, je me trouvais à l’étranger et j’ai voulu profiter de l’occasion pour venir – a précisé la dirigeante syndicale guinéenne – mais j’ai obtenu la promesse de rencontres très prochaines et je suis optimiste ».
Un optimisme qui a peut-être raison d’être après l’annonce faite samedi après-midi à Cannes par le président de l’Union africaine (Ua), John Kufuor, de l’envoi dans quelques jours sur place d’une délégation de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) et peut-être d’une délégation de l’Ua, dont le Conseil de paix et de sécurité s’est réuni aujourd’hui pour parler de la crise guinéenne.
Les chefs d’État présents à Cannes ont également condamné « les violences et se sont émus du grand nombre de victimes innocentes ».
« Nous avons eu maintes fois la preuve que le président et son entourage ont soif de pouvoir ; la dernière en date a été la nomination d’un premier ministre (Eugène Camara, ndlr) qui n’était pas celui que l’on attendait. Nous ne croyons pas que le président mettra à la tête du gouvernement un homme qui ne lui serait pas fidèle. Cependant, le peuple guinéen est sorti de sa léthargie, il ne se laissera plus faire » poursuit Mme Diallo, qui a fait partie du groupe de représentants syndicaux arrêtés le 22 janvier à la Bourse du Travail de Conakry par les membres de la garde présidentielle, alors qu’ils étaient en réunion.
La solution, estime-t-elle, « serait de mettre en place une structure qui organise des élections libres et démocratiques anticipées » étant donné que le mandat du général Conté, au pouvoir depuis 23 ans et que tout le monde sait malade, n’expire que dans trois ans.
La première grève générale, rappelle Mme Diallo, avait été proclamée au début de l’an dernier en raison d’une diminution excessivement rapide du pouvoir d’achat et de la dévaluation rapide le la monnaie : « La pauvreté est grandissante, les gens n’ont pas d’eau, pas d’électricité, ils demandent des écoles et des hôpitaux. Mais notre pays connaît également de l’impunité, de la corruption, de massifs détournements de fonds, ce sont ces maux qui nous ont mis à genoux », insiste Mme Diallo.