ROME, Mercredi 7 février 2007 (ZENIT.org) – Nous fêtons cette année le 40ème anniversaire de l’encyclique sociale de Paul VI Populorum progressio et le 20ème anniversaire de l’encyclique de Jean-Paul II Sollicitudo rei socialis. Zenit a demandé au père Thomas D. Williams, professeur de doctrine sociale catholique et doyen de la faculté de théologie à l’Université Regina Apostolorum quelle est la signification et la portée de ces documents.
Zenit : Pourquoi l’encyclique Populorum progressio a-t-elle eu une si grande importance ?
P. Williams : Populorum progressio est non seulement la première encyclique promulguée après le Concile Vatican II, mais il s’agit également de la première encyclique qui aborde directement le sujet du progrès humain et du développement. Paul VI s’est largement inspiré des fruits de la réflexion du Concile pour distinguer l’idée authentiquement chrétienne du progrès d’autres idéologies.
Zenit : Quelles idéologies ?
P. Williams : Le siècle des Lumières a pris comme leitmotiv l’idée du progrès, prêchant un humanisme séculier qui conduirait à un âge de raison où la religion serait remplacée par la science. Le siècle des Lumières a eu des contributions positives telles que la saine séparation de l’Eglise et de l’Etat, l’équilibre des pouvoirs politiques, la promotion des sciences naturelles, mais il possédait également une dimension matérialiste et anti-religieuse marquée. L’homme devint son propre sauveur, capable de résoudre seul ses problèmes et n’ayant plus besoin d’un Dieu personnel et transcendant.
Les idéologies du XIXe siècle se développèrent à partir de nombreux éléments du siècle des Lumières et en vinrent à considérer le progrès comme un phénomène nécessaire et inexorable, une expression de l’évolutionnisme darwinien. L’optimisme existentiel affirmait que les choses s’amélioraient nécessairement plus les êtres humains dominaient le monde naturel à travers l’application des sciences naturelles.
Ajoutons à ce mélange la philosophie du progrès dialectique de Hegel selon laquelle la société progresse nécessairement à travers le conflit (thèse, antithèse, synthèse), et nous obtenions le cadre parfait pour les tragiques expériences totalitaires du 20ème siècle qui cherchaient à créer un paradis terrestre sans Dieu. En excluant Dieu, ils ont également fini par piétiner la personne humaine.
Zenit : En quoi l’idée chrétienne du progrès diffère-t-elle de ces idéologies ?
P. Williams : Tout d’abord, comme Paul VI l’enseigne dans Populorum Progressio, l’idée chrétienne du progrès n’est pas purement matérielle ou technologique. Elle englobe nécessairement la personne humaine tout entière dans ses dimensions sociale, morale, culturelle et spirituelle. Paul VI a écrit : « Le développement ne se réduit pas à la simple croissance économique. Pour être authentique, il doit être intégral, c’est-à-dire promouvoir tout homme et tout l’homme » (14). Une société qui n’avance pas en bonté, justice et amour ne progresse pas de manière authentique.
Deuxièmement, les chrétiens ne considèrent pas le progrès humain comme un phénomène nécessaire. Ce n’est pas parce que nous avons maintenant des iPods et des fours micro-ondes que nous sommes moralement ou culturellement supérieurs aux générations précédentes. Le fait que nous avancions dans le temps ne garantit pas une croissance sur le plan de la vertu. Tous les changements ne sont pas nécessairement des améliorations et la régression est tout aussi possible que le progrès.
Troisièmement, étant donné que le progrès n’est pas automatique, nous devons tous nous sentir responsables de la direction que prend notre société. Nous ne sommes pas tout simplement balayés par les vents du changement ; chacun de nous exerce aussi une influence sur la direction que prend notre culture. Nos choix pour le bien ou le mal ont une influence sur l’humanité tout entière. En tant que chrétiens nous croyons que chacun de nous a une vocation spécifique et une mission à accomplir. Dans ce cadre, la société progresse lorsque chacun fait ce qui lui revient pour permettre l’avènement du Royaume du Christ dans la société humaine.
Enfin, la condition humaine ne se limite pas au progrès de la cité terrestre. Notre vie terrestre prendra fin, quels que soient les progrès réalisés par la société humaine. Nous sommes appelés à la vie éternelle en Jésus Christ. Le véritable progrès doit prendre en considération la dimension spirituelle de l’homme et sa vocation transcendante comme fils de Dieu destiné au ciel.
Zenit : N’y a-t-il pas un danger à « spiritualiser » excessivement le développement en oubliant les besoins matériels réels des personnes ?
P. Williams : Paul VI n’est heureusement pas tombé dans ce piège. Bien qu’il mit en garde contre un matérialisme réducteur qui considère le progrès et le développement sous un angle exclusivement matériel, il insista également sur l’importance du développement économique en particulier pour les nations les plus pauvres. Il souligna la nécessité d’un effort concerté de la part de tous pour faire sortir les nations sous-développées et les peuples de leur pauvreté, comme un élément essentiel de leur développement intégral.
Zenit : Comment peut-on évaluer le progrès réel d’une culture ou d’une société ?
P. Williams :Une société progresse en devenant plus humaine. Paul VI parla souvent d’un nouvel humanisme chrétien centré sur la dignité de la personne humaine. Une culture progresse véritablement dans la mesure où elle parvient à obtenir le bien commun, c’est-à-dire les conditions de vie sociale permettant aux personnes, aux familles, aux groupes d’atteindre leur véritable bien intégral. La prospérité matérielle est un élément de ce progrès véritable mais elle n’est pas le seul et elle n’est pas non plus le plus important.
Zenit : Vous venez de publier un ouvrage intitulé Spiritual Progress (Progrès spirituel). Quel est le rapport entre le progrès spirituel et le progrès dont nous venons de parler ?
P. Williams : Le sous-développement spirituel est encore plus répandu que le sous-développement économique dans le monde contemporain. De nombreuses personnes découvrent que tandis que leur vie matérielle, intellectuelle et sociale s’est développée au fil des années, leur vie spirituelle n’a pas beaucoup évolué depuis leur enfance.
L’objectif de cet ouvrage n’est pas d’offrir un traité théorique sur la vie spirituelle mais un texte plus pratique, plus pragmatique pour grandir dans sa relation personnelle avec le Christ. Il présente l’ABC de la vie spirituelle : où allons-nous et, chose peut-être plus importante, comment pouvons-nous y aller. De nombreux concepts tels que la sainteté, la volonté de Dieu, la foi et l’humilité semblent très éthérés pour les gens d’aujourd’hui. Le but de ce livre est de les ramener à leur niveau, de les rendre tangibles et accessibles.
Je cherchais depuis des années un livre au contenu spirituel riche mais rédigé dans un langage accessible. Je voulais pouvoir offrir quelque chose de solide aux personnes qui commencent à prendre leur vie spirituelle plus au sérieux. Comme je ne trouvais pas ce livre, j’ai décidé de l’écrire. J’espère qu’il pourra être utile à ceux qui souhaitent approfondir leur vie spirituelle.