ROME, Lundi 5 février 2007 (ZENIT.org) – De nouveau, le signal d’alarme est tiré dans le monde médical à propos de la dérive eugéniste du « diagnostic pré-natal » (DPN), comme le rapporte la synthèse de presse de la Fondation Jérôme Lejeune (www.genethique.org).
Didier Sicard, président du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) et ancien chef du service de médecine interne à l’hôpital Cochin (Paris), accorde une interview au journal Le Monde au sujet de la généralisation du dépistage prénatal (DPN). Il s’inquiète de la systématisation du dépistage, de la prédominance de la « pensée unique » dans ce domaine et du fait que le dépistage soit considéré comme un « acquis » sur lequel il serait impossible de revenir.
En théorie, le dépistage n’est qu’une proposition, en pratique, il est devenu « quasi obligatoire ». Très peu de grossesses ne sont pas concernées par le dépistage de la trisomie 21. Les parents qui souhaitent garder leur enfant malgré tout, sont dès lors exposés au regard d’une société qui considère la naissance de ces enfants comme « non souhaitée, non souhaitable ». Notre société doit-elle ainsi orienter le choix des parents ? Le cruel regard porté sur ces parents et ces enfants par la communauté ne bâillonne-t-il pas leur liberté individuelle ? « Comment défendre un droit à l’inexistence ? », s’interroge encore Didier Sicard, alors que le dépistage réduit purement et simplement la personne à une « caractéristique ».
La technique du dépistage non seulement devient plus performante, mais aussi s’étend à de nouvelles affections génétiques. Mozart, atteint de la maladie de Gilles de Tourette ou encore Einstein avec un cerveau hypertrophié seraient dès aujourd’hui déclarés « indignes de vivre ». Et certains voudraient élargir le dépistage à la maladie de Marfan, dont Lincoln et Mendelssohn souffraient…
Démarche d’autant plus perverse que la recherche avance sans que soit posée la question de son sens : « il n’y a pas de vraie pensée mais la recherche constante d’une optimisation », dénonce Didier Sicard. D’ailleurs, il est bien impossible de débattre ou d’émettre un avis critique sur ces questions, sans être immédiatement traité d’ « irresponsable » par ceux là même qui affirment agir au nom du « bien public » en traquant les personnes porteuses d’une anomalie identifiable et dépistable.
Ainsi, « la France construit pas à pas une politique de santé qui flirte de plus en plus avec l’eugénisme. (…) Nous ne sommes pas très loin des impasses dans lesquelles on a commencé à s’engager à la fin du XIXème siècle pour faire dire à la science qui pouvait vivre et qui ne devait pas vivre ». A plusieurs reprises, Didier Sicard souligne que le DPN ne vise pas au traitement mais à la suppression, qu’il « renvoie à une perspective terrifiante : l’éradication ». « Je le répète, dans la très grande majorité des cas, le dépistage n’est pas destiné à traiter mais bien à supprimer. »
Cette logique d’ « éradication sociale », qui confine à l’ « idéologie », est d’ailleurs plus présente en France que dans les autres pays. D’abord parce que le dépistage est perçu comme un « progrès des acquis scientifiques, des Lumières, de la Raison ». Ensuite, parce que cette pratique est très largement accessible. Enfin, parce que la France ne mène pas de politique d’accueil des personnes handicapées.
D’après Didier Sicard, la France ne conduirait pas une telle politique de dépistage si elle « avait été confrontée, à l’occasion d’un régime nazi, à des pratiques eugénistes similaires ». « L’histoire a amplement montré où pouvaient conduire les entreprises d’exclusion des groupes humains de la cité sur des critères culturels, biologiques, ethniques ».
Cette politique de dépistage résulte de l’influence de la science sur la politique à qui elle fournit une « caution » : « il y a toujours un moment où la politique prend la science au mot pour transformer la société au motif que la « science dit le vrai » ». « Nous donnons sans arrêt, avec une extraordinaire naïveté, une caution scientifique à ce qui nous dérange », ajoute-t-il. Et de conclure : « la confusion n’a jamais été aussi grande entre transparence et vérité ».
Source : Le Monde (Michel Alberganti, Jean-Yves Nau) 05/02/07