ROME, Mardi 13 février 2007 (ZENIT.org) – Comme beaucoup d’autres pays du monde, le Canada est confronté à l’action efficace de groupes de pression favorables à l’euthanasie et au suicide assisté. Mais « prétendre soulager la souffrance en éliminant le malade est une aberration » affirme Michèle Boulva, directrice de l’Organisme catholique pour la Vie et la Famille (OCVF) dans cet entretien à Zenit, dont voici la deuxième partie. (Pour la première partie, cf. Zenit, 12 février).
Zenit : Des personnes réclament le droit de mourir au nom de leur liberté. Que penser de cela ?
M. Boulva : Dans notre culture, l’autonomie personnelle est presque devenue un absolu. Tout choix est considéré comme valable, du moment qu’il ne cause pas de mal aux autres. Appliquée à l’euthanasie et au suicide assisté, cette attitude individualiste menace le bien commun de la société parce qu’elle a des conséquences non seulement pour la personne qui choisit de mourir, mais pour toute la société.
Comme l’a écrit l’expert en éthique canadienne de renom, le Dr Margaret Somerville : « La légalisation de l’euthanasie causerait un préjudice à des valeurs et à des symboles de société importants qui fondent le respect de la vie humaine » (Vancouver Sun, 5 juin 2006). Notre perception de la valeur et de la dignité de chaque vie humaine changerait. Comme un produit de consommation, la vie humaine perdrait de sa valeur au fur et à mesure où approcherait sa « date d’expiration ».
La confiance fondamentale que nous accordons aux médecins, aux infirmiers et infirmières, aux avocats, sachant qu’ils s’opposent à l’élimination de toute personne, s’évanouirait. Il serait également très difficile de prévenir les abus. Dans notre société vieillissante, aux prises avec la hausse du coût des soins de santé, le soi-disant « droit de mourir » risquerait de devenir un « devoir de mourir ».
Selon la tradition chrétienne, Dieu accorde aux êtres humains un certain degré d’autonomie : notre intelligence et notre volonté nous permettent de prendre nos propres décisions. Mais nous ne sommes pas propriétaires du don de la vie, nous en sommes les intendants. La liberté véritable nous amène non seulement à choisir, mais à choisir le vrai bien que Dieu nous révèle pour notre bonheur éternel. Tout exercice de la liberté ou tout acte d’autodétermination qui contredit le plan de Dieu sur nous, comme individus ou comme êtres sociaux, est contraire à la liberté authentique.
Zenit : À l’occasion de la Journée mondiale du Malade, vous avez publié un dépliant dont le titre est « Vivre, souffrir et mourir… pourquoi ? » À qui vous adressez-vous en particulier ?
M. Boulva : Si cette nouvelle publication s’adresse d’abord aux catholiques, elle intéressera aussi toute personne en quête de bonheur et d’un sens à l’existence et à la souffrance. Nous l’avons conçue dans le contexte d’une société déchristianisée qui a besoin de redécouvrir ses racines. Il est temps de lui re-proposer l’espérance chrétienne. Le Christ vient donner une signification inattendue à nos vies. Beaucoup trouvent en Lui la source de leur persévérance, de leur espérance, et même de leur joie dans l’adversité. Cette réflexion invite les lecteurs à contempler l’un des grands mystères de la vie : la douleur et la souffrance. Elle leur en révèle le sens chrétien profond, tout en leur inspirant un sens renouvelé de l’espérance, du courage et de la paix.
Zenit : Sur quels points insistez-vous particulièrement ?
M. Boulva : Nous rappelons le formidable projet d’amour de Dieu sur chacun de ses enfants de la terre, son désir d’entrer en relation d’amitié avec chacun de nous, son rêve de nous voir collaborer librement avec Lui pour bâtir un monde plus juste et plus humain, et comment tout cela se réalise dans la vie ordinaire de chaque jour. C’est là que nous pouvons vivre un rendez-vous extraordinaire avec Dieu : tout simplement, dans le travail et la vie familiale, dans les loisirs et les engagements sociaux, parler à Dieu et tout lui offrir par amour.
Car le Christ veut donner un sens divin à nos vies. Nos croix, petites et grandes, unies à la sienne trouvent tout leur sens dans l’Eucharistie. C’est là que le Christ les saisit et les offrent en même temps que la sienne pour que nous devenions co-rédempteurs avec Lui. Peut-on imaginer plus grande dignité ?
Nous abordons enfin la question de la solidarité, des soins palliatifs et de l’appel à la compassion véritable que nous lance le Christ reconnu dans la personne seule, diminuée, angoissée, abandonnée. Chacun de nous est appelé à la fois à servir le Christ souffrant et à être le Christ Serviteur qui soutient l’autre aux jours de souffrances pour qu’il garde courage jusqu’au terme naturel de sa vie. Voilà ce que signifie « aider à mourir » pour un chrétien : aider à vivre jusqu’à ce que l’autre parvienne naturellement au moment le plus important de sa vie, son passage vers l’éternité et sa rencontre face à face avec Dieu.