ROME, Jeudi 14 décembre 2006 (ZENIT.org) – L’archevêque d’Athènes, S.B Christodoulos, chef de l’Eglise orthodoxe grecque, a rencontrera le pape Benoît XVI, demain jeudi, à Rome. Une déclaration conjointe pourrait être publiée à cette occasion concernant la reconnaissance des racines chrétiennes de l’Europe.
A l’occasion de la visite de S.B. Christodoulos, chef de l’Eglise orthodoxe grecque, ce jeudi au Vatican, Zenit a demandé à Mgr Dimitri Salachas, de l’exarchat grec-catholique d’Athènes, d’analyser les relations entre l’Eglise orthodoxe et l’Eglise catholique. Mgr Salachas est professeur de droit canonique oriental à Rome, consulteur à la Congrégation pour les Eglises orientales, au Conseil pontifical pour l’unité des chrétiens et dans d’autres organismes de la Curie romaine. Nous publions ci-dessous la deuxième partie de l’entretien (cf. Zenit 13 décembre pour la première partie).
Zenit : Vous êtes membre de la Commission mixte pour le dialogue théologique officiel entre l’Eglise catholique et l’Eglise orthodoxe. Au fil de toutes ces années (de Patmos 1980 à Belgrade 2006) la Commission mixte n’a pas résolu le problème de l’« uniatisme »(1), considéré par la partie orthodoxe comme une grave entrave à l’unité. Sur le plan de l’œcuménisme, les catholiques de rite oriental, les « uniates », sont-ils un problème ou un élément en faveur de l’unité ?
Mgr Salachas : La Commission mixte, consciente de la complexité des problèmes à résoudre sur l’« uniatisme », estime toutefois que ce dialogue est important, qu’il doit se poursuivre dans la perspective d’une pleine unité entre les Eglises catholique et orthodoxe. Il faut tout d’abord affirmer clairement que l’ « uniatisme » n’est pas la solution au rétablissement de la pleine unité dans le domaine œcuménique.
Il faut donc faire la distinction entre l’« uniatisme » et les Eglises orientales catholiques, c’est-à-dire les Eglises aujourd’hui en pleine communion avec le Siège apostolique de Rome.
Il faut donc rappeler que la Commission mixte, aussi bien dans la Déclaration commune de Freising 1990 (Allemagne), que dans le document conjoint de Balamand 1993 (Liban), fait la distinction entre la méthode du passé et l’existence des Eglises catholiques orientales. Elle affirmait en effet « nous rejetons l’uniatisme comme méthode de recherche de l’unité parce que qu’elle s’oppose à la tradition commune de nos Eglises ». Elle affirmait encore : « les Eglises orientales catholiques, faisant partie de la communion catholique, ont le droit d’exister et d’agir pour répondre aux besoins spirituels de leurs fidèles »; « les Eglises orientales catholiques qui ont voulu rétablir la pleine communion avec le Siège de Rome et qui lui sont restées fidèles, ont les droits et les devoirs inhérents à cette communion ».
On sait que les Eglises orthodoxes ne trouvent aucun fondement théologique justifiant l’existence des Eglises catholiques orientales, d’où leurs réserves, tandis que pour l’Eglise catholique, les Eglises catholiques orientales, de par leur pleine communion avec le Siège apostolique de Rome, en raison de leur profession de foi, des sacrements et du gouvernement de l’Eglise, sont reconnues dans les domaines ecclésial et canonique.
En diverses occasions, représentants orthodoxes, théologiens et ecclésiastiques, ont donné leur point de vue, estimant que les catholiques orientaux devraient choisir entre le retour dans leur Eglise orthodoxe d’origine ou rentrer dans l’Eglise Latine.
Il est évident qu’une telle « solution » ne peut être accueillie par les catholiques, pour des raisons essentiellement doctrinales, ecclésiologiques et pastorales..
Je pense que la question de l’ « uniatisme » renvoie à la question plus difficile sur le plan théologique de la primauté du pontife romain.
En effet, bien que l’origine des Eglises orientales catholiques remonte très loin dans le temps, que leur appartenance à la communauté ecclésiale ne date que d’après le schisme de 1054, et après les tentatives échouées d’union, surtout depuis le Concile de Florence (1439), leur état ecclésial et canonique est dû à leur reconnaissance par l’autorité suprême de l’Eglise catholique, c’est-à-dire le pape.
Tout en reconnaissant que les Eglises orientales catholiques ne constituent pas la solution au rétablissement de la pleine communion entre nos Eglises, la question de leur existence est étroitement liée à la doctrine sur la primauté du pape et à son exercice dans l’Eglise universelle. Dans cette ligne, la IX Assemblée plénière de la Commission mixte qui a eu lieu à Belgrade du 18 au 25 septembre 2006, a commencé à traiter le thème : « Conséquences ecclésiologiques et canoniques de la nature sacramentelle de l’Eglise. Autorité et conciliarité dans l’Eglise ».
Le thème a été étudié à trois niveaux de la vie de l’Eglise, locale, régionale et universelle sous l’aspect ecclésiologique et canonique.
L’approche canonique du thème était essentiellement basée sur les « canons sacrés » du premier millénaire. Elle tenait également compte des développements doctrinaux survenus dans le second millénaire dans la vie des Eglises orthodoxes et dans l’Eglise catholique.
La session de Belgrade n’a pas fini d’étudier toute la question. Cela sera fait, dans son ensemble, lors de la prochaine session plénière de la Commission qui se tiendra en 2007, invitée par l’Eglise catholique.
Par conséquent, au plan œcuménique, le problème relatif à l’« uniatisme », considéré par la partie orthodoxe comme étant une grave entrave à l’unité, ne constitue pas une solution, mais un problème théologique et canonique que la Commission mixte s’est engagée, à la demande de ses Eglises, d’affronter dans un dialogue de charité et de vérité.
Toutefois, que la Commission mixte ne soit pas encore parvenue à un accord sur le concept théologique de base de l’uniatisme, et qu’aucun document commun n’ait été encore élaboré, ne veut pas dire que le Dialogue théologique se soit interrompu.
Zenit : Jeudi à Saint-Paul-hors-les-Murs, un morceau de la chaîne de captivité de saint Paul sera remise au nom du pape à l’archevêque Chistodoulos par le cardinal Montezemolo. Quelle signification peut-on donner à ce geste ?
Mgr Salachas : A ma connaissance, lors de leur rencontre à Athènes en 2001, S.B Chistodoulos avait déjà demandé au pape Jean Paul II de lui donner une partie de cette chaîne comme sainte relique en signe de bénédiction pour le peuple orthodoxe.
Le pape, bien volontiers, avait promis de lui remettre une partie de cette chaîne lors d’une prochaine rencontre à Rome. Mais la rencontre n’a pas eu lieu et c’est maintenant le pape Benoît XVI, maintenant la promesse faite par son prédécesseur, qui le fera. Ce geste a une signification profondément théologique et œcuménique. L’Eglise de Rome et l’Eglise d’Athènes sont des Eglises d’origine apostolique, la première fondée par les apôtres Pierre et Paul, et la seconde par l’apôtre Paul. Les deux apôtres sont morts à Rome en martyrs, Pierre en 64 (ou 67), Paul en 67.
Les chaînes qui emprisonnaient saint Paul au moment de sa captivité et de son martyre, sont depuis des siècles conservées et vénérées dans la Basilique Saint-Paul-hors-les-Murs. Non seulement Elles honorent la mémoire de l’apôtre des gentils et son martyre survenu à Rome, mais elles stimulent aussi les Eglises catholique et orthodoxe à poursuivre, sur ses traces, leurs efforts vers la pleine unité.
Ce geste fraternel, cette remi
se d’une partie des chaînes de saint Paul à l’Eglise d’Athènes, rappelle à tous, à l’Eglise d’Athènes comme à celle de Rome, l’appel que saint Paul avait adressé aux chrétiens de Corinthe : « Mes frères, il m’a été signalé à votre sujet (…) qu’il y a parmi vous des discordes. J’entends par là que chacun de vous dit: ‘Moi je suis à Paul’, ‘Et moi, à Apollos’, ‘et moi à Céphas’, ‘et moi, au Christ’. Le Christ n’est-il pas divisé ? Serait-ce Paul qui a été crucifié pour vous ? Ou bien serait-ce au nom de Paul que vous avez été baptisés ? » (1 Cor. 1, 11-13). En réalité « nous avons tous été baptisés dans un seul Esprit pour être un seul corps, Juifs ou Grecs, esclaves ou libres ; et nous avons tous été abreuvés d’un seul Esprit » (cf. 1 Cor. 12, 13).
Zenit : L’archevêque Christodoulos a fait ses études, au collège et au lycée, à l’école catholique « Leonteion » des Frères Maristes à Athènes. Pensez-vous que son ouverture au dialogue vienne de cette expérience ?
Mgr Salachas :Ceci est exact. Personnellement, nous nous connaissons depuis que nous avons été camarades de classe dans cette école catholique.
Cela a sans aucun doute beaucoup influencé son parcours par la suite, en devenant prêtre, évêque et maintenant archevêque d’Athènes et primat de Grèce, et suscité en lui l’envie de suivre et de connaître l’« aggiornamento » apporté dans l’Eglise catholique par le Concile Vatican II.
Tout ceci le rend effectivement particulièrement sensible au dialogue entre orthodoxes et catholiques sur le chemin vers l’unité.
Bien sûr, pour promouvoir l’unité des chrétiens, entre orthodoxes et catholiques, l’engagement de leurs pasteurs est absolument fondamental comme témoignage et guide.
Mais cela ne suffit pas ; il faut que tous les autres Pasteurs et fidèles, catholiques et orthodoxes, se sentent impliqués au niveau régional et local.
Mais pour être réalistes, nous devons reconnaître que ce n’est pas encore suffisamment le cas dans différents milieux de l’Eglise orthodoxe en Grèce.
En effet la visite de l’archevêque et sa rencontre avec le pape constituent un acte de courage. Elles ont lieu dans un climat qu’une partie de la hiérarchie orthodoxe ne partage pas. Mais elles s’insèrent dans la ligne du dialogue de charité et de vérité entre l’Eglise catholique et l’Eglise orthodoxe dans son ensemble. Un dialogue auquel l’Eglise de Grèce participe activement.
(1) L’union de certaines Eglises orientales avec Rome
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Dec 14, 2006 00:00